Joakim ne s'en était pas aperçu, mais on l'avait installé juste à côté de lui. Elgud souriait de toutes ses quelques dents. Contrairement aux autres, il n'avait pas du tout l'air embêté de se retrouver là.
– Tu as vu ce qui se passe en ville ? C'est super, n'est-ce pas ?
– Qu'est-ce que vous avez tous à trouver ça super ?
– Eh bien, tu disais que le monde est ordinaire et que seul le trésor pourrait rendre ta vie captivante. Tu avais tort, on dirait !
– Je ne vois pas comment ce qui se passe pourrait rendre ma vie captivante. Tu as vu où on est ? Et puis il y a forcément une explication logique, il ne faut pas... Attends, comment ça se fait que tu n'as pas l'air inquiet de t'être fait arrêter, toi ?
– Mon jeune ami, je suis tellement amusé par tout ça que je n'arrive pas à m'inquiéter ! Tu ne devineras jamais pourquoi je suis là. Regarde : ces petits morceaux de papier ont été jetés dans la rue comme des confettis !
En redoublant de sourire, il lui tendit un bout de feuille de la taille d'un biscuit au beurre, chiffonné et plié en deux, dont une face était recouverte d'entrelacs celtes.
Joakim lut le texte écrit sur le verso « Vous êtes des géants qui vivent à genoux ».
Il releva alors les yeux et tout autour de lui, la pièce, les gens, tout était devenu petit. Ou plutôt, réalisa-t-il, c'était lui qui était énorme ! Il était aussi puissant, il sentait qu'il aurait pu faire tomber les murs rien qu'en les poussant du doigt. Il lui suffisait de bouger un peu pour voir les pierres s'ébranler et de la poussière tomber des interstices du plafond. Mais il était surtout penaud et courbé, il était soumis et sa tête était lourde.
Il se tourna, ratatiné, vers un petit Elgud qui l'observait toujours le visage plein de joie.
– Alors ?, lui lança celui-ci d'en bas.
– Qu'est-ce qui se passe ?, fit Joakim avec sa voix de géant.
Personne autour d'eux ne semblait surpris de le voir aussi grand. Il allait jeter un nouveau coup d'œil sur le papier quand Elgud l'arrêta.
– Non, ne le relis pas !
Joakim n'en fit donc rien, et quand il se tourna à nouveau vers Elgud il avait repris sa taille normale.
– Ça va perdre de son effet si tu le relis trop.
Joakim avait la tête qui lui tournait. Il se sentait toujours capable de renverser la Maison Proconsulaire d'un coup de pied contre le mur, la seule raison qui l'empêchait de le faire était que c'était interdit par la loi.
– Qu'est-ce que c'est ?
– Un petit bout de poésie ! Quelques mots que j'ai écrits quand j'avais à peu près ton âge. Les Brassards pensent que c'est moi qui l'ai noté sur ces papiers et qui les ai éparpillés dans les rues.
– Et ce n'est pas le cas ?
– Non, je l'ai trouvé par hasard ! A mon avis, tout ça, c'est un coup de l'Association.
Joakim passa en revue les autres prisonniers enfermés avec eux.
– Tous ces gens sont des membres de l'Association ?, dit-il tout bas.
– Est-ce qu'ils portent tous un bout de drapeau ?
– ... Quoi ?
– Les membres de l'Association portent tous les motifs du drapeau de l'île de Kembac. Sur un foulard, un bijou, la doublure d'un béret. Tu ne savais pas ça ?
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Le Pouvoir des Artistes
ParanormalRejoignez un groupe d'artistes révolutionnaires au moment où l'art devient magique ! A bientôt vingt ans, Joakim ne croit plus aux légendes de son île Celte : en vérité, le monde est beaucoup plus ordinaire que ça. Sa seule chance de vivre une vie...