En prison

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La porte en bois massif se referma devant le nez de Joakim.

– Je n'ai rien fait de mal ! Laissez-moi sortir !

Il entendit une clé tourner dedans avec un enchaînement de cliquetis. Puis le bruit des bottes derrière qui s'éloignait dans le couloir.

Les presque trois heures de marche depuis les montagnes d'Amhosib Mynd jusqu'à la Maison Proconsulaire n'avaient pas suffi à le calmer. Tout du long, il avait crié et il s'était débattu, à présent il était exténué, mais qu'allait-il faire ? Se reposer ?

Il tourna sur lui-même pour considérer la cellule. Ses cloisons étaient toutes beaucoup trop proches les unes des autres. L'une d'elles était percée d'une fenêtre criblée de barreaux, en face Joakim aperçut, dans la clarté de la lune, un bout de pierre sur le sol. Il se jeta dessus et il commença tout de suite à creuser dans le mur avec.

Il creusa et il creusa encore, vite, fort, il ne s'arrêta qu'après peut-être deux ou trois heures – « peut-être », parce qu'il avait fini par perdre la notion du temps. Il ne restait plus grand-chose de son caillou, il avait les doigts tout griffés, ses genoux lui faisaient mal à force d'être resté dessus, et il était gelé jusqu'aux os parce que sa cellule était humide comme une caverne. Il prit une seconde pour évaluer le mur auquel il s'était attaqué : l'entaille n'était qu'à peine plus grosse que quand il avait commencé. Il jeta son reste de caillou, il en ramassa un autre et il se remit à creuser.

Une ou deux ou cent heures plus tard, il creusait toujours, mais moins vite et moins fort. Il s'arrêta pour vérifier l'état de son caillou : il était presque fini lui aussi. Le mur n'était pas beaucoup plus esquinté. Il resta à le fixer quelques secondes.

Sans trop savoir pourquoi, il y grava un rond, d'un seul coup. Puis des traits autour. Un soleil. Et puis il ajouta dessous un trait ondulé qui devait représenter la mer. Et des 'V' pour faire des oiseaux. Il considéra l'ensemble d'un œil fatigué. C'est alors qu'il entendit des pas revenir dans le couloir.

Il tendit l'oreille. Les pas se posèrent derrière sa porte, quelqu'un traficota une clé dedans.

Il se releva d'un bond, il jeta son bout de pierre dans un coin, il se tint face à la porte en essayant d'avoir l'air de rien. Et il défaillit en découvrant celui qui la poussait.

– Dani ?!

Dani Bayou arborait un air grave qui ne lui allait pas du tout. Il portait le même équipement que les autres Agents Proconsulaires, mais sa tenue de combat était beaucoup trop petite pour lui, ce qui expliquait sûrement son visage tout rouge.

– C'est bien toi, Even ?, fit-il en regardant Joakim de travers. On te reconnaît pas, tout peint en noir comme ça.

– Qu'est-ce que tu veux ?

Dani se redressa pour prendre un air encore plus grave, son visage devint encore plus rouge.

– Je suis venu te chercher pour que tu voies le Proconsul, dit-il comme s'il essayait de retenir sa respiration en même temps.

Joakim se demanda une seconde comment il était censé prendre ça. Est-ce que Dani... savait ?

– Je sais, fit Dani. Je sais tout. J'avais déjà bien compris quand des Agents ont attaqué votre espèce d'atelier. Là où vous m'aviez ligoté quand j'étais revenu du musée avec vous.

Il prit un air méprisant et ajouta :

– Faut pas me prendre pour un idiot.

Joakim serra les dents. Le temps d'un éclair, il hésita à lui foncer dessus... Mais il lorgna sur le fusil d'assaut énorme entre ses mains. Puis du côté de la porte encore ouverte dans son dos, avec le couloir vide derrière.

Le Pouvoir des ArtistesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant