64. Secret de famille

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Un grand bruit de vase écrasé au mur se fit entendre en provenance du bureau de François. Sans prévenir ses enfants, il avait choisi ce jour pour enfin faire le point sur son couple avec Marie, sa femme. Encore une fois marquée par l'alcool, elle avait quand même accepté la discussion, ayant tant à dire à cet homme qu'elle n'aimait plus. Même s'il était violent, elle savait comment le tenir en respect. Le venin d'un serpent est à même de paralyser le plus massif des éléphants.

Accourant dans la pièce froide où leur père gardait ses dossiers, les deux garçons ne purent qu'assister péniblement à la scène. Des feuilles mélangées à des morceaux de verre jonchaient le sol. Leur mère se tenait droite, le menton relevé et le corps altier. François était effondré dans son épais fauteuil en cuir, la main sur les yeux pour cacher ces larmes qui n'avaient pas coulé depuis bien des années.

« C'est fini, j'en ai marre de toi, tu ne m'as jamais rendue heureuse. Je te quitte. Bruno a accepté qu'on vive ensemble. Je te laisse te démerder avec tes fils. Enfin, avec celui qui est de toi. L'autre, fais-en ce que tu veux, je m'en fiche ! »

Un éclair parcourut le corps de Kilian. Son visage devint plus blanc que les murs. Ses jambes se figèrent sur place et une envie de nausée envahit tout le haut de son corps. Quoi ? Comment ? Qu'est-ce que cette vieille sorcière timbrée voulait dire ? C'était quoi ce bordel ? Quel autre ? Qui n'était pas le fils de son père ? Et comment ça, elle s'en fiche ? Sous le choc, il ne pleurait même pas. Il regardait juste François effondré dans sa chaise ainsi que le sourire narquois de cette vipère qui l'avait mis au monde. Tout juste lâcha-t-il, dépité :

« Quoi ? »

Cédric se jeta sur lui et l'enlaça fortement, pour l'empêcher de bouger autant que pour l'empêcher de se faire du mal. Il devait le rassurer et le protéger. C'était plus que jamais son devoir de grand frère.

« Ce n'est rien Kilian, ce n'est rien, tu n'as rien entendu. Calme-toi petit frère, calme-toi, elle est folle, elle ne sait pas ce qu'elle dit ! Elle vit dans ses délires. Depuis qu'elle trompe papa, elle n'est plus la même. »

La mère regarda son plus grand fils en rigolant. Quel idiot il faisait, à toujours vouloir protéger cette saleté blonde qui lui était sortie des entrailles plus de quatorze ans plus tôt. Le symbole de son péché, de sa faute et de sa trahison. Le petit bâtard qu'elle aurait préféré ne jamais avoir. Pourquoi fallait-il donc que son garçon adoré protège cette chose infâme qu'elle avait éjectée d'entre ses cuisses et qu'elle n'avait jamais réussi à aimer ? En l'attrapant pas ses cheveux châtain foncé, elle lui asséna ses paroles comme autant de coups portés au ventre :

« Alors ça, tu sais, ça fait plus de quinze ans que je trompe ton père, j'ai commencé à le tromper, tu étais encore en couche-culotte. Et là, j'en ai marre d'être malheureuse. Une décennie et demie que je souffre, mais c'est fini, FINI, tu entends ? La Marie, elle va enfin vivre son amour au grand jour. J'aurais dû quitter François juste après ta naissance, je suis restée avec lui pour toi, j'ai été sotte. »

K.O debout et en larmes, Cédric desserra son étreinte du corps de son frère. Kilian, lui, ne pleurait pas. Pour la première fois de sa vie, ce n'étaient pas ses glandes lacrymales qui s'étaient activées suite à un choc. La colère remontait de ses reins pour irriguer l'ensemble de son corps. C'était donc ça. Il était le fils illégitime d'un autre que celui qu'il croyait être son père. C'était pourtant si simple. La réponse à toutes ses questions apparaissait enfin clairement sous ses yeux. La méchanceté de sa mère qui ne l'avait jamais aimé. La brutalité de son « père » à chaque fois qu'il croisait son regard. Ses différences physiques si marquées avec Cédric, qui se voyaient jusqu'aux couleurs de leurs cheveux et de leurs iris. S'ils étaient bien frères, ils n'étaient pas du même géniteur. C'en était presque comique. Il eut presque envie de rire, mais plus par désespoir que par drôlerie. Le visage fermé et les joues creusées, une seule question hantait à présent son esprit. Il n'y avait qu'une seule chose qu'il voulait savoir. Alors que Cédric le tenait sans la moindre force dans ses bras, il lui demanda :

Ce qu'il aimaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant