33. Confrontation

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Si Aaron prenait plutôt bien l'annonce de sa défaite, ce n'était pas le cas de Magali. Le problème de la jeune demoiselle n'était pas sa stupidité mais plutôt le fait qu'elle ignorait totalement qu'elle était limitée intellectuellement. Ainsi, il n'était pas concevable pour elle, la plus belle fille du groupe des fraicheurs, de se prendre une telle veste face à l'intello de service. Dès la proclamation des résultats, elle invectiva violemment sa concurrente et le reste de la classe, avant de fondre en larmes comme si ses plus grands rêves de grandeur venaient de se briser en cette fraiche matinée de septembre :

« Franchement, vous avez tous de la merde dans les yeux. Vous lui trouvez quoi à la Chintok ? Parce qu'elle fait de la lèche aux profs, vous la choisissez elle ? C'est dégueulasse ! »

Dans la classe, d'un seul coup, un silence gêné se fit sentir. Sincèrement en colère, Kilian se leva et prit la défense de son amie :

« Déjà, elle est coréenne, pas chinoise. C'est pas la même chose, c'est pas au même endroit sur la carte. C'est comme si je disais que tu es stupide. C'est faux, t'es pas stupide, t'es juste complètement conne. C'est différent, c'est pas à la même page dans le dictionnaire ! »

Le blondinet osait dire tout haut ce que tout le monde pensait tout bas. Forcément, si la majorité des garçons de la classe rêvaient de sortir avec la belle pour des raisons esthétiques, personne n'imaginait un jour refaire le monde en sa compagnie. De son côté, Magali refusait de sortir avec le moindre de ses proches camarades. Elle trouvait les collégiens beaucoup trop immatures, voire gamins, pour elle et n'avait d'yeux que pour les beaux lycéens. Même le mirifique Matthieu, un jour d'égarement, s'était cassé les dents à essayer de la charmer. Elle était belle et inaccessible, c'était ce qui la rendait populaire. Il n'y avait aucune autre raison.

Monsieur Bruissière essaya de rétablir le calme dans sa classe :

« Magali, Kilian, ça suffit maintenant ! Vous vous croyez où ? Au cirque ? À l'assemblée nationale ? »

Même si la majorité des jeunes gens présents ne comprenaient pas les subtilités de cet humour politique, Hervé était plutôt fier de son trait d'esprit, aussi inutile fût-il pour rétablir le calme. Immédiatement, le groupe des fraicheurs prit la défense de sa chef. Ce n'était pas sa faute à elle, elle était malheureuse, tout le monde la détestait, les profs étaient tous des cons, les filles toutes jalouses et les garçons tous immatures. Bref, le lot classique de banalités à cet âge-là, ce qui fit se lever bien des regards au ciel dans l'assistance.

Magali régnait sur le groupe des fraicheurs comme une vendeuse de légumes sur ses bacs de courges et de laitues. Les trois autres filles de la bande lui étaient dévouées au possible. Dans toutes les matières, elles se relayaient pour avoir la moins bonne note afin d'éviter à Magali d'être dernière. Et elles étaient fières d'hypothéquer leur avenir rachitique pour le plaisir fugace d'une adolescente attardée. Toutes ensemble, elles revendiquaient le nom de « fraicheurs » car elles pensaient avoir le swag. Les autres élèves les appelaient ainsi car, dans leur tête, c'était tellement vide qu'on aurait pu y installer la clim'.

Quand enfin le calme fut revenu dans la classe, une main timide se leva pour demander la parole. Le professeur principal se pinça le haut du nez en fermant les yeux puis finit par l'accorder à son élève :

« Tu as quelque chose à rajouter, Aaron ? »

L'adolescent se gratta derrière l'oreille gauche, puis d'une voix pleine de douceur et de compassion, il déclara :

« Je voulais juste dire à Magali de ne pas le prendre comme ça. Moi aussi j'ai perdu, mais je n'en fais pas tout un plat. Au contraire, mieux vaut perdre dans l'honneur que gagner dans le déshonneur. Gloria victis ! »

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant