35. Le débat

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Kilian n'était pas mauvais en physique. En fait, dans toutes les matières scientifiques, son niveau était plus qu'acceptable ce qui lui permettait d'avoir toujours une bonne moyenne malgré sa manie de faire des fautes d'orthographe et la difficulté qu'il avait à structurer sa pensée quand il fallait rédiger un devoir. D'après la psy' qui le suivait à la demande de son père, c'était lié à son hypersensibilité. D'après Cédric, il fallait commencer par arrêter de l'envoyer chez le psy'. Pas besoin d'un psychiatre pour se rendre compte que le jouvenceau était bien plus émotif que les autres garçons. Et s'il était comme ça, c'était sa nature et la faute de ses parents, il n'y pouvait rien. Il n'était pas malade. L'envoyer chez le médecin des troubles mentaux était tout sauf une solution.

Lors de la récréation, Kilian était resté discuter avec Martin. Son ami s'interrogeait de l'avoir vu s'asseoir à côté d'Aaron en permanence. Avec son manque de grâce légendaire, le jeune roux mit les deux pieds dans le plat et demanda :

« Écoute Kil, tu le détestes ou tu l'apprécies ? Faudrait savoir, là ! Tu passes ton temps à l'éviter, et ce matin, sans prévenir, je vous vois vous caresser l'épaule comme si vous étiez les meilleurs amis du monde. C'est moi ton best friend putain, tu fous quoi avec ce type ? Il est pas net. Rien que ce qu'il t'a fait cet été quoi... Moi je lui aurais déjà collé mon poing dans la gueule ! »

Tandis que les dernières lueurs du soleil d'été se reflétaient dans ses cheveux brillants, l'adolescent répondit, la mâchoire compacte :

« Je sais pas Martin, je sais juste pas... Fous-moi la paix avec Aaron, j'ai pas envie de parler de lui. Ça a beau être un vrai connard, des fois tu sais pas pourquoi ni comment, mais il va te sortir ou faire un truc super classe. C'était déjà comme ça cet été. C'est pour ça que je l'évite. J'veux pas encore me faire avoir comme en colo. T'imagines pas à quel point ça me fait chier. »

Devant le regard interrogatif de son camarade aux cheveux orange, il poursuivit son discours, plus accusateur encore.

« Et ce matin, si tu m'avais gardé une place à côté de toi, il n'aurait pas eu l'occasion de jouer son p'tit jeu à la con avec moi, alors m'accuse pas de te lâcher ! »

Martin ne s'attendait pas du tout à passer de procureur à accusé. Il trouvait même que Kilian exagérait un petit peu. Bon, certes, voyant son copain arriver en retard, il aurait pu penser à lui garder un siège à côté de lui, mais il ne l'avait pas forcé à s'asseoir à côté d'Aaron, fallait pas pousser. Mais avant même qu'il pût trouver les mots pour répondre, la cloche sonna et envoya les élèves directement en direction du cours de mathématiques de madame Ngo M'bengue au troisième étage du bâtiment A. La jeune professeure possédait une peau d'ébène des plus velouteuses, un goût pour les décolletés et les tailleurs courts très prononcé, même en hiver, et des formes à faire tomber par terre tous les jeunes élèves un peu trop fébriles pour leur âge. Elle ne possédait qu'un seul et unique défaut aux yeux de la jeune génération : elle aimait les maths. Pour l'avoir déjà eue en quatrième, Kilian la connaissait bien et l'adorait. Elle le lui rendait bien en le couvrant d'excellentes notes.

La matinée se terminait par la leçon d'histoire de monsieur Bruissière. Comme à son habitude, il entra dans la classe sans regarder personne, posa son veston sur sa chaise, ouvrit la fenêtre la plus proche de lui, effaça le tableau et sortit sa trousse de son cartable. Le rituel amusait ses élèves. Le voir sortir les copies de la semaine dernière, beaucoup moins.

« Donc, j'ai eu le temps de lire vos petites compositions... Dans l'ensemble, c'est satisfaisant, même si vous avez été peu nombreux à me citer des dates. C'est dommage pourtant, au brevet, vous avez une question dessus, et cela concerne aussi le programme de quatrième. Il faudra songer à réviser. En attendant, je vais distribuer les copies ! »

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant