51. Un samedi matin en retenue

428 59 19
                                    

Quand Joséphine Stricker punissait des collégiens récalcitrants, elle ne faisait jamais les choses à moitié. Ce qu'elle préférait ? Les heures de colle, si possible le samedi matin, afin de faire comprendre à ses élèves le sens véritable du mot discipline, ce qu'avaient bien du mal à comprendre les deux punis du jour qui se remémoraient devant leurs trousses la réaction de la surveillante générale.

Elle n'avait pas compris pourquoi les jeunes Aaron et Kilian s'étaient aussi souvent retrouvés dans son bureau ces dernières semaines. Le jeune blond était d'ordinaire un garçon d'une douceur incomparable. Elle se souvenait juste lui avoir infligé une heure de retenue en cinquième à cause de ses trop nombreux retards, mais, à part ça, elle n'avait jamais eu à sévir à cause de son comportement. L'adolescence est vraiment une période de la vie intrigante. Et que dire du jeune brun ? Arrivé en septembre dans son collège, son dossier scolaire n'indiquait qu'excellentes notes et commentaires dithyrambiques. Il finissait le premier trimestre largement en tête de sa classe, considérée comme étant celle au niveau le plus relevé de toutes les troisièmes. Et malgré ses résultats exceptionnels, il ne pouvait s'empêcher de se battre avec ses camarades, quand ce n'était pas directement au point quatre alinéa trois du règlement intérieur qu'il désobéissait. « Les marques de tendresse excessives à l'intérieur du collège sont proscrites. Les câlins et autres embrassades inter-sexes sont à réserver pour votre domicile ou pour le lycée quand enfin vous y serez. ». C'était elle qui avait rédigé ces règles. Elle les connaissait par cœur. Toujours est-il que le jeune garçon avait beau être brillant, il paraissait être incontrôlable.

Après les avoir séparés lors de leur dispute du jeudi soir, elle les avait conviés dans son officine afin de déterminer la punition la plus adéquate à leur infliger. C'était la deuxième fois qu'elle les voyait en venir aux mains. Même si, cette fois-ci, aucun petit rouquin n'avait participé à la dispute, elle regretta presque son comportement magnanime de la fois précédente, où la sanction n'avait été que d'une seule heure de colle. Puisqu'il y avait récidive, la peine serait donc doublée.

« Tous les deux, vous allez me faire le plaisir de venir samedi matin en retenue, de neuf heures à onze heures, en espérant que cela vous serve de leçon. Vous serez surveillés par Benoit. »

Benoit était un jeune étudiant un peu gauche inscrit en fac de socio. Il voulait étudier le comportement des groupes, ses amis lui avaient conseillé de faire le pion dans un collège. Son job à mi-temps lui avait appris bien plus que les nombreuses heures passées dans ses bouquins ou dans un amphi humide à écouter un vieux barbu sorti tout droit de la foire aux clichés. Et comme son emploi du temps l'y autorisait, il avait récupéré la surveillance des quelques heures de colle du samedi matin. « Tu verras, les surveillances le samedi matin, ça reste exceptionnel ! » lui avait-on dit au moment de l'embauche. En effet, ça l'était, mais pas comme il l'avait compris. Ce qui était exceptionnel, ce n'était pas le fait de devoir se lever tôt le week-end. Ce qui l'était, c'était la capacité incroyable qu'avait sa supérieure hiérarchique à punir les pauvres collégiens.

Dans le bureau froid et austère de la surveillante générale, Aaron, qui pourtant n'ignorait rien de sa culpabilité et s'en voulait d'avoir sauté aussi violemment au visage de son blondinet, avait tenté de se défendre avec une grande malice.

« Mais, madame, vous dites qu'on se battait... Pourtant, Kilian et moi, on s'entend plutôt bien. Je crois que vous avez fait une petite erreur d'appréciation On ne se battait pas, on se faisait juste un câlin ! Et le règlement intérieur est très clair, ce qui est interdit, c'est les signes d'affection inter-sexe, pas intra ! Donc techniquement, nous n'avons rien fait de mal ! »

La responsable de la discipline n'avait pas du tout goûté l'humour ironique de son élève. Mais vraiment pas. Heureusement, elle possédait un bon sens de la répartie, ce qui lui permettait souvent de sévir sans avoir à élever la voix.

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant