42. Compétition d'escrime

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Malgré tous les réveils brutaux différents que Kilian avait pu subir depuis qu'il était né, il était encore possible d'en trouver quelques-uns d'inédits. Sentir Théophile, le petit frère de Martin, atterrir sur ses côtes après « un saut de la troisième corde », pour reprendre le vocabulaire très catchesque du garçon, ce n'était pas quelque chose qu'il avait vu venir. Toujours est-il que la méthode de l'enfant fut particulièrement efficace. Réveillé en sursaut par la surprise et la douleur, le blondinet n'eut d'autre solution que de se venger via sa célèbre technique des milles chatouilles.

Une fois Théo gisant à terre après avoir abandonné la lutte, Kilian et Martin fêtèrent le triomphe de la caste des adolescents autour d'un copieux petit déjeuner. Le blondinet avait ce samedi-là une compétition d'escrime, mais son paternel ne pouvant l'y accompagner, il avait trouvé refuge chez son meilleur ami dont le père s'était porté volontaire pour lui servir de chauffeur. Michel déposerait l'escrimeur à quatorze heures pour le reprendre à dix-huit heures avant de le raccompagner chez lui en fin de journée, si possible l'or autour du cou.

Le tournoi se tenait à Lyon, la capitale des Gaules, de la gastronomie, de la province et accessoirement de la région du Rhône. Ce n'était pas très loin de chez l'adolescent, mais il fallait obligatoirement être véhiculé pour s'y rendre. Il trépignait d'impatience. Pressé de mettre en œuvre toutes les techniques qu'il avait travaillées ces derniers mois, il voulait faire bonne impression auprès de Diego à qui le maître d'armes avait délégué ce jour-là la responsabilité de la jeune génération du club.

La compétition était découpée en deux parties : une phase de poule — une formalité pour Kilian — suivie d'un tableau à élimination directe. Elle réunissait toutes les plus fines lames des environs, mais cela ne faisait pas peur au jeune garçon. Il avait les capacités pour aller loin et pour briller, il ne laisserait pas filer sa chance.

Ses trois premiers matchs, il les remporta avec une très nette avance sur ses adversaires. Dans sa belle tenue immaculée, il dansait littéralement sur la piste. Son fleuret était le prolongement de son bras et son bras le prolongement de tout son corps. À la différence des moments où il utilisait les autres armes, sa seule cible était le torse. Il piquait celui de ses adversaires avec l'agilité de la guêpe protégeant son nid.

Pendant la courte pause entre les deux phases, il trouva suffisamment de temps pour discuter avec Diego qui ne manquait pas de l'encourager et de le conseiller.

« Surtout, ne tremble pas. En face, tes adversaires sont aussi stressés que toi. Concentre-toi uniquement sur le combat. Vise le cœur, appuie tes coups ! N'hésite pas à leur faire mal, il faut que dès la première touche, ils aient peur de toi. Si tu arrives à les impressionner, tu ne risques rien. »

Kilian buvait les paroles de son ainé. Il voulait faire de son mieux pour être digne de lui. Pour le motiver encore plus, le fier escrimeur glissa quelques mots à l'oreille de son cadet :

« Si tu te donnes à fond, je saurai te gâter ! »

Les combats du tableau final se déroulaient dans la grande salle équipée de tribunes. Son masque sous le bras, il attendait son tour et cherchait des yeux son modèle afin d'obtenir quelques encouragements. Quand enfin il croisa le regard de Diego, il ne manqua rien du sourire que ce dernier lui offrait. Un simple signe de la tête était le meilleur remontant.

Seizième de finale, huitième de finale, quart de finale... Kilian prenait les matchs les uns après les autres et les remportait avec une facilité déconcertante. Son seul objectif était d'allumer la petite lumière verte qui indiquait qu'il avait marqué la touche. Il la fit presque clignoter.

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant