Aider

7 3 0
                                    

A fond, tout droit, Joakim ne contrôlait plus ses jambes ! Le son de la cornemuse remplissait la campagne, couvrant les râles furieux de Gromallo.

Ils traversèrent l'étendue d'herbe en un clin d'œil, ils continuèrent de courir, même quand ils cessèrent d'entendre la musique.

Ils ne se mirent à marcher que plusieurs minutes plus tard, arrivés à l'extrémité du port.

– Gromallo va nous tuer s'il nous tombe dessus, dit Joakim au bout d'un moment.

– Mais non, répondit Mikael en souriant, c'était pour rigoler. Et si ça se trouve il va finir par aimer la cornemuse !

L'obscurité commençait à prendre du volume. La ville devenait jaune sous la lumière croissante des lampadaires. Joakim regardait le sol défiler sous ses pieds, encore essoufflé, son cœur tambourinant toujours. Il lui fallut le temps d'arriver à l'atelier pour retrouver sa respiration normale.

– Désolé pour tout à l'heure, fit Mikael avant d'entrer. Je n'aurais pas dû utiliser ton Granit sans te demander la permission.

– Oh, ce n'est rien. C'était... impressionnant !

– J'espère seulement que ça ne sera pas grave.

– Pourquoi ça serait grave ?

– Normalement il ne faut jamais utiliser le Granit de quelqu'un sans qu'il t'ait autorisé à le faire. Oncle Brewal dit que ça porte malheur.

Ils s'introduisirent dans l'atelier. Rezennet fit la fête à Mikael, Joakim se risqua à lui faire une caresse sur le haut de sa tête froide et rugueuse.

La pièce principale était vide. Toutes lumières éteintes. Joakim avait l'impression d'être dans un tunnel, seule la verrière au bout était éclairée. Des mots leur en parvenaient.

– Vous ne comprenez pas. Ça ne sert à rien de lutter. C'est perdu d'avance...

Ils s'arrêtèrent à quelques pas de la verrière, assez proches pour mieux voir. Les bustes d'albâtre avaient été couverts d'un linge et se mouvaient dessous, entre eux se tenaient Brewal, Rourke, et un homme qui portait l'uniforme des gardiens du musée.

– Vous ne risquez rien, dit Brewal.

– Je risque au moins ma peau !, répondit le gardien. Qu'est-ce que vous vous imaginez pouvoir faire contre lui ? Non non, je préfère arrêter tant qu'il est encore temps.

– Vous vous êtes engagés, dit Rourke sur un air mauvais. Vous devez aller jusqu'au bout !

Brewal leva la main pour lui faire signe de se calmer.

– C'est pas grave, dit-il pour l'autre. On va trouver un autre moyen.

Il le raccompagna jusqu'au fond de la verrière, lui serra la main, et il lui fit passer une porte au-delà de laquelle, dehors, la végétation disparaissait dans la nuit. Mikael et Joakim rejoignirent Brewal et Rourke.

– Qu'est-ce qu'il fait là, lui ?, dit Rourke en pointant Joakim du doigt.

– C'est bon, dit Mikael. Il est avec moi. Qui c'était ce gars ?

– Le contact de ta mère, répondit Brewal.

– Celui qui devait nous aider pour la photo ?

– Quelle photo ?, demanda Joakim.

Brewal lui jeta un regard de haut.

– Pourquoi tu veux savoir ? Tu cherches toujours une excuse pour jouer avec le Granit de Kenan ?

– Je veux juste vous aider.

– Si Soverinn voulait pas détruire le monde, ça te viendrait pas à l'idée.

– Eh bien... Non, puisque...

Brewal l'interrompit d'un grognement bizarre.

– Le jour où on te demandera ton aide, c'est que la situation sera vraiment désespérée.

– La photo, dit quand même Mikael, c'est une photo de l'Inneal. On pense qu'il y en a une au musée. Et qu'il y a un lien entre elle et l'Inneal lui-même, une sorte de connexion. C'est pour ça qu'on essaie de l'atteindre : on se dit que si on trouvait ce qu'est ce lien, on aurait de bonnes chances de trouver l'Inneal.

– Vous essayez de trouver l'Inneal ? Je croyais que vous vouliez juste empêcher Soverinn de l'utiliser ?

Mikael jeta un œil à Brewal.

– On peut pas arrêter Soverinn, répondit celui-ci. Il est beaucoup trop puissant. Faut trouver l'Inneal, on le détruira dès qu'on aura mis la main dessus. Soverinn pourra plus rien faire.

– On devrait foncer dans le tas, fit Rourke en tapant du poing dans sa main. On a un Granit, bon sang ! On y arriverait facilement, à cette photo.

– A moins de mettre l'île sens dessus dessous, on arriverait même pas à franchir la porte du musée. Ils nous attendent depuis la dernière fois. Ils nous attendaient déjà.

– Je vais trouver quelqu'un qui pourra y aller sans se faire repérer, dit Mikael. Ça ne devrait pas être un problème.

– Mais pour quoi faire une fois à l'intérieur ? Un gardien que tout le monde connaît, il peut sans doute nous aider, mais sinon...

– Alors qu'est-ce qu'on fait ?, demanda Rourke.

– J'en sais rien, dit Brewal en commençant à s'agacer. Il aurait fallu quelqu'un qui puisse y aller, mais avec un Granit. Sauf qu'il est hors de question que je prête le mien. Beaucoup trop dangereux.

Il y eut un silence. Joakim sentait bien où tout ça était en train d'aller et il n'était pas encore sûr qu'il en avait envie, alors il préféra se taire et se faire tout petit.

Cependant, Mikael prit un air jovial.

– Joakim a un Granit, fit-il.

Ettous les trois se retournèrent vers lui.

Le Pouvoir des ArtistesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant