66. Le plan de Cédric

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« Kilian, il faut rentrer maintenant, ton frère va se faire du souci ! »

Après de longues minutes enlacés l'un l'autre sans un mot, Aaron avait pris la parole. Il voulait jouer son rôle auprès de son amoureux. Une fugue d'une nuit était déjà trop et risquait de lui apporter bien des problèmes si elle se prolongeait.

« Je n'ai pas envie de le voir, il m'a menti ! Je le déteste ! C'est même pas mon frère en fait, juste un demi-frère-demi-traitre ! »

Le blondinet avait le visage fermé. Même si son camarade avait réussi à panser les blessures de son cœur brisé d'adolescent, Kilian restait sous le choc des révélations de la veille.

« Parce que tu ne lui as jamais menti toi ? Tu lui as raconté tout ce qu'on a fait ensemble peut-être ? Tu m'as dit qu'il ne connaissait même pas mon prénom, alors que soi-disant, tu m'aimes. C'est pas plus glorieux hein ! Tu lui caches tes sentiments pour moi, c'est limite égoïste et ça trahit un manque de confiance évident. Lui, il t'a caché la vérité pour te protéger car il savait que tu réagirais comme un crétin si tu l'apprenais, et il avait raison. Et aussi parce qu'à ses yeux, ça ne change rien que vous soyez juste demi-frères. Arrête de te comporter comme un idiot Kilian, c'est lourd à la fin. Ça reste ton frangin putain, et lui au moins, il est proche de toi. Tu veux échanger avec ma sœur ? »

Le timide collégien ne le voulait pas le moins du monde. Après ce qu'Aaron venait de lui raconter de sa vie, il n'avait aucun doute à ce sujet : mieux valait un Cédric qui mente par omission qu'une Judith qui crache la vérité comme un venin. Pourtant, la messe n'était pas dite.

« Arrête, il ne m'aime pas tant que ça. La preuve, il n'a même pas cherché à me récupérer hier soir ! J'ai regardé mon tél en me réveillant, même pas de message passé vingt-deux heures. Il en a rien à foutre de moi ! Et de toute manière, il est hors de question que je retourne à la maison, jamais, tu m'entends ? Je ne veux plus voir mon pseudo-père ni ma salope de mère ! »

« Et tu veux aller où ? Tu veux rester dans cette cabane toute ta vie ? Et moi je viendrais te nourrir le matin et le soir pendant que tu joues les ermites modernes ? Tu veux une barbe postiche pendant qu'on y est ? En plus, c'est faux de dire qu'il se fout de toi. Il n'a pas arrêté de faire vibrer ton portable hier soir et tu faisais exprès de ne pas répondre. Quand tu t'es enfin assoupi, j'ai chopé le numéro et j'ai échangé des SMS avec lui pour le rassurer, lui dire que tu n'étais pas seul et que tu allais bien et aussi pour lui dire que je te ramènerai ce matin. Et je n'ai qu'une parole. Et si lui aussi en a une, alors il devrait avoir trouvé un plan pour que justement, tu ne sois pas obligé de rentrer chez toi. Enfin c'est ce qu'il m'a promis par texto. »

Cette révélation choqua Kilian, forcé de regarder son nombril dénudé pour ne pas montrer le teint rosé de ses joues. Son foutu brunet était quand même bien impudent d'avoir ainsi osé fouiller dans la mémoire de son téléphone et de s'être engagé à le restituer à l'aurore comme un simple paquet qu'on trimbale. Mais en même temps, il ne pouvait pas en attendre moins de sa part. Aaron avait juré de le protéger, il jouait son rôle à merveille en prenant les bonnes décisions à la place du blondinet, qui n'était pas en mesure de les prendre lui-même. C'était dans l'ordre des choses et de leur jeune couple. La tête baissée et l'air piteux d'un enfant qu'on vient de gronder, Kilian acquiesça :

« Ok, mais c'est bien parce que c'est toi hein, et que je sais que tu as toujours raison. Parce que franchement, je n'ai pas envie de le voir. »

Les deux garçons firent un brin de toilette avec une bouteille d'eau qu'avait ramenée Aaron puis se rhabillèrent. Le t-shirt de Kilian était enfin sec et, pour le protéger du froid de l'hiver, son camarade lui prêta son anorak. Le poêle ne crachant plus la moindre chaleur, l'atmosphère s'était refroidie. Dehors, le temps était sec et frais. Le vent sifflait entre les branches des marronniers. Sans un bruit, les deux adolescents avancèrent et sortirent du bois. Kilian, obéissant, suivait Aaron tout en le tenant par la main.

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant