Le Proconsul se redressa aux aguets.
– Vous n'avez pas le droit de passer !, criait quelqu'un.
– Mais puisque je vous dis que moi aussi je connais le Proconsul Anthony !, répondait quelqu'un d'autre.
– Allez-y, je vous rejoins, fit le Proconsul.
Et il se précipita vers le bruit, suivi par ses deux gardes du corps.
– Qu'est-ce qui se passe ?, demanda Patsy.
– On s'en moque !, dit Joakim. Profitons-en !
Il s'élança aussitôt à l'intérieur du musée.
A peine dans le grand hall, les bruits des tableaux détonnèrent et les submergèrent d'un coup ! Leurs musiques, les voix des personnages, et l'odeur de la mer et des fleurs et des fruits dans leur panier et des animaux dans les champs : Joakim avait l'impression de se retrouver au milieu d'un marché bondé !
Et puis, les dessins des personnages se retournèrent vers eux, les uns après les autres.
Joakim commença à se recroqueviller. Mais ça ne lui dura qu'un instant, il se redressa tout de suite et il fila vers l'un des escaliers qui menaient à l'étage.
– Où tu vas ?, fit Patsy en le suivant.
Ils grimpèrent les marches quatre à quatre.
– Tu te rends compte que c'est trop tard pour appliquer le plan maintenant ?, disait-elle. Le Proconsul nous a vus ! Si la photo disparait et que nous aussi, il se doutera bien qu'on est responsables !
– Je sais ! Laisse-moi réfléchir !
Ils s'engagèrent à l'intérieur des galeries creusées dans les profondeurs du musée, laissant derrière eux la lumière du jour qui s'infiltrait par l'entrée.
Les tableaux continuaient de tourner leurs yeux vers eux quand ils passaient devant. Les exclamations surprises des visiteurs les poursuivaient à travers les couloirs. Les quelques Agents Proconsulaires qui se trouvaient là se tendaient en même temps et fouillaient la foule des yeux.
– Pourquoi est-ce qu'on ne reviendrait pas une autre fois ?, demandait Patsy.
– Parce que le Proconsul sera toujours là, et ce sera encore plus bizarre. Tout est prêt, j'ai tout ce qu'il faut avec moi, j'ai mangé le plat que Jean-François a préparé. Finissons-en avec ça aujourd'hui, et on pourra passer à autre chose.
Ils arrivèrent enfin en face de la galerie où se trouvait la porte de la réserve. Joakim se stoppa et retint Patsy.
– Attends, je suis bête, on ne peut pas aller là-bas. Il y a la caméra de surveillance.
– Alors qu'est-ce qu'on fait ??
Ils restèrent figés, fixant l'ouverture toute proche.
Alfred Hampton était toujours installé dans cette pièce, derrière sa table pleine de toiles vierges et de pots de peintures. Il était en train de tourner une de ses œuvres dans tous les sens en donnant l'impression de ne pas savoir lui-même dans lequel il était censé la tenir. Il n'y avait plus grand monde autour de lui, sa performance avait dû faire parler d'elle, pour ce qu'elle valait.
Sur les murs, les tableaux lorgnaient Joakim avec toujours autant d'insistance. Patsy se retourna vers lui d'un air crispé :
– On ne doit pas rester là ! On aurait dû...
Mais elle resta la bouche ouverte :
– Il revient vers nous, fit-elle tout bas en indiquant le bout de la galerie.
Les badauds s'y écartaient pour laisser passer le Proconsul Anthony. Il se dirigeait dans leur direction, le front bas et le visage sombre.
– Pourquoi il vient par ici ? Qu'est-ce qu'il m'énerve, celui-là ! Il faut toujours qu'il gâche tout !
– Il va vite se rendre compte que toutes les peintures me regardent !
– Bon, il n'y a pas tant de personnages dans cette pièce. Et du moment qu'on ne bouge pas, ils ne bougent pas non plus. Il faut juste qu'on reste où on est, on pourrait croire qu'ils ont été peints comme ça et je doute que le Proconsul les connaisse dans le détail.
– Ça va vite paraître suspect si on reste plantés au milieu de la galerie à ne rien faire, dit Joakim.
Il jeta un œil autour d'eux.
– Je sais ! Viens.
Il se précipita vers l'établi d'Alfred Hampton.
Les quelques dessins de personnes autour d'eux pivotèrent la tête. Joakim et Patsy s'arrêtèrent devant l'Artiste, juste au moment où le Proconsul entrait dans la galerie.
– Oui ?, fit Hampton en relevant le nez de sa toile.
Ils l'ignorèrent, ils regardaient le Proconsul serapprocher sans oser bouger. Sespas claquaient sur le parquet ciré comme des coups de feu, résonnant dans lesoreilles de Joakim.
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Le Pouvoir des Artistes
ParanormalRejoignez un groupe d'artistes révolutionnaires au moment où l'art devient magique ! A bientôt vingt ans, Joakim ne croit plus aux légendes de son île Celte : en vérité, le monde est beaucoup plus ordinaire que ça. Sa seule chance de vivre une vie...