Se faire jeter comme une malpropre par Aaron avait laissé des marques bien plus profondes à Yun-ah que ses premières règles. Elle se renferma sur elle-même, ne parla plus à personne et ne mangea presque pas pendant plusieurs jours. Pour la première fois de sa vie, elle s'était sentie vraiment amoureuse. Elle avait trouvé le garçon qui lui correspondait vraiment. Beau, doux, sensible, intelligent, il avait toutes les qualités. Elle s'était fait un film, mais ce film était le plus romantique de tous. Pas un nanard comprenant une haute concentration de vampires et autres play-boys américains bien dessinés. Non, elle s'était imaginée le road-movie oscarisé et intemporel, celui de l'amour vrai. Elle rêvait d'un happy-end, Aaron avait transformé l'histoire en tragédie. Elle ne comprenait pas ce qui avait poussé le brunet à la rejeter. Pourquoi être allé jusqu'à l'embrasser si c'était pour au final l'éconduire sans la moindre explication ?
Elle se sentait humiliée. Aaron l'avait rabaissée sur tous les tableaux. Scolairement en la détrônant de sa place de première de la classe puis affectivement en faisant d'elle un de ses trop nombreux jouets. Encore, si elle avait été la première victime, elle aurait pu encaisser le choc. Mais là... La différence entre elle et Magali était telle qu'elle n'acceptait pas d'être tombée dans le même piège que la fille la plus décérébrée du collège. Elle en voulait à la terre entière. À ses parents, à ses trois frères et sœurs, à ce garçon qui était la cause de sa souffrance, mais aussi et surtout à ses camarades qui avaient eu le tort d'avoir raison sans toutefois être capables de la raisonner.
Le lundi suivant, Kilian la supplia d'arrêter de faire la tronche. Il était son ami, il serait là pour elle comme elle avait toujours été là pour lui. Leur amitié était plus forte que tout et ça ne pouvait pas être ce con d'Aaron qui allait la mettre en péril. Mais la douce Coréenne ne voulait rien entendre. Tout juste laissa-t-elle échapper une courte jérémiade :
« Je ne pardonnerai jamais à ce salaud, il m'a prise pour une conne et n'a même pas eu le courage de faire ça proprement ou de s'excuser. Je le hais ! »
Là était tout le problème. Il n'y a rien de plus fier au monde qu'une femme offensée. Le salut de Yun-ah passait par l'auto-flagellation de celui qui était responsable de sa peine.
Le jeune blondinet mit un jour avant de se décider à agir. Il le savait. Il devait pousser Aaron à s'excuser s'il ne voulait pas que sa meilleure amie tire la tronche jusqu'aux vacances de Noël voire même jusqu'à celles de février. Depuis leur dernière confrontation, Il n'avait pas voulu parler au jeune brun et l'avait même méticuleusement évité, mais il le devait. Après tout, il avait sa part de responsabilité dans cette histoire. Et elle était énorme.
Pour la première fois depuis qu'il recevait sa blague quotidienne, il répondit au SMS d'Aaron. Pas pour la plaisanterie, une blague sur les roux sans importance qui le fit quand même s'esclaffer. « Un roux ne vole pas, il carotte ! ». C'était stupide et un peu méchant, mais il avait hâte de la raconter à Martin. S'il avait répondu à ce texto, c'était pour tout autre chose.
« Demain mercredi, même endroit »
C'était laconique, mais suffisant. Kilian était sûr que le destinataire du message comprendrait.
En descendant les escaliers après le cours de monsieur Bruissière, l'adolescent serrait les poings. C'était peut-être un très mauvais moment à passer, mais il était résolu. Il le faisait pour son amie. Il se fit la promesse qu'il ne pleurerait pas et qu'il ne se laisserait pas intimider par le brunet, tout en sachant pertinemment qu'il aurait bien du mal à tenir ses engagements. Il poussa la porte. Son invité était déjà là, regardant la pluie tomber lourdement à travers la fenêtre.
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Ce qu'il aimait
Teen FictionUne histoire d'identité, de construction, celle de deux frères. Kilian, 14 ans, et Cédric, 16 ans. Dans un contexte familial tendu, Cédric s'occupe de son petit frère, un bonhomme fragile et sincère, qui va découvrir qui il est au fur et à mesure de...