Cornemuse

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Le chemin s'élevait vers les hameaux de maisons hauts perchés. Le soleil finissait de décliner, le ciel devenait plus sombre.

– Il faut qu'on se dépêche, fit Mikael en accélérant le pas.

Deux minutes plus tard, il s'arrêta, jeta un coup d'œil derrière lui, et passa par-dessus le muret de pierre le long duquel ils étaient en train de marcher. Joakim vérifia lui aussi que personne ne traînait dans les parages avant de le rejoindre.

Puis ils filèrent tous les deux à travers les herbes hautes. Ils prirent assez de hauteur pour se retrouver face à face avec le soleil.

Mikael se cacha enfin derrière le tronc d'un large pin.

– C'est là.

Un peu plus loin se trouvait une vieille maison. Ses vitres commençaient à se remplir du reflet du couchant.

– C'est cette couleur. J'ai cherché partout, il n'y a pas le choix : il n'y a que cette maison, à cet instant de la journée, en cette période de l'année. Le seul problème, c'est qu'il y a quelqu'un qui vit là.

– Tu lui as demandé ? Ça ne le dérangera peut-être pas.

D'un mouvement de tête, Mikael l'invita à mieux regarder. Un grand type baraqué était en train de sortir de la maison, tellement grand qu'il dut pencher la tête pour passer la porte, tellement baraqué qu'il dut se mettre de biais. Joakim faillit avaler sa langue.

– C'est chez Gromallo !

– Il y a peu de chance pour qu'il nous aide. C'est le pire oppresseur de Plouanna.

– Je croirais entendre ma sœur.

– Elle a raison : Gromallo est un tyran. Mais tu peux toujours essayer de lui demander gentiment, si tu veux.

Joakim fit non de la tête.

Gromallo se mettait à arroser ses parterres de fleurs, en dépit de la pluie continue de la journée. Ses gros biceps débordaient des manches de sa chemise. Ils attendirent qu'il eût terminé et qu'il fût rentré chez lui.

– Viens avec moi, dit Mikael.

Ils sortirent de derrière le pin et se glissèrent jusqu'à une petite grange en ruine envahie par les lierres, située assez loin, plus bas derrière sa maison. Là, Mikael ressortit le pochoir et la bombe de peinture de son sac.

– Gromallo déteste la cornemuse, dit-il tout bas en souriant. Tu es prêt ?

Joakim acquiesça. Mikael peignit un joueur de cornemuse sur la porte de la ruine. Joakim sentait son sang battre de plus en plus fort dans ses oreilles. Il savait qu'il n'aurait pas dû être là, mais il n'aurait pas voulu être ailleurs. Juste à côté du musicien, Mikael passa un coup d'aérosol sur le pochoir du sablier.

– C'est bon, fit-il enfin. Maintenant il faut que tu donnes un coup de Granit dessus. Il ne rayonne pas assez loin, quand on sera rendu à la maison de Gromallo il n'agira plus, les dessins seront inactifs.

Joakim tapa le Granit sur les dessins. Une ombre les traversa. A peine terminé, le pochoir s'était mis à jouer, le même air de musique, mais comme la première fois : pâle et étouffé.

– Dis-lui d'arrêter, fit Mikael.

– Arrête.

Le dessin obéit.

– Voilà. Maintenant, retourne le sablier.

– Comment je fais ça ?

– Eh bien, simplement, comme tu ferais avec un vrai.

Le Pouvoir des ArtistesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant