Déjà en se couchant ce soir-là, Joakim n'était plus certain de ne pas avoir rêvé tout ça. Il était rentré chez lui en se disant que sa vie ne serait plus jamais la même. Il allait faire de grandes choses, chaque petit instant vaudrait la peine d'être vécu. Néanmoins, quand il repensait à l'éclat de l'or, quand il revoyait l'image des lingots polis et des pierres étincelantes, il avait lui-même du mal à y croire.
Il fut réveillé le lendemain par le cliquetis des pièces. Il plongeait sa main dans le coffre mais elles sonnaient creux. Ce n'était qu'un rêve.
Il ouvrit les yeux, il se pencha aussitôt par-dessus son lit pour attraper le sac qu'il avait caché dessous. Il était toujours plein d'or et de bijoux.
Mais les cliquetis continuaient, alors il leva les yeux vers eux. Il aperçut un goéland dehors, en train de cogner du bec contre la fenêtre.
Il se leva et s'approcha.
En fait, le goéland s'en prenait à un oiseau d'argile, posé sur le rebord. Il s'envola en craillant et fit tomber la sculpture au passage, Joakim entendit la terre cuite s'écraser en bas. « C'est quoi ce boucan ? », fit sa mère au rez-de-chaussée. Il alla dans la rue en pyjama, il se mit à ramasser les débris, puis il les remonta dans sa chambre.
Là, il les éparpilla à côté de sa poubelle et il se mit à les trier. Il en trouva un sur lequel était écrit :
« Suis revenu. Retrouvez-moi au pub ce soir avec Patsy. Quelqu'un à voir. C'est important.
Brewal »
Joakim fit une grimace renfrognée. Et ça lui resta pour ainsi dire toute la journée.
Il faisait encore la grimace en déchargeant les bateaux de pêche dans la matinée. Il faisait toujours la grimace le midi pendant sa pause, en mangeant une saucisse aux algues avec les autres stagiaires du port. Il faisait la grimace l'après-midi en brossant les pontons. Il faisait la grimace en quittant le port, les yeux au sol, la tête rentrée dans les épaules.
Il lui semblait qu'il avait bien le droit d'avoir quelque chose de prévu, qu'il n'était pas obligé de tout laisser tomber juste parce qu'on lui avait envoyé un oiseau. Un oiseau qui ne disait pas grand-chose, d'ailleurs.
Il attendit qu'il fît nuit pour rejoindre Patsy chez elle. Pendant ce temps-là, il resta sombre. Il tournait le débris de sculpture dans sa main sans même plus le regarder. Il passa le repas à regarder du coin de l'œil sa sœur et sa mère qui étaient encore en train de se chamailler.
– Ce n'est pas pour m'amuser !, disait la première. Il faut absolument que je sorte ce soir.
– Je t'ai déjà dit non, répondait la deuxième. Tu es trop jeune et tu passes trop de temps dehors.
Joakim mangea en vitesse, il quitta la table alors qu'elles n'avaient pas encore fini, et il sortit sans demander la permission.
Il se rendit chez Patsy en faisant toujours la grimace.
– Qu'est-ce qu'il y a ? Ça n'a pas l'air d'aller ?
– J'ai reçu ça.
Il lui tendit le mot de Brewal. Elle le lut en diagonal.
– Eh bien, pas de problème. Allons au pub d'abord, on ira chercher le livre de recette ensuite.
– Mais on va perdre du temps. Ça fera peut-être trop tard pour aller chercher le butin après.
– Dans ce cas-là on ira demain. On n'a pas vraiment le choix : Brewal dit que c'est important.
– Je sais. Mais j'avoue que je commence un peu à en avoir marre. J'ai l'impression qu'on n'en fait jamais assez.
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Le Pouvoir des Artistes
ParanormalRejoignez un groupe d'artistes révolutionnaires au moment où l'art devient magique ! A bientôt vingt ans, Joakim ne croit plus aux légendes de son île Celte : en vérité, le monde est beaucoup plus ordinaire que ça. Sa seule chance de vivre une vie...