37 - De l'art de rouler des pelles

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« Kilian, putain, laisse de l'eau aux autres ! »

Comme souvent le dimanche, Kilian trainait sous sa douche, ce qui énervait passablement Cédric. Certes, vu que son petit frère n'utilisait que de l'eau glacée l'été et à peine tiède l'hiver, il y avait peu de risques pour l'ainé de tomber en rade une fois son tour venu. Non, s'il tambourinait sauvagement sur la porte de leur salle de bain commune, c'était qu'il souhaitait juste se préparer au plus vite. Il avait un rendez-vous galant avec Sandra. Un de ceux qui forcent les jeunes gens à mettre une chemise, de l'eau de toilette et du gel dans les cheveux en lieu et place du vieux jogging usé du week-end.

Adossé au mur, le jet froid coulant sur son jeune torse, Kilian n'écoutait pas son grand frère. Il profitait du moment présent. Se laver était un de ses moments préférés de la journée avec les repas, l'entrainement, les jeux vidéo et la sieste. Alors qu'il se savonnait l'intégralité de son jeune corps d'adolescent en pleine croissance sans oublier le moindre recoin, il repensait au stupide pari conclu avec Aaron. En en discutant avec Martin et Yun-ah, il avait fini par se convaincre que le jeune brun ne pourrait jamais le remporter. Il ne le souhaitait même pas. Au diable Matthys, Adrien et tous les autres. Ce qu'il désirait, c'était juste rester très loin de ces petites guerres puériles.

Et puis, sans même comprendre pourquoi, imaginer Aaron dans les bras d'une fille aussi stupide et superficielle que Magali lui était insupportable. Oui, Kilian voulait vraiment qu'Aaron perde son pari. En tout cas, en plusieurs jours, le pauvre garçon aux cheveux foncés ne semblait pas avoir avancé d'un iota et semblait en être toujours au même stade dans sa tentative de conquête de la reine des fraicheurs. La partie semblait bien mal engagée.

Kilian ne savait pas si ce qui le dérangeait était d'imaginer Aaron embrasser une fille en général ou Magali en particulier. Par commodité, il tentait de se persuader que c'était Magali le problème. Comme lui, elle possédait des cheveux doux d'une blondeur éclatante. Mais il y avait une différence entre eux. Pour la jeune fille, la blondeur n'était pas juste une couleur capillaire. C'était avant tout un concept. Elle avait même été capable de mener ce concept de blonditude vers des sommets jamais atteints en gravissant de trop nombreuses fois l'Himalaya de la connerie.

« KILIAN, si tu ne sors pas dans cinq minutes, je défonce la porte et je te noie dans l'évier ! »

Soûlé par l'insistance de son grand frère, l'adolescent tourna le robinet jusqu'à ce que l'eau arrête de couler, sortit de la douche, attrapa une serviette qui trainait là et se précipita vers l'escalier en direction de son petit déjeuner qui l'attendait.

« Et mets un slip putain ! »

Kilian n'avait pas grand-chose à faire des remarques de Cédric. Il n'y avait qu'eux deux à la maison ce week-end-là. Leur père était encore une fois en voyage d'affaires et leur mère sans doute chez son amant. Elle n'avait pas précisé, mais personne ne lui avait demandé. Il ne voyait donc pas le problème dans le fait d'avaler ses deux tartines de Nutella et son chocolat chaud à présent tiède les fesses à l'air. Cette après-midi, il avait prévu de passer du temps à la salle d'arme. Bien qu'on fût dimanche, Jean-Pierre l'avait ouverte afin de permettre à Diego de s'entrainer en vue de sa prochaine compétition. Kilian voulait juste assister à ça. Peut-être y obtiendrait-il quelques conseils utiles.

Diego était légèrement plus grand que Cédric. Moins musclé, il restait imposant pour son jeune âge. Surtout, son corps était des plus athlétiques et racés, ce qui lui valait d'être l'idole de toutes les jeunes escrimeuses du club. À chaque fois qu'il s'entrainait, il impressionnait les foules. Kilian était comme subjugué par son allure, ses déplacements et sa précision. Le voir tirer avec Jean-Pierre était un spectacle de toute beauté que seuls les initiés pouvaient comprendre.

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant