15. Une semaine de vacance

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Les doux rayons du soleil se posaient délicatement sur la joue de Kilian. Assis sur les trois marches menant à son mobile-home, il profitait de cette fraiche matinée d'été. Machinalement, il se passa la main dans les cheveux. Ses bouclettes blondes avaient bien poussé, mais cela ne lui déplaisait pas. Il savait qu'il devrait obligatoirement passer chez le coiffeur avant la rentrée, mais il était hors de question dans son esprit de perdre plus de trois centimètres de longueur. Kilian n'était ni présomptueux ni égocentrique, mais il adorait sa petite crinière. C'était, avec ses yeux olive, un de ses principaux atouts charme à lui. Et surtout, c'était l'attestation de sa personnalité. Fouillis, irrégulière, brute mais aussi douce, brillante et lumineuse.

Les activités du camp se succédaient doucement mais surement. Vendredi était déjà là. Le lendemain, cela allait faire une semaine que Kilian se dépensait à « Sport & Fun ». Et s'il avait bien du mal à supporter certains de ses camarades, il était particulièrement content des activités qui lui avaient été proposées. Après le rafting et le karting, il avait pu découvrir le maniement de l'arc et s'éclater lors d'une belle randonnée en VTT, tout cela en plus des sports proposés le matin où Kilian passait allégrement du Volley au Badminton, sans oublier parfois quelques longueurs dans la piscine et les mémorables matchs de foot et de rugby.

Si seulement il n'avait pas fait partie du groupe G4, ces vacances auraient été un paradis. Aaron avait négocié directement avec Frank et sa bande un fragile statu quo. Personne n'emmerderait personne, chacun chez soi et les moutons seraient bien gardés. Ce fut Thomas qui supporta le moins bien cet accord, n'ayant plus du coup la possibilité d'embêter Jules autant qu'il le voulait. Cela dérangeait fortement Kilian d'être ainsi tributaire du bon vouloir d'Aaron, avec qui les tensions restaient palpables. Pendant deux jours, ils ne s'étaient pour ainsi dire pas adressé la parole, si ce n'est pour s'échanger quelques politesses et une ou deux piques bien senties.

A contrario, Kilian avait réussi à se rapprocher de Léna. Passé le choc de l'épisode des douches, il s'était dit qu'après tout, comme la jolie demoiselle ne s'était rendu compte de rien, il valait mieux éviter de trop lui tirer la tronche afin de ne pas éveiller ses soupçons. Du coup, ils ne s'étaient pas quittés tout du long de la randonnée en VTT. À chaque virage, Kilian attendait la belle, l'encourageait et la flattait quand il ne faisait pas le clown pour la faire rire. Ses efforts avaient été récompensés. À la fin de la journée, les deux enfants avaient passé de longues minutes à discuter main dans la main. Léna parlait toujours et encore de son cheval tandis que Kilian lui vantait les qualités de son frère et lui enseignait les rudiments du vocabulaire de l'escrime. La soirée s'était terminée en apothéose quand Léna lui avait déposé un léger bisou sur la joue. Kilian avait trouvé cela aussi agréable que lorsque son frère le câlinait devant un bon film. Cette fille ferait vraiment un bon Koala, pensait-il en rougissant.

« C'est quoi le programme, cette après-midi ? »

Bien que la brise fût fraiche, Jules était déjà dégoulinant de sueur. Kilian se demandait comme le jeune garçon bien en chair faisait pour survivre au rythme effréné du camp. Déjà la veille, ils avaient manqué de le perdre dans une courte montée pendant la sortie à vélo.

« Mhhh, nous, on fait de l'escalade. Le groupe de François en a fait avant-hier, il m'a dit que c'était vraiment stylé. On devrait bien s'amuser. Ça se fait en binôme, il parait. Pendant que l'un grimpe, l'autre joue le rôle de l'assureur en bas. »

En pensant que Jules serait sans doute celui chargé de « l'assurer », un frisson parcourut le dos de Kilian. Ce n'est pas qu'il ne faisait pas confiance à son camarade à la peau très blanche et aux cheveux très roux, c'est juste qu'il était réaliste sur ses chances de survie avec une telle association.

« Ah nan, ça, je fais pas moi ! J'ai le vertige ! L'année dernière, ch'uis resté bloqué au milieu de la paroi pendant une heure. Fred a eu tellement peur qu'il a appelé les pompiers ! »

Kilian dévisagea son camarade. Il préférait encore largement être assuré par les bras défaillants de Jules que par Frank, Thomas ou Aaron. Au moins si Jules le laissait tomber, il avait la certitude que cela aurait été un accident.

« Ah nan, tu me fais pas ça Jules hein ! Tu vas pas me laisser seul avec les Daltons, Rantanplan, le bon, la brute et le truand hein ! »

Jules et Kilian s'étaient amusés durant une veillée à chercher des surnoms à leurs camarades pour pouvoir parler d'eux sans trop se faire remarquer. Les deux garçons n'étaient pas forcément les plus tendres quand ils avaient de la rancœur. Ils considéraient que la bêtise animale de Frank lui destinait de droit le surnom de Rantanplan. Le reste de la bande avait été nommé, par ordre de taille, Joe, William, Jack et Averell. Et pour rester dans la thématique « Western », Aaron et ses compagnons avaient récupéré les sobriquets du film de Sergio Leone. Lucas, gentil et réservé de nature était le bon, Thomas la brute et Aaron, que les deux adolescents considéraient comme particulièrement vicieux, le truand.

« Rho, tu auras qu'à te faire assurer par Léna hein ! Et tu sais, si Thomas est un vrai con, Lucas est plutôt sympa et je suis pas sûr qu'Aaron soit aussi méchant que ça. Certes, il a pas été cool avec nous et c'est nul ce qu'il t'a fait avec la douche des filles, mais à part ça, j'le préfère largement à Frank. C'est pas mon pote, mais il m'a quand même défendu. Avant je le détestais, mais depuis mardi, ok je l'aime toujours pas, mais j'le respecte. »

Ce qui énervait Kilian, ce n'était pas que Jules prenne la défense d'Aaron. Ce qui l'énervait, c'était que Jules avait raison. À part quelques blagues puériles, le coup des douches et son insupportable caractère, il n'avait pas grand-chose à lui reprocher. Au contraire, le petit brun était un garçon intelligent et cultivé, et surtout, il semblait détester les injustices, ce qui l'empêchait d'aller trop loin dans la sournoiserie. Kilian ne supportait pas de penser du bien de son camarade.

« Tu crois qu'on devrait lui laisser une seconde chance ? »

« À toi de voir ! Bon, moi, j'vais voir Fred, faut que je me fasse porter pâle pour cette après-midi ! »

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant