3. Discussion dans le bus

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S’il y avait bien une chose qui rendait Cédric jaloux de son petit frère, c’était sa capacité à ingurgiter trois Big Macs, une grande frite, un Sunday fraise et un coca sans prendre un gramme. Une fois de plus, l’appétit vorace de Kilian l’avait renversé au fond de sa chaise.  Une fois les courses terminées, les deux frères s’étaient rendus au McDonald’s du centre commercial, puis étaient rentrés chez eux par le même bus que le matin. Sur le chemin du retour, ils avaient parlé de la pluie et du beau temps ainsi que du camp de Kilian qui approchait à grands pas.

Cédric attendait beaucoup de ce camp. La situation à la maison était vraiment tendue. Les colères de son père et l’irresponsabilité de sa mère poussaient son cadet à se refermer sur lui-même. Pour ne pas trop subir la pression familiale, le jeune garçon se jetait à corps perdu dans l’escrime. Le reste de son temps libre, il le passait à trainer avec son meilleur ami, à jouer à la Xbox et à dormir. Cédric espérait que ce camp l’aiderait à s’ouvrir aux autres, et lui permettrait pourquoi pas de flirter un peu. Le manque d’intérêt de son frère pour l’autre genre lui paraissait légèrement gênant. Il craignait que Kilian s’interdise toute aventure pour ne pas reproduire le spectacle déplorable qu’il subissait tous les soirs à la maison.

« Tu sais un peu ce que tu vas faire, pendant ce camp alors ? »

« Bah…  c’est un camp d’adolescents axé sur le sport. Il y aura du foot, du basket, du rugby, du tennis… Mais pas d’escrime… J’me suis un peu fait avoir là, je crois… Mais papa ne voulait pas que je reste à glander tout l’été à la maison, donc bon… »

Malgré tout ce que son géniteur lui faisait subir, Kilian le respectait, l’admirait même. Son père était fort. Il avait réussi. Et même si cet homme  était dur et violent, Kilian s’efforçait de se convaincre que c’était pour son bien et lui obéissait donc aveuglément.

« Et il y aura des filles dans ce camp de vacances au moins ? »

Un petit peu embarrassé, le candide collégien répondit :

« Heu, étant donné que sur la brochure, il était marqué qu’il y avait aussi de la danse, je pense bien… Ça serait vraiment la loose s’il n’y avait que des mecs, tu crois pas ? »

« Ah ça c’est sûr… Quoique, vu comment tu te fous de tout, tu serais bien capable de même pas t’en rendre compte, Kili’ ! »

Ce n’était pas totalement vrai… Mais pas totalement faux non plus. Kilian n’eut cependant pas le temps de répondre. Les portes du bus venaient de s’ouvrir et son frère l’avait poussé dehors d’un coup sec.

« Zou, toi, tu rentres à la maison, et moi, je vais voir Sandra… À ce soir p’tit frère. Et si t’as envie d’être adorable, mets la table et mets les patates à cuire pour dix-neuf heures. »

Cédric ne put rien dire de plus, les portes venaient de se refermer, laissant Kilian seul, planté devant l’arrêt.

« ‘Tain, mais Cédric, ducon, t’as gardé le sac avec le jogging avec toi dans le bus… »

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant