50. C'est mal d'épier les autres

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« Et puis surtout, n'oubliez pas, hein ! Samedi, c'est mon anniversaire, toute la classe est invitée ! »

Quand on est délégué et populaire, on est obligé de soigner les apparences. Matthieu le savait, tout le monde dans la classe attendait impatiemment son anniversaire. D'autant plus que, pour la première fois, ses parents lui payaient un DJ amateur et lui laissaient les clés de leur luxueux appartement ainsi qu'assez d'argent pour acheter des pizzas pour tout le monde. Cela tombait bien, les collégiens ont souvent plus soif que faim, et la bière est moins chère que la quatre-fromages. En tant que petit bourgeois pourri-gâté, Matthieu avait bien l'âge de commencer à faire des conneries. Quinze ans, ce n'est pas rien. C'est même la majorité sexuelle. Enfin il pourrait vivre au grand jour l'histoire d'amour qu'il entretenait en secret avec sa main droite depuis des mois. Ou pas. Le problème avec le bel adolescent, et ce qui expliquait son célibat forcé malgré sa gueule d'ange, c'est qu'il plaisait beaucoup aux filles et que Kilian n'en était pas une. Et dire qu'Aaron avait fini par le cramer alors qu'il avait jusque là toujours réussi à garder secrets, sans le moindre problème, ses penchants pour le sexe fort. Heureusement, le petit brun ne semblait pas plus que cela lui tenir rigueur de son orientation. Et comme il était plutôt beau gosse, il y avait peut-être un coup à jouer. Sait-on jamais, Aaron avait bien défendu le mariage pour tous, cela ne pouvait quand même pas être innocent !

Toute la semaine, il harcela ses camarades. Il voulait être sûr que personne ne manquerait le rendez-vous. Les fraicheurs, sa co-déléguée, ce cher Adrien... Même Matthys reçut une invitation. Matthieu ne fut enfin rassuré que lorsque le blondinet de service lui assura qu'il serait bien là, après avoir reçu l'autorisation de son père, suite à l'intervention de son frère. Cela avait pris quelques jours à se décanter et on était déjà jeudi. Tous les élèves de la classe se retrouvaient pour la dernière fois de l'année à la piscine municipale. Pour fêter ça, le professeur, monsieur Gilloux, avait laissé carte blanche aux jeunes afin qu'ils profitent au mieux des bassins. Ils s'en donnèrent à cœur joie. Entre autres courses et diverses noyades, les adolescents s'amusaient comme des petits fous.

Par méchanceté autant que par habitude, Adrien s'en prit au pauvre Matthys qui suffoquait en essayant de se maintenir la tête hors de l'eau. Aaron vola à son secours et Victor à celui de son maitre. Devant cette scène de bataille en ordre rangé, Martin et Kilian hésitaient. Fallait-il s'y engager, et si oui, dans quel camp ? Toujours en colère par rapport à l'épisode Yun-ah dont il se sentait particulièrement responsable, Martin se jeta sur le brun. Kilian, lui, se jeta sur son meilleur ami roux. Officiellement pour équilibrer le combat. Officieusement parce qu'il n'osait pas s'approcher trop près du corps d'Aaron tout en étant vêtu d'un simple slip de bain. Il était hors de question de se laisser aller comme le lundi précédent. Une bosse est si vite arrivée, il ne voulait prendre aucun risque.

À la fin de l'heure de lutte aquatique, tous se précipitèrent vers les douches bouillantes. Seul le blondinet trouvait une bonne raison de râler. L'eau était bien trop chaude pour lui. Le jet brulant sur la tête, il se savonnait le corps. La mousse blanche entourant son nombril à la peau aussi lisse que rosée ne laissait pas indifférent le délégué des élèves, obligé de se tourner contre le mur afin de ne pas subir les foudres d'Aaron, qui lui aussi profitait discrètement du spectacle.

Les jeunes avaient la chance de pouvoir se changer dans des cabines individuelles. Premier arrivé, premier servi, le blondinet choisit la troisième en partant du bout du couloir, son camarade brun la quatrième. C'était la première fois qu'ils se retrouvaient à se changer l'un à côté de l'autre. Cela ne plaisait pas tant que ça à Kilian. Il avait encore un peu de mal à digérer l'épisode du vestiaire. Aaron ne lui avait à proprement parler pas fait grand-chose. Pour un gage, au final, c'était resté assez gentillet. Et pourtant, cela l'avait rendu fou. Ce n'était pas tant la perversité assumée de son camarade que sa propre réaction naturelle qui l'avait gêné. Il ne la comprenait pas, ou plutôt, ne voulait pas la comprendre. Ce genre de chose ne lui arrivait jamais, à l'exception des rares fois où il pensait à ses anges, le soir dans son lit, ou lorsqu'il se retrouvait extrêmement proche d'une fille, comme lorsqu'il se collait à Alice. Il était même fier d'être si peu sujet à l'excitation facile qui agitait tous les jeunes garçons de son âge. Et savoir son camarade juste à côté de lui le gênait. Même s'il s'était déjà dénudé sans aucun problème devant Aaron cet été, c'était avant qu'ils ne se tournent autour, avant le baiser volé et surtout, avant les sous-entendus pervers. Le béjaune avait beau être particulièrement impudique, penser qu'en ce moment même, Aaron était peut-être en train de l'observer comme il l'avait fait avec les vacancières le perturbait. Et si le jeune brun avait les mêmes gestes en le regardant, lui, que ceux qu'il avait eus en observant les filles ? Kilian n'avait pas encore songé à cette éventualité, cela le fit frissonner. Il devait en avoir le cœur net. Juste jeter un coup d'œil dans la cabine d'à côté, voir si Aaron ne l'espionnait pas. Il n'y avait rien de mal à ça, c'était de la légitime défense.

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant