"Quelqu'un pour toi !"

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Joakim ne cligna presque plus des yeux pendant une heure, il ne décrocha pas un mot du dîner, et il ne dormit presque pas de la nuit.

Il ne trouverait jamais le trésor de Bilz de Kerouez. C'était clair.

Par moment, il se demandait comment il avait pu ne pas comprendre ça de lui-même. Son cœur se mettait alors à cogner dans sa poitrine, il se retournait dans son lit et il tapait un grand coup de poing dans son oreiller en imaginant combien Dani Bayou devait être fier de lui à ce même instant.

Finalement, à force de détricoter le fil des évènements et de les passer en revue, quelque part au milieu de la nuit, ses pensées s'arrêtèrent sur les mystérieux marins du tableau. Pourquoi, bon sang, pourquoi prendre un malin plaisir à duper son monde ?...

Dès qu'il fut prêt le lendemain matin, il fila à la bibliothèque. Il alla tout de suite à l'accueil et demanda le rayon « Histoire de l'art ».

– On n'a pas ça ici. Allez voir au rayon « Histoire », tout court.

– Mais je cherche des informations sur un tableau, fit Joakim.

– Allez voir au rayon « Histoire ». Il est...

– Merci, je sais où il est.

Et le souvenir de toutes ces heures passées à y chercher des indices sur le trésor de Bilz lui remonta dans le fond de la gorge.

Il décida quand même d'aller y jeter un œil, au cas où. Là, il feuilleta quelques livres, en emprunta quelques autres, et il s'en retourna chez lui.

Il s'assit à son bureau, poussa dans un coin ses dessins de soleil et posa les livres à la place. Il ne s'attendait pas à y trouver grand-chose : il savait d'expérience qu'ils ne parlaient jamais que de l'histoire de la Grande Nation. Des rois inconnus, des villes lointaines, des batailles qui ne le concernaient pas : tout ce qu'il avait déjà appris à l'école.

De fait, un seul de ces bouquins parlait de l'île de Kembac, et c'était pour la représenter comme un bout de terre hostile, arriérée et peuplée de sauvages.

Une version de l'histoire du trésor de Bilz y était aussi résumée, totalement farfelue : selon elle, Bilz aurait été non pas un voleur mais un assassin sans pitié, costaud comme un ours, qui égorgeait vieillards, femmes et enfants dans leur sommeil pour ensuite les dépouiller de leurs biens. Apparemment, cette histoire était en plus censée illustrer la bêtise des habitants de l'île, puisque Bilz avait soi-disant chargé tout seul son lourd butin dans une barque, qui avait évidemment coulé à quelques mètres seulement du rivage. Le récit se terminait en expliquant que ce genre de crime ne s'était plus vu à partir du moment où la Grande Nation avait apporté sur l'île l'éducation et la justice.

Joakim referma le livre. Celui-ci était le dernier qu'il avait rapporté de la bibliothèque, et toujours rien sur des pêcheurs habillés en orange, rien sur un tableau qui les aurait représentés. Il jeta un œil à la bouteille sur son bureau. Est-ce que le Granit aurait pu l'aider, s'il avait su s'en servir ?

C'est alors que sa mère l'appela depuis le rez-de-chaussée.

– Quelqu'un pour toi !

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