A un moment, Joakim se dit qu'ils parviendraient à aller chercher la recette ce soir-là, peut-être même le trésor dans la foulée. Mais en dehors du quartier du port, la ville était bizarrement pleine d'Agents Proconsulaires. C'était comme s'ils préparaient quelque chose.
Ils furent donc contraints de remettre ça au lendemain.
Toute la journée, Joakim eut l'impression que son cœur battait anormalement fort et anormalement vite. Il se sentait essoufflé rien qu'à marcher. Il avait mal au ventre comme s'il avait mangé trop de crêpes et son dos était douloureux comme s'il avait dormi sur une plage de galets.
Il lui semblait qu'il avait trop à faire à la fois, il réalisait que ses pensées ne s'étaient plus arrêtées depuis un moment, pas même quand il était censé dormir ou se reposer.
Il quitta le port plus tôt que prévu et il fila directement chez Patsy, son sac déjà sur le dos, préparé depuis le matin. La sonnette de chez Patsy retentit d'un son perçant, Joakim retint le Granit autour de son cou comme si ça y changerait quelque chose. Un enfant ouvrit la porte.
– Salut Pasco. Tu peux appeler Patsy s'il te plait ?
Pasco se rentra dans la maison en hurlant « Patsy !!! ». Patsy arriva un instant plus tard, prête à partir.
– Ma mère n'est pas vraiment contente que je finisse mon stage aussi tôt.
– On ne peut pas attendre plus longtemps.
– J'ai l'impression que ça aurait été plus urgent d'aller chercher l'Inneal, non ? Tu n'as pas peur que Soverinn le trouve avant nous ?
– Dani a une carte, dit enfin Joakim. Voilà, tu sais tout.
Patsy lui jeta un regard douteux.
– Une carte ? Tu veux dire, une carte au trésor ?
– Oui. Enfin, j'imagine. Les secrétaires de la Maison Proconsulaire en parlaient l'autre fois, elles disaient que... Peu importe, en tout cas il faut qu'on s'en occupe au plus vite. Ça ne peut pas attendre.
– Tu ne m'as toujours pas dit comment tu comptais sortir le butin du puits entre deux patrouilles de Brassards. Ça m'étonnerait qu'on ait le temps, même avec la recette pour être plus fort.
– On va récupérer de quoi faire diversion. Tant qu'on sera à l'atelier, on va aussi prendre un pochoir de Mikael, et des bombes de peintures.
– Un pochoir ? Et qu'est-ce qu'il représente, ce pochoir ?
– Un joueur de cornemuse et un sablier. Je t'expliquerai quand on en sera là.
Quand ils eurent rejoints la zone des chantiers navals dans les environs de l'atelier, le jour avait fini de s'éteindre tout à fait.
Au fond de lui, Joakim savait qu'ils arriveraient en retard au rendez-vous avec Brewal et Shona, pourtant il continuait de faire comme s'il pouvait encore réussir. Par moment, l'idée qu'il était simplement impossible de sortir rien qu'une seule pièce d'or de ces coffres lui apparaissait dans un flash. Il avait alors l'impression de se retrouver suspendu au-dessus du vide, prêt à tomber. Dès qu'il arrêtait d'y penser dans le détail, il se reprenait à y croire et à ressasser son plan intérieurement, encore et encore.
– Joakim...
Patsy s'était arrêtée alors qu'ils s'engageaient dans l'allée d'herbe.
– ... Tu es sûr que ce n'est pas dangereux de revenir à l'atelier ?
Joakim hésita une seconde.
– Ça doit faire longtemps que les Agents Proconsulaire ne s'intéressent plus à ce qui se passe ici, dit-il d'une voix monotone.
Les bateaux morts à quelques pas de là avaient bizarrement l'air d'émettre du silence. Joakim en profita pour tendre l'oreille.
Pas un bruit. Il n'y avait personne dans le coin.
Ils reprirent leur chemin.
La porte de l'atelier était restée comme Gromallo l'avait laissée trois mois plus tôt : défoncée, affalée par terre. A l'intérieur, le sol était jonché de débris, de feuilles que le vent avait soufflées de dehors, d'aquarelles souillés qui s'animaient toujours. Tout ça craquait sous leurs pas. Les dessins d'ampoules remplissaient toujours les lieux de lumière.
– Cet endroit me file la chair de poule, murmura Patsy.
Ils s'y enfoncèrent malgré tout. Un visage au crayon dessiné sur le mur les suivait des yeux. Le croquis d'un oiseau coloré sur une branche à côté de lui sifflait étrangement. Au fond de la pièce, depuis ce qui restait de la verrière, un buste intact leur fit un salut de la main. Les plantes autour de lui avaient continué de pousser en désordre, elles avaient déjà envahi une bonne partie du salon.
Joakim aperçut le pochoir sur un établi.
– C'est ce que je cherchais.
Il retira le sac de son dos et glissa le carton dedans, il prit avec une bombe de peinture « Noir du fond d'une grotte » posée à côté.
– Essayons de trouver le livre de recette.
– Chut !, lui répondit Patsy en se figeant.
Des bruits de pas leur parvenaient de l'extérieur... Ils résonnaient dans le silence et se rapprochaient rapidement !
Joakim et Patsy filèrent vers les ruines de la verrière. Ils eurent tout juste le temps d'atteindre les décombres et de se cacher derrière.
Ils se collèrent derrière le reste du mur. Joakim entendit les pas ralentirent une fois à l'intérieur.
Il n'osait pas regarder, il restait face au buste blanc qui leur faisaient toujours coucou en souriant, il lui fit signe d'arrêter mais le buste continuait indifféremment.
Les pas piétinèrent un peu, allèrent dans un sens, retournèrent dans l'autre, s'arrêtèrent.
– Je te l'avais dit..., fit enfin la voix d'une fille.
Joakim fronça les sourcils.
Quoi ??!!
Il glissa un œil à travers les débris de la verrière.
Lizig se tenait debout près de la porte de l'atelier.
– Je suis désolée, dit-elle encore.
A côté d'elle, accroupi,Mikael considérait les gravats qui avaient jadis été Rezennet.
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Le Pouvoir des Artistes
ParanormalRejoignez un groupe d'artistes révolutionnaires au moment où l'art devient magique ! A bientôt vingt ans, Joakim ne croit plus aux légendes de son île Celte : en vérité, le monde est beaucoup plus ordinaire que ça. Sa seule chance de vivre une vie...