Ce qu'il aimait

60 - Joyeux Noël Kilian !

Kilian l'avait exigé auprès de ses parents. Il n'était en rien responsable de leurs disputes incessantes. Il ne voulait qu'une seule chose, passer Noël en famille. Il ne désirait ni cadeau, ni argent. Juste l'affection des siens, fût-elle simulée. C'était lui et Cédric qui prépareraient le repas pour leur père, leur mère, leur tante Suzanne et son fiancé, tous les deux invités ce soir-là.

Inviter Suzanne avait été l'idée de Cédric. Il ne voulait pas qu'elle soit là juste pour « la voir ». Il avait besoin d'elle pour s'assurer que sa mère ne ferait pas la moindre entourloupe.

Toute la matinée, les deux garçons s'affairèrent entre la cuisine et la décoration du salon. Le blondinet avait réalisé le plus merveilleux des sapins et y avait déposé à son pied tous les présents qu'il avait achetés pour ses proches. Il voulait leur montrer que, si eux ne l'aimaient pas, lui les aimait malgré la rancœur et la colère.

Pour le dîner, ils avaient préparé des entrées, des plats et des desserts de haute volée. Bien sûr, cela ne valait pas les délices d'un grand restaurant, mais ces mets étaient préparés avec le cœur. À dix-huit heures, la table était dressée, le feu dans la cheminée allumé et les gourmandises prêtes à être servies. Emmitouflé dans un épais pull vert en laine, Kilian se serrait contre son frère devant les flammèches. Il n'avait rien raconté à son ainé de ce qu'il avait fait avec Aaron quelques jours plus tôt. En fait, il ne lui avait même jamais parlé de son camarade. Cédric ne connaissait même pas son prénom, tout juste savait-il que ce dernier était un élève de sa classe plutôt brillant et qu'ils travaillaient ensemble. En fond sonore, Kilian avait branché son téléphone sur la chaine hi-fi du salon qui diffusait quelques morceaux que lui avait envoyés par e-mail son petit brun.

Dehors, il faisait déjà nuit et, pour la première fois de l'hiver qui venait à peine de commencer, il neigeait. Le blondinet était particulièrement content. Il aimait la neige. Il adorait jouer avec les flocons et il était en admiration devant la nature quand elle se recouvrait d'un épais manteau blanc. Penser au magnifique paysage qui s'offrirait à lui le lendemain en ouvrant sa fenêtre lui faisait plaisir. Pour célébrer l'esprit de Noël, il avait enfilé à son poignet droit le petit bracelet bariolé que son ainé lui avait offert l'année précédente. C'était un petit geste de gentillesse mais il y tenait.

Dix-neuf heures trente, Suzanne sonna à la porte. Kilian et Cédric se jetèrent à son cou. Elle n'était pas venue les mains vides. En tant que tante aimante qui se respecte, elle adorait gâter ses neveux et elle le faisait plutôt bien. Même si ces derniers avaient interdiction de toucher aux paquets avant minuit, elle savait d'avance qu'ils seraient satisfaits. Pour le plus grand, elle avait choisi des gants de boxe dorés qu'elle avait réussi à faire dédicacer par une légende américaine de la discipline, ainsi qu'une BD mature qui mêlait aventure et érotisme. Pour le plus jeune, elle avait acheté la console de jeu dont il rêvait et qui venait de sortir, ainsi qu'un manga historique sur « le prince » Cesare Borgia, ouvrage qui avait remporté tous les suffrages et que son libraire lui avait conseillé. Il était temps pour son petit blondinet de neveu, qui adorait tellement les bandes dessinées japonaises, d'allier l'utile à l'agréable en se cultivant via cet art.

François, quant à lui, avait passé la journée dans son bureau. L'exercice des embrassades hypocrites lui déplaisait. Il avait certes promis à ses fils d'être présent et de rester calme, mais rien ne lui imposait d'en faire plus que convenu. Mais après tout le mal qu'il leur avait fait, il se devait au moins d'essayer de rendre ce moment agréable pour tous. Pourtant, il savait qu'avec sa femme, la partie était loin d'être gagnée. Elle ne passait à la maison que de manière épisodique. Elle devait être là ce soir, elle l'avait juré. Mais dans quel état ? Il ne voulait pas l'imaginer.