36. Le jeu du plus con

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Étrangement, Kilian n'était pas pressé de se rendre à l'entrainement. Il descendait tranquillement les marches des trois étages du bâtiment A en discutant avec Martin. Leur petite dispute pendant la récréation était déjà de l'histoire ancienne. Ils trainaient tellement que Yun-ah les lâcha et leur dit au revoir d'un signe de la main entre le deuxième et le premier étage. Un seul garçon semblait aller plus lentement qu'eux. Il était brun et avançait les mains dans les poches.

C'est ce jeune brun qu'attendaient Adrien et Victor au rez-de-chaussée. Le moment de mettre les choses au point était venu.

« Écoute Aaron, je crois qu'il y a un truc que tu n'as pas bien pigé, alors je vais être gentil et je vais te l'expliquer. T'es nouveau, tu restes à ta place. Ça serait vraiment dommage pour toi que tu te retrouves tout seul. On pourrait être amis tous les deux, t'as pas envie que ça se passe mal entre nous, quand même ? »

Adrien était nerveux. C'était très rare pour lui de prendre les devants et de se confronter directement à quelqu'un. Mais il savait que son adversaire était d'un autre calibre que ce qu'il avait connu jusqu'alors. Victor pouvait servir si ça dégénérait, mais tant qu'on en restait aux mots, ce dernier n'était d'aucune utilité.

« Fous-lui la paix Adrien. T'as le seum' parce qu'il a eu une meilleure note que toi en histoire. C'est pitoyable... »

Kilian ne rigolait pas. Il était là, il avait tout entendu. Dans des moments comme celui-là, il n'avait pas besoin de réfléchir. Il faisait ce qui lui semblait le plus juste. Même s'il était toujours remonté contre Aaron, il n'allait pas le laisser se faire emmerder par un casse-couille de première. Seul problème, le blondinet avait oublié qu'Aaron n'était pas du genre à avoir besoin d'un protecteur.

« Kilian, t'es super mignon, mais occupe-toi de ton roux. Si j'avais eu besoin de toi, t'en fais pas, je t'aurais sonné. Laisse-moi donc m'amuser un peu avec ce cher Adrien. Nous venions justement de commencer une discussion passionnante entre personnes civilisées ! »

À contrecœur, l'adolescent aux yeux verts dut retenir de toutes ses forces son compagnon à la peau tachetée, qui en tant que roux qui se respecte aurait adoré laisser l'empreinte de son poing sur la joue d'un brun légèrement trop vaniteux dans sa manière de s'exprimer. Devoir retenir Martin empêchait au moins Kilian de se jeter lui-même sur Aaron qui s'était déjà retourné vers son interlocuteur principal.

« Écoute-moi Adrien. Ton petit jeu de mec brillant qui passe bien avec les profs et qui est aimé de tout le monde, ça prend pas avec moi. Je m'en fous d'être seul tant que je ne vois pas ta tronche. Tu me fous la paix et je te fous la paix. Tu me fais chier et je te fais chier. C'est toi qui vois, mais ne viens pas chialer après. Et aussi, fous la paix à Matthys. Tu l'emmerdes, c'est comme si tu m'emmerdes. Pigé ? »

La menace n'était pas une arme efficace contre Aaron. La rhétorique non plus, l'épisode du débat avait achevé de convaincre Adrien qu'il devait redoubler de prudence quand il discutait en public avec ce foutu nouveau qui ne voulait pas rentrer dans le rang. Et à chaque fois que la force ou l'intelligence deviennent inutiles, les jeunes adolescents ont tendance à abaisser très fortement le niveau et à taper en-dessous de la ceinture. Même ce cher Adrien, pourtant si brillant :

« Pourquoi ça ? Matthys c'est ta meuf ? C'est pour ça que tu défendais le mariage des pédés ? T'es de la jaquette ? »

L'insulte passait largement au-dessus d'Aaron. S'il défendait Matthys, c'était juste parce que ce dernier en valait la peine. Son camarade n'était pas vraiment son type de femme. Aaron les préférait blondes. Ou blond, mais c'était l'exception qui confirme la règle. Ce qui, par contre, ne passa pas du tout au-dessus de sa tête et lui fit ressentir une vilaine démangeaison, ce fut la remarque de Kilian :

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant