11. L'épisode des douches

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L'eau fraiche coulait sur son torse juvénile. Il adorait ça. Le jet puissant et glacé de la douche aidait Kilian à se remémorer cette superbe journée. Tout avait si bien commencé. Poussés par Basile le Québécois, les animateurs avaient décidé de préparer des pancakes pour le petit déjeuner. Tous les vacanciers étaient aux anges, à commencer par Jules qui gagna le concours improvisé du groupe G4, à savoir celui qui réussirait à avaler le plus possible de ces crêpes canadiennes avant de s'avouer vaincu. Frank, le leader auto-désigné du groupe des cinq avait lutté un long moment avant de rendre les armes. Si Jules n'était pas capable de finir à la première place au moindre sport, réussissant même à couler ses partenaires dans les jeux d'équipe, il n'y avait personne à même de rivaliser avec lui au niveau de l'appétit. Frank s'en était sorti avec une mauvaise colique et beaucoup de rancœur.

La matinée avait été très calme, chacun vaquant à ses activités préférées. Mais ce que Kilian avait réellement apprécié dans cette journée, c'était l'après-midi. La sortie en rafting avec son groupe et celui des filles, celui de Léna.

Le jeune adolescent levait le visage vers le pommeau de douche pour ne rien manquer du jet vivifiant. Il lui rappelait toute l'eau qu'il avait prise dans la figure en cette après-midi humide. Il souriait.

Certes, Basile et Samantha, les moniteurs, avaient refusé qu'il se jette à l'eau sans le moindre matériel avec son jogging vert pomme. Kilian n'avait jamais fait de rafting avant, il pensait innocemment que cela consistait en une sorte de canoë en eau vive comme il avait pu le pratiquer naïvement l'été, près de la plage. Il n'imaginait pas une seconde que non seulement, il allait finir mouillé, mais qu'en plus, l'eau n'était pas à vingt-cinq degrés mais à seulement seize. Quand il se rendit compte de sa naïveté, il ne put réfréner un sentiment de gêne qui se vit jusqu'au bout des oreilles.

Heureusement, à part Thomas qui jugea bon de lui faire une réflexion, personne ne s'était montré méchant. Au contraire, en voyant ses joues changer de couleur, Léna ne put s'empêcher de dire à voix haute à ses copines à quel point elle trouvait cela mignon. Kilian avait de bonnes oreilles, cela lui avait donné le sourire pour l'après-midi.

Quatre larges canoës étaient mis à disposition des jeunes sportifs. Par un heureux hasard presque pas provoqué, Kilian se retrouva avec Jules, Léna et deux de ses copines, le tout dirigé par Samantha qui devait s'assurer que les jeunes ne risquaient rien. Kilian flottait dans la combinaison trop grande pour lui que lui avait prêtée le club de rafting local, tandis que Jules, lui, se trouvait ratatiné dans la sienne. Cette dissonance entre les deux faisait beaucoup rire les filles qui avaient décidé de faire de ces garçons leurs mascottes du jour.

Entre deux vagues prises en pleine face, Kilian avait pu discuter un peu avec Léna. Il avait ainsi découvert qu'elle avait un mec au collège, qu'il s'appelait Benoit, mais « qu'il était trop immature, que c'était compliqué » et qu'elle l'avait donc largué en bonne et due forme pour les vacances. Il apprit aussi qu'elle pratiquait l'équitation et possédait un cheval nommé Vent Royal. Kilian buvait ses paroles et disait trouver sa relation avec son cheval « formidable ». En réalité, ce qu'il trouvait vraiment formidable, c'était qu'elle fût libre de tout engagement pour la durée de la colonie.

En se savonnant activement le corps sous la douche, Kilian revivait une étreinte qui n'existait plus à présent que dans sa tête. Il avait adoré cette après-midi. Le meilleur moment fut sans doute quand, percuté par un autre canoë, le sien s'était renversé, l'entrainant par-dessus bord avec les filles, la monitrice et ce pauvre Jules qui coula comme une pierre malgré son gilet de sauvetage. Alors qu'un comportement rationnel aurait poussé Kilian à se plaindre, ce qu'avaient d'ailleurs fait tous ses compagnons d'infortune, il était au contraire aux anges. Léna, par réflexe, s'était accrochée à lui en grelottant, impressionnée par ce qui venait de se passer. Kilian l'avait serrée dans ses bras pour la rassurer. Il se sentait indestructible. Certains s'en étaient amusés, lui s'en fichait complètement.

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant