14. Pas bon d'être faible et minoritaire

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Dès la fin de l'activité Karting, les jeunes du groupe G4 avaient filé à la douche. Comme ils étaient de retour avant les autres groupes, ils purent profiter des commodités avant qu'elles ne soient noyées sous la foule. Il leur restait donc un long moment à patienter dans leur chambre jusqu'au repas. Kilian en profita pour téléphoner à Cédric, en omettant complètement dans son récit les évènements de la veille. Thomas sortit sa console portable, Aaron ouvrit son bouquin, Jules s'affala sur son lit et le groupe des cinq, mené par Frank, entoura le lit du rouquin comme pour l'empêcher de s'enfuir si l'idée lui traversait l'esprit.

Frank était du genre rancunier. Il ne supportait pas que le petit enrobé ait pu le battre au concours des pancakes et supportait encore moins ses piètres performances sportives. Il n'avait pas digéré les six buts que Jules, goal pour l'occasion, avait laissé passer ce matin alors qu'ils jouaient au foot dans la même équipe. Les insultes commencèrent à fuser de toutes parts, ainsi que les petites tapes sur le haut du crâne et sur les joues.

« Qu'il est moche ce mec », « C'est pas sa faute, il est roux, il n'a pas d'âme », « Vous pensez pas qu'il irait plus vite s'il roulait plutôt qu'en marchant ? », « J'lui cramerais bien les poils, pas vous ? », « T'es fou ! C'est dégueulasse, ça va puer le roux cramé après », « Vous moquez pas de lui, ça doit être dur d'être un repoussoir à filles », « Bah alors Jules, on pleure ? », « Si tu te mets à genoux et que tu implores notre pardon pour ta performance de merde ce matin, p'têt qu'on te fera pas trop mal… Pas trop. »

Jules éclata en sanglots. Bien sûr, il avait l'habitude qu'on se moque de son poids ou de sa couleur de cheveux. Il y était tellement résigné que cela n'avait d'ordinaire que peu d'accroches sur lui. Mais là, la cruauté du groupe à son égard dépassait de loin ce à quoi il était habitué.

Devant la scène, alors qu'Aaron lisait tranquillement, Kilian écourta précipitamment sa conversation au téléphone avec son frère, laissa tomber son portable et se rua sur Frank.

« Putain, fous lui la paix Frank, casse-toi ! »

L'intervention de Kilian fit se lever les yeux d'Aaron. Il posa son livre puis sortit de la chambre, comme s'il ne voulait pas assister à ce qui allait se passer.

Frank, lui, toisa le jeune inconscient qui venait se mêler de ce qui ne le regardait pas. D'un air très provoquant, il lui lâcha :

« Bah quoi Kilian ? Tu n'aimes pas qu'on s'en prenne à ta p'tite copine ? »

Les insultes les plus faciles sont souvent celles qui marchent le mieux. En remettant en cause et la virilité de Jules et l'orientation sexuelle de Kilian, Frank faisait d'une pierre deux coups,

« Mais nan Frank, c'est juste que je ne veux pas que tu intègres Jules à ton harem de tapettes. T'en as déjà quatre à ton service non ? Elles arrivent pas à te combler ? »

Kilian avait beaucoup de répartie. Un peu trop peut-être. En renversant l'insulte de Frank contre ce dernier et sa bande, il venait de signer son arrêt de mort. Frank le jeta sur le lit à côté de Jules en l'insultant. Deux garçons de la bande lui tenaient les bras pour l'empêcher de bouger.

« Tu veux jouer Kilian ? Ok, on va jouer. Tu vas nous divertir. Tu aimes te foutre à poil hein ? Tu kiffs ça hein, nous montrer ton p'tit cul ? Et bah toi et Jules, vous allez nous faire le spectacle. Si vous arrivez à nous distraire, peut-être qu'on vous cassera pas trop la gueule. À poil les pédés ! »

« Crèves ! ». Kilian, rouge de colère, ne comptait pas du tout se laisser faire. À l'inverse de Jules, recroquevillé sur lui-même et en larmes, Il ne pleurait pas. Il était furieux. S'il avait eu les mains libres, il aurait utilisé toutes les techniques de boxe que lui avait apprises Cédric contre ses agresseurs. Jamais il ne se laisserait faire par ces connards.

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant