Le Granit

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Joakim et Patsy s'installèrent à côté de Mikael et Shona, en même temps que cette dernière se levait pour aller à la cuisine.

– On peut faire quelque chose ?, demanda Patsy.

– Non, fit Brewal. On n'a pas besoin de vous. Restez juste assis et touchez à rien.

– Du coup c'est toi qui va nous aider à vaincre Soverinn Donn ?, demanda Mikael à Joakim.

– Vaincre qui ça ?

Mikael jeta un œil interrogateur à Brewal. Brewal secoua la tête avec dépit.

– Soverinn Donn, répéta Mikael.

Shona revenait de la cuisine avec une marmite remplie d'eau qu'elle déposa sur la table. Elle repartit aussitôt.

– Dans le message que Kenan t'a envoyé, fit Brewal avec impatience, quand il dit que le monde est menacé, c'est de Soverinn dont il parle.

– C'est un Agent Proconsulaire ?

– Pas du tout. Mais c'est pour lui qu'ils travaillent.

– Les Agents Proconsulaires travaillent pour le Proconsul, dit Patsy.

– Et le Proconsul travaille pour Soverinn. C'est bien ce que je dis. Et c'est aussi lui qui a attaqué Kenan.

– Kenan a été attaqué ?, demanda Joakim.

– Décidément, t'es au courant de rien. Oui, il a été attaqué. C'est la seule chose dont je sois sûr. Je suis passé chez lui après avoir reçu son message : sa maison était sens dessus dessous et aucune trace de lui nulle part. Je lui ai envoyé quelques bouteilles depuis. Toujours pas de nouvelles.

Shona revint à la table avec un panier plein de légumes. Joakim s'aperçut qu'elle portait autour du cou le Granit avec lequel Mikael avait allumé le dessin de la bombe au musée. Elle attrapa un oignon dans le panier, elle le serra entre ses mains en les frottant l'une contre l'autre. L'oignon tomba d'entre ses doigts, épluché et ciselé, sous le regard médusé de Joakim et de Patsy.

– Tu fais quoi comme art ?, demanda Mikael.

– Hein ?

– Du théâtre, c'est ça ? Je ne sais pas pourquoi, je suis sûr que tu fais du théâtre. Ou tu cuisines ?

Joakim secouait la tête en devenant tout rouge. Mikael n'insista pas davantage, mais il ne manqua pas de froncer les sourcils. Patsy se pencha vers lui comme pour lui faire une confidence.

– Moi je joue de la flûte.

– Tu as appris quelque chose ?, demanda Shona à Brewal.

Elle pressait entre ses mains une pomme de terre, qui tombait dans la casserole en gros quartiers.

– Rien de neuf, répondit Brewal. C'est bien ce qu'on craignait : le musée est sous surveillance. Et même tout le voisinage. On s'en est tiré de justesse.

– Je ne vous avais pas dit que c'était de la folie d'aller dans un musée avec un Granit ?, fit Shona en se retournant vers son fils avec un air sévère.

Celui-ci leva les yeux au ciel. Biddy agita les mains.

– Non, on n'a pas réussi à l'atteindre, lui répondit Brewal. Y avait des gardiens devant la porte. En tout cas, ils la cachent bien, la preuve que ça doit valoir le coup.

– Je vais me renseigner, dit Shona en se mettant à arracher des morceaux d'une grosse courge orange comme si ça avait été une boule de pâte à modeler.

Puis elle les mit dans la casserole en procédant comme avec les oignons et les pommes de terre.

– J'ai peut-être un contact qui pourrait nous aider. Des champignons ?

Biddy lui faisait des signes.

– C'est vrai que tout ça vient du marché, ça ne les aidera pas à se sentir chez eux. Vous aimez les champignons ?, demanda-t-elle à Joakim et Patsy.

Tous les deux firent oui de la tête.

– J'en ai vu dans le jardin ce matin, je vais aller les chercher. Vous vous sentirez mieux dans la maison : vous aurez l'impression d'avoir poussé ici.

– Pas trop quand même, dit Brewal. Faudrait pas non plus qu'ils prennent racines. Ils repartent dès demain matin.

Avant de sortir de l'atelier, Shona tendit le bijou de granit à Biddy, qui se le passa autour du cou à son tour. Biddy se mit alors à creuser des bols et des gobelets dans la table. Sous ses mains, le bois massif avait l'air d'être devenu malléable comme de l'argile. Elle sculpta des cuillères à soupe dans les chutes de bois issus du reste, qu'elle disposa à côté des bols.

Mikael, pendant ce temps-là, avait installé au milieu de la table le dessin d'une grosse gazinière, dont les flammes s'agitaient réellement. Il posa la marmite dessus, au moment où sa mère revenait de dehors avec quelques champignons, qu'elle plongea dans l'eau.

– Ce serait qui ce contact à qui tu penses, Shona ?, demanda Brewal en venant déposer sur la table une grosse miche de pain aux algues.

Shona se tourna vers Joakim et Patsy. Ils n'avaient plus fermé ni les yeux ni la bouche depuis dix bonnes minutes, à les regarder faire tout ça.

– Mikael, pourquoi tu ne montrerais pas à nos invités la chambre où ils vont dormir cette nuit ?

Mikael se leva de sa place.

– Ça marche ! Suivez-moi.

Joakim ne tenant pas à en entendre davantage et Patsy mourant d'envie d'en voir plus, ils ne se le firent pas demander deux fois.

Le Pouvoir des ArtistesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant