53. Pourquoi ?

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S'il y avait bien une chose que François détestait, c'était de voir son jeune fils désobéir. Autant s'était-il fait une raison pour Cédric qui n'en faisait qu'à sa tête, autant pour Kilian, l'emprise psychologique qu'il avait sur ce dernier lui était nécessaire. Quand son enfant obéissait à ses règles sans rechigner, cela le rassurait quant à son statut d'homme de la maison. Entre sa femme alcoolique et infidèle et son ainé de plus en plus indépendant, Kilian était bien le seul à encore le respecter. Mieux, le jeune garçon vouait un culte à son père, malgré les cris et les larmes.

Il était minuit passé depuis un moment quand le collégien passa enfin le seuil de la porte de sa maison. Dans les bras d'Aaron, il n'avait pas regardé sa montre. C'était comme si le temps n'avait plus de prise sur lui. Il ne savait pas combien de minutes il était resté à pleurer dehors dans le froid de cette fin d'automne et ça lui était bien égal. La soirée avait été mouvementée, trop pour lui. Voir sa meilleure amie Yun-ah dans un état pitoyable à cause de quelques bières lui avait rappelé sa mère.

Minuit passé, c'était trop tard. François avait été clair. Kilian devait être rentré pour vingt-trois heures quarante-cinq. Il avait désobéi à son père. Ce n'était pas acceptable. L'adulte se tenait droit dans le salon. D'un signe de la tête, il indiqua à son fils où ce dernier devait se placer. La tête baissée et les mains dans le dos, le garçon s'exécuta. Il savait qu'il avait fauté, il ne voulait même pas chercher à discuter. Après tout, ce n'était qu'une engueulade, une de plus, il y était presque habitué. Il pleurerait pour la forme, histoire de montrer à son père sa totale soumission, puis il irait se coucher sans demander son reste. La routine.

Pourtant, la réaction de François ne fut pas celle qu'il s'imaginait.

Son père avait passé une très mauvaise soirée. Une des pires de son existence. Tandis que sa progéniture s'amusait inconsciemment chez un de ses camarades de classe, lui avait décidé de discuter avec la principale intéressée de l'avenir de son couple. De son propre avenir. Le comportement de sa femme était de moins en moins supportable. Elle le trompait, ce n'était même pas un problème. François connaissait presque tous les amants de Marie, certains étaient même de bonnes relations. Cela ne le dérangeait pas, au contraire. Au moins, il savait à quoi s'en tenir et cela lui permettait de toujours savoir où en était celle dont il avait la charge. C'était assez commode, c'était comme si on lui rendait un fier service en s'occupant de sa bonne femme quand lui avait la tête à son travail. Et cela lui enlevait un poids, il avait fini par l'accepter. Si lui n'était plus capable de satisfaire son épouse, alors autant qu'un autre s'en charge, tant que l'illusion du couple fonctionnait toujours et qu'elle acceptait de sortir à son bras une à deux soirées par an chez de gros clients, pour l'image. Et quand lui avait envie de satisfaire son appétit vorace d'amour charnel, il lui restait toujours sa magnifique secrétaire. Cette petite irait loin dans la vie, il en était persuadé. Elle avait comme qualité de savoir se montrer persuasive quand il le fallait. Sur son C.V, elle pouvait fièrement indiquer sa maitrise des langues, un plus toujours utile dans le milieu. Et quand ce n'était pas suffisant, c'était la maitrise de sa langue qu'elle savait toujours mettre en avant lors de ses entretiens d'embauche. Une telle technique, c'était forcément signe d'une motivation hors du commun.

Sauf qu'en ce froid samedi de novembre, la découverte qu'il fit le terrassa sur place. L'amant du moment n'était pas une simple connaissance. Il s'agissait de son meilleur ami. Il s'appelait Bruno. Ils avaient fait le service militaire ensemble. François lui avait même demandé d'être le parrain de Kilian, ce que ce dernier avait accepté. S'il trainait à la sortie des cours d'écoles, c'était bien plus pour les mères que pour les enfants. Un appétit insatiable de chair fraiche dont il aimait raconter les détails à son vieux copain de régiment. Les deux compères en rigolaient beaucoup. Ce Bruno quand même ! François le considérait comme un frère, il était son confident, il lui avait tout raconté. Les problèmes d'alcoolisme de Marie, la difficulté qu'il avait à montrer à ses fils qu'il les aimait plus que tout, la perte de ses repères. Bruno lui disait toujours « Ne t'en fais pas, ça va aller ! Je suis là pour toi ! »

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant