La fête de Ste Anna

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– J'ai prêté la carte d'identité de Joakim à un membre de l'Association qui en avait besoin pour revenir à Plouanna, répéta Lizig sans se départir de son calme insolent.

– Hein ?, fit Joakim.

– Pourquoi tu as fais ça ?!

– Je viens de le dire : il en avait besoin. Et sur les photos, j'ai trouvé qu'il ressemblait un peu à Joakim.

– Tu étais au courant ?!

– Mais pas du tout !, dit Joakim sur un ton offusqué.

– Il n'aurait jamais voulu, fit Lizig avec mépris.

– Bien sûr que non ! Pourquoi j'aurais voulu ? Ça ne sert à rien, ce que tu fais. Je vais devoir faire une déclaration de vol, maintenant...

– Non ! Si tu fais ça, il va se faire arrêter !

– Parce que tu crois qu'il ne se fera pas arrêter de toute façon ? C'est un membre de l'Association ! Et maintenant avec ma carte d'identité, ils vont croire que je l'ai aidé !

– Joakim, tu ne peux pas sortir tant que tu ne l'as pas récupérée, dit leur mère. Tu ne serais pas en règle. Il faut que tu restes là aujourd'hui.

Joakim devint livide.

– Pas question que je reste enfermé un des rares jours de l'année qui ne ressemblent pas aux autres !, dit-il tandis que seules ses oreilles reprenaient des couleurs.

Il se leva brusquement.

– De toute façon Patsy m'attend, je dois la retrouver au port ! Et vite !

Il fonça dans sa chambre.

Sa mère commença à le suivre.

– Je t'interdis de sortir !

Lizig s'interposa.

– Pour une fois qu'il n'est pas docile, tu ne peux pas le laisser tranquille ?

Tandis qu'elles reprenaient leur dispute, Joakim enfila son costume de fête sans décolérer, puis il sortit de chez lui aussi vite que possible en évitant la cuisine où elles continuaient de se chamailler.

Il ne réalisa pas tout de suite ce qui se passait dehors.

Il ne pouvait pas s'empêcher de se dire que c'était de la folie : un jour comme celui-là, se promener sans sa carte d'identité ? Il y avait des Agents partout. Il allait se faire avoir, c'était évident. Et si la première fois que l'idée lui était venue, il s'était dit « tant pis ! », la seconde fois il se dit que ça n'en valait peut-être pas la peine, et la troisième il se dit que c'était totalement idiot de sa part.

Il n'en cheminait pas moins vers le centre ville d'un pas rapide, pressé de savoir si Patsy avait fait des rêves aussi bizarres que les siens, ne regardant qu'à peine les passants en costume qu'il croisait.

Au bout d'un moment, il remarqua bien qu'il y avait chez eux quelque chose qui n'allait pas, mais comme son esprit était toujours trop occupé, et que sa nuit sans sommeil lui maintenait la tête sous l'eau, il fut incapable de dire ce que c'était.

Cependant, presque arrivé dans le cœur de la fête, il commença à se frotter les yeux. Décidément, les costumes des gens avaient l'air en quelque sorte... plus nets que le monde autour d'eux. C'est-à-dire que leurs couleurs étaient plus prononcées, leurs traits plus marqués. Et comme se frotter les yeux n'y changeait rien, Joakim fronça les sourcils. « Je suis donc bien devenu fou », se dit-il sans trop savoir lui-même s'il était sérieux ou s'il plaisantait. « Pourvu seulement que ça ne gâche pas la fête. »

Le Pouvoir des ArtistesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant