4. Le soir

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Cédric avait passé une après-midi plutôt agréable. Il avait rejoint sa douce au parc, à l'heure prévue, où ils avaient fait une longue balade en amoureux. Cela lui faisait un bien fou et il regrettait intérieurement que son petit frère n'ait pas encore cette chance. Sandra était une grande brune au cou allongé, les cheveux toujours noués aux épaules afin de ne pas la déranger dans ses amples mouvements. À part sa famille, très peu de personnes pouvaient se vanter de l'avoir vue les cheveux détachés. Cédric faisait partie des privilégiés. Même plus que ça. Sandra détachait toujours sa chevelure avant de faire l'amour. Il ne l'avait jusqu'à présent vue la crinière libre qu'une seule fois, il y avait tout juste trois semaines.

La belle l'avait interrogé sur ce jogging trop petit pour lui qu'il trimbalait dans son sac. Le lycéen lui avait répondu que c'était pour son petit frère avec qui il avait fait les courses ce matin même. Il parlait beaucoup de son petit frère à sa copine. Il lui parlait beaucoup de sa famille en général. Sandra n'ignorait rien du comportement immature de leur mère ni du comportement violent de leur père. Elle pouvait aussi témoigner du lien fort qui unissait les deux frères. Elle trouvait par ailleurs Kilian absolument craquant et il n'était pas dit que, s'il avait été un petit peu plus âgé, elle n'aurait pas succombé au charme du plus jeune des deux.

De son côté, le jeune vacancier avait passé l'après-midi avachi devant sa console à jouer avec son pote Martin, un brave garçon dans la même classe que lui un peu roux et au physique ingrat avec qui il partageait une vieille amitié datant du primaire. Avec une jeune fille de leur collège, ils formaient un trio des plus soudés, mais Martin était un peu plus qu'un simple bon camarade. Il était son confident. Kilian, qui d'ordinaire gardait tout pour lui, n'avait aucun secret pour son meilleur ami. Ainsi, le rouquin n'ignorait rien de la situation familiale de son blondinet de copain et savait très bien quand les portes lui étaient grandes ouvertes et quand il valait mieux éviter de traîner dans les parages.

« Kilian, bordel, j't'avais dit de faire chauffer les patates. T'abuses quoi »

« Ah, merde, j'ai oublié. Pardon Ced, j'ai passé l'aprèm avec Martin, j'ai pas vu le temps passer. Il vient de partir là… On mange quoi du coup ? »

Cédric restait bouche-bée devant le flegme et l'insouciance de son cadet. Non seulement il ne semblait pas du tout désolé d'avoir oublié la seule chose à laquelle il devait penser aujourd'hui, mais en plus, il avait le culot de s'inquiéter avant tout de son estomac comme si rien d'autre n'avait d'importance.

« Eh mais j'te jure, un jour, j'vais te faire la tête au carré… Fais chauffer l'eau, on va faire des pâtes et du jambon, ça prend dix minutes. »

Le repas fut plutôt détendu. Les deux frangins purent se raconter leurs après-midi respectives avant de se coller devant la télé, l'un contre l'autre. Le nom du film leur importait peu. La seule chose qui comptait, c'était le fait de pouvoir être proches, se toucher, se sentir… L'ainé se voulait fort, le cadet recherchait des bras protecteurs. Ils étaient bien l'un enlacé dans les bras de l'autre. Cédric souhaitait que ce genre de moments ne s'arrête jamais, mais il savait très bien qu'une telle proximité entre eux était impossible quand les vieux étaient là. Kilian, lui, comme à son habitude, ne se posait pas de question et s'endormit comme un bébé, lové dans les bras de son grand frère. À son poignet, il portait un léger bracelet bariolé en plastique que lui avait offert le lycéen. Une petite colline de tendresse qui cachait une montagne d'affection.

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant