Joakim se trouvait au milieu de l'auberge.
Lumière faible, plafond bas, sol sale.
Une épaisse odeur de ragoût lui parvenait de la marmite suspendue dans la cheminée. Le vent cognait la porte en bois, Joakim sentait l'air froid qui s'infiltrait dessous.
Le petit garçon dans les bras de sa mère avait l'air encore plus terrifié que la dernière fois qu'il avait lu ce passage.
Joakim chercha les trois hommes habillés de toile orange qui buvaient dans le fond.
Il s'approcha de leur table.
En changeant d'angle de vue, il s'aperçut qu'ils étaient quatre.
Celui qu'il n'avait pas remarqué jusque-là ne ressemblait pas du tout aux autres : il ne portait pas d'orange, il était petit et chétif, sa barbe était si longue et si large qu'il pouvait cacher son corps derrière.
Les quatre inconnus discutaient à mi-voix, Joakim avait beau se tenir juste à côté à présent, il n'entendait toujours sortir de leurs bouches que des marmonnements incompréhensibles.
Il les vit enfin se serrer la main, ils se levèrent tous en même temps et ils passèrent à côté de lui en l'ignorant. Ils laissèrent une pièce d'or à l'aubergiste, qui la contempla comme s'il s'agissait d'un miracle, et ils sortirent les uns derrière les autres, le barbu tout maigre en premier. Joakim en dernier.
Il les suivit dans la rue et la descendit avec eux, une petite rue d'un petit hameau. Les quelques habitants qui traînaient là, en les voyant, se carapataient dans leur maison et s'y enfermaient à double tours.
« Fili ! »
Joakim se retourna : le petit garçon de l'auberge dévalait la rue en courant, sa mère l'appelait depuis le seuil de la taverne. Il s'arrêta dans sa course et se cacha derrière un muret quand l'un de ceux qu'ils suivaient pivota vers lui. Le marin sourit du coin des lèvres, puis reprit son chemin.
Fili quitta sa cachette et repartit derrière eux.
Le vent ramenait de la mer des clameurs intrigantes.
Le village dégringolait jusqu'à une crique où les quatre hommes s'engagèrent, ils disparurent rapidement derrière une dune.
Les bruits et les cris se renforçaient.
Fili et Joakim arrivèrent en même temps à l'entrée de la crique, ils s'y arrêtèrent tous les deux.
Joakim cligna des yeux.
– Qu'est-ce que...
Les hommes de l'auberge rejoignaient une vingtaine d'autres matelots habillés d'orange. A eux tous, ils couvraient la petite plage en formant une chaine humaine, acheminant des caisses de bois, faisant résonner la grève de leurs chants mélancoliques.
Ceux du bout entassaient les caisses dans des barques, qui faisaient la navette entre la rive et une goélette ancrée un peu plus loin au large.
Et en très gros sur l'arrière de cette goélette, et bien visible sur chacune de ces caisses, était inscrit un B élégamment calligraphié.
Joakim referma son livre.
La tête lui tournait un peu, il jeta un coup d'œil autour de lui.
– Elgud ?
Elgud était assis juste à côté, en train de lire également.
– Elgud ?, répéta Joakim.
– Hein ? Quoi ?
– C'est vrai ce qui est raconté là-dedans ?
– Ça dépend quelle partie, j'imagine. Comme dans beaucoup d'histoires.
Au fond de l'atelier, Brewal se leva de derrière son bureau.
– Puisque vous avez fini de lire, vous pouvez peut-être m'aider ?
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Le Pouvoir des Artistes
ParanormalRejoignez un groupe d'artistes révolutionnaires au moment où l'art devient magique ! A bientôt vingt ans, Joakim ne croit plus aux légendes de son île Celte : en vérité, le monde est beaucoup plus ordinaire que ça. Sa seule chance de vivre une vie...