73. Échec et Mat

306 53 37
                                    

« S'il a vraiment une photo, je ne remets plus jamais les pieds au collège ! »

Dans son lit, Kilian était plus que jamais terrorisé. Si Victor et Adrien mettaient leur plan à exécution, ce ne seraient plus des rumeurs et autres ragots qu'il aurait à subir. Il serait obligé d'assumer la vérité dans un milieu des plus hostiles. Pour la première fois depuis le début de sa relation officielle avec Aaron, il avait véritablement peur.

« Tu m'aimes ? »

La question qu'Aaron venait de lui envoyer par retour de SMS choqua presque le délicat collégien. Il n'était plus question ici de leur petite amourette, mais de la méchanceté ordinaire de leurs camarades. À l'adolescence, la bêtise accompagne souvent l'intransigeance. À ce moment précis, il avait besoin d'être rassuré, pas d'être testé sur ses sentiments.

« Bien sûr que je t'aime, et ? Ça ne change rien au fait que, si la photo sort, je m'enferme dans ma chambre jusqu'au bac ! Là, je chiale et t'en as rien à foutre ! »

La réponse ne mit que quelques secondes à arriver, le temps pour le jeune brun de la taper aussi vite que possible sur le clavier tactile de son smartphone :

« Sèche tes larmes. Si tu m'aimes, alors fais-moi confiance. On s'en fout de cette photo de merde. Il ne faut jamais céder au chantage. C'est comme un pistolet à un coup, une fois qu'il est tiré, le maitre-chanteur ne peut plus rien faire, et souvent, ça finit par se retourner contre lui. Jamais je ne les laisserai te mettre à genoux. Demain, fais juste ce que je te demande, crois juste en moi. Je t'aime idiot, alors calme-toi et dors. »

Cette réponse fut plus du goût du blondinet. Des consignes claires et précises, il n'attendait rien d'autre. Avec difficulté, il finit enfin par s'endormir.

Le lendemain matin, les murmures étaient toujours aussi pesants et l'administration toujours aussi absente. Le jeune garçon aux yeux émeraude était méconnaissable. La tête baissée, il osait à peine regarder devant lui. Comme la veille, le cordon de sécurité composé de ses meilleurs amis se tenait à ses côtés pour le protéger de l'opprobre populaire, des insultes et des crachats. Pas que les jeunes élèves du collège Voltaire soient particulièrement intolérants. Ils suivaient juste sagement le mouvement. Adrien était un chef de file qui menait habilement ses hommes. Et sa grande intelligence ne servait pas forcément ses suiveurs. Pour calculer le Q.I moyen d'un groupe, il suffit de prendre celui du plus doué et de le diviser par le nombre de membres. Il y avait beaucoup d'étudiants à François-Marie.

Yun-ah tenait la main de son meilleur complice. Même si elle était réellement furieuse de ne pas avoir été mise au courant de l'affaire plus tôt alors que Martin, lui, était dans la confidence depuis le début, ses compétences intellectuelles lui avaient très rapidement permis de comprendre que le mensonge par omission avait aussi eu pour objectif de la préserver. Avoir été le jouet d'Aaron avait été une très mauvaise expérience, et comprendre qu'elle n'avait été qu'un tremplin vers le réel objectif du brunet était particulièrement offensant. Mais Kilian n'y était pour rien dans cette histoire. Il méritait bien son soutien absolu, au nom de leur réelle et sincère amitié.

De son côté, le premier de la classe semblait particulièrement calme. Forcément, il évitait d'en rajouter et se tenait donc à bonne distance de son amoureux pour ne pas déclencher encore plus de messes basses. Étrangement, alors qu'il était plongé dans un profond mutisme, on pouvait apercevoir un magnifique sourire sur son visage. Le jeune roux de la classe s'assit à ses côtés et l'interrogea :

« T'as promis de le protéger, et moi, j'ai promis de pas te laisser t'en sortir si tu te plantais ou si tu lui faisais du mal. Mais là, clairement, on est alliés. Cet enfoiré de Victor ne va pas s'en sortir comme ça. »

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant