12. La vérité sur les adolescents

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Malgré des plats bouillants, le repas fut glacial. Kilian n'ouvrit la bouche que pour se nourrir tandis qu'Aaron ne regarda même pas une fois dans sa direction. La veillée, sur le thème des jeux de casino adaptés aux enfants fut particulièrement désagréable pour l'adolescent. Il préférait ne penser à rien plutôt que de repenser à l'épisode des douches.

Une fois dans la chambre G4, il se réfugia dans son lit et tira le drap vers lui jusqu'au menton, tandis qu'Aaron reprit son livre et chaussa de fines lunettes pour se faciliter la lecture. C'est Frank, le leader du groupe des cinq qui brisa la glace.

« Bon, les mecs, il s'est passé quoi là ? Pourquoi vous faites la gueule comme ça ? Et vous foutiez quoi tous les deux, tout à l'heure avant le repas ? »

« Ta gueule », répondit sèchement Aaron sans détourner le regard de son livre. Cela fit bouillir Kilian. Son tourmenteur n'allait pas s'en tirer à si peu de frais. Il balança dans un sanglot :

« C'est Aaron, ce connard, il m'a forcé à espionner les filles sous la douche. C'est un taré c'mec, il a même commencé à se branler ! »

Un silence de plomb s'installa dans la pièce. Cette fois-ci, Aaron leva la tête. Il posa son livre et ses verres correcteurs sur sa table de nuit puis se mit en tailleur sur son lit, fusillant Kilian du regard. Thomas lâcha un énorme « pfouuu », en comprenant que son cher protecteur risquait à présent de passer un mauvais quart d'heure. Jules, lui, regarda les deux opposants avec des yeux de merlan frit et la bouche ouverte de manière béate. Le groupe des cinq se rapprocha d'Aaron jusqu'à l'observer avec insistance.

« Alors Aaron, on est un p'tit branleur ? » tança Frank.

Aaron se leva sur son lit, le visage rouge de colère. Il pointa de l'index droit ses accusateurs tout en serrant violemment son poing gauche. De la manière la plus vindicative qui soit, il commença un monologue en forme de plaidoirie :

« Hypocrites ! Vous êtes tous des hypocrites. Vous pouvez faire les beaux et les fiers hein, ça, pas de problème. Juger les autres, vous savez faire. Mais regarder vos petites faces de merdeux dans la glace, c'est plus dur ! »

Son ton agressif surprit son auditoire. Personne ne s'attendait à ce qu'Aaron passe ainsi d'accusé à accusateur. Personne n'osa lui couper la parole :

« Tous des hypocrites. Oh oui, même toi Frank, tu peux prendre tes grands airs de chef de bande hein, tout le monde sait à quoi tu penses et comment tu considères les filles. De toute façon, avec ta tronche, t'as bien raison de compter sur ta main, c'est la seule qui peut bien vouloir de toi. Et te moque pas Thomas, franchement t'es pas mieux. »

La rage pouvait se lire sur son visage. Ses camarades n'avaient plus qu'une peur, en prendre eux aussi pour leur grade. Même son petit suiveur ne savait plus ou se mettre.

« Vous êtes tous des minables. Kilian, tu peux jouer les victimes si ça te chante hein, mais la vérité, c'est que t'as quand même regardé et que t'as bien kiffé. Et dis pas non, j'ai entendu l'élastique de ton slip craquer. Ta p'tite colline, j'l'ai bien vue se transformer en volcan hein. »

Kilian ne s'était même pas rendu compte sur le moment de l'effet que son voyeurisme avait eu sur son corps. La phrase balancée par Aaron eut l'effet d'une gifle. Non seulement, ce dernier avait raison, mais en plus, il avait une manière de le dire qui finissait d'achever le pauvre garçon. Le jeune Cicéron continua son pamphlet :

« On est des mecs de quatorze ans, vous voulez me faire croire quoi ? Que vous ne vous êtes jamais tripoté la nouille ? Vous vous foutez de moi ? Vous faites les beaux devant les nanas, mais elles savent toutes les saloperies que vous avez dans la tête ? Hypocrites, hypocrites, hypocrites ! Tout le monde le fait. Ceux qui ont notre âge et qui disent ne jamais s'être branlés, ce sont soit des menteurs, soit des attardés. Choisissez votre camp ! »

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant