L'un des Agents frottait la terre d'un petit disque brillant qu'il tenait entre ses doigts... vu d'où ils étaient, ça avait tout l'air d'être... une pièce d'or...
Joakim se sentit devenir pâle comme une crêpe sans beurre.
– Je ne comprends pas, dit Elgud. Tu ne disais pas que c'était impossible ?
C'était impossible ! Joakim retint son souffle et il tendit l'oreille.
– Vous entendez ce qu'ils disent ?
– Non.
– On est trop loin.
Ils les virent seulement examiner la pièce encore un petit moment, puis l'Agent qui la tenait la fourra dans sa poche, puis il regarda sa montre, puis ils échangèrent encore quelques mots, puis ils pointèrent leurs doigts vers les autres îles autour d'eux.
– Ils parlent des autres îles ?!
Puis ils s'éloignèrent en continuant de regarder dans tous les coins sur leur chemin.
Ils disparurent rapidement de l'autre côté de la hauteur.
Joakim se releva, suivi de Patsy et d'Elgud, ils se dirigèrent ensemble vers l'endroit où les deux Agents se tenaient un instant plus tôt.
– Peut-être que le trésor est vraiment dans les environs, dit Elgud avec une voix rêveuse.
– De nombreux témoins ont vu le bateau de Bilz couler à l'époque, et il n'y a pas de doute que son butin était à bord, dit Joakim d'un ton catégorique.
Arrivé au milieu des arbres, il remua un peu la terre du bout des pieds, il parcourut les environs.
– Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?, demanda Patsy.
– Il faut qu'on parte d'ici. Le plus vite possible.
Il commença aussitôt à retourner d'où ils venaient.
Patsy et Elgud le rattrapèrent.
– Pourquoi c'est si urgent, tout à coup ?
– C'est trop tard pour l'île où on est, se mit à expliquer Joakim. Avec ces Agents, on ne trouvera plus rien ici. Ce n'est peut-être pas si grave selon ce qu'on trouvera sur les autres, mais s'ils décident de les fouiller aussi, et s'ils tombent sur les pièces qui doivent nous aider à localiser l'épave, on n'aura plus aucun indice !
Patsy fit une mine triste.
– Ce serait trop nul.
– Mais la pièce qu'ils viennent de ramasser ?, fit Elgud d'un air paumé. Tu fais comme si ça ne changeait rien !
– On y réfléchira plus tard, dit Joakim en essayant de ne pas avoir l'air trop embarrassé.
– Mais c'est important !, insista Elgud. Imagine quelle histoire incroyable se cache peut-être derrière cette pièce !
Il s'arrêta, les retenant tous les deux avec lui.
– Et une histoire essentielle pour découvrir le trésor, si ça se trouve !
Décidément, il n'en démordrait pas.
– D'accord, très bien. Par exemple ? Quelle histoire ?
Elgud haussa les épaules. Il serra les lèvres. Il fit un petit pas sur place et il leva les yeux en l'air.
– Eh bien...
Et puis il se raidit d'un coup en ouvrant grands les yeux.
– Oh ! Je sais ! Par exemple, il pourrait y avoir un korrigan dans le coin ! Encore mieux qu'un trésor !
– Un korrigan, maintenant ?
– Ou peut-être un leprechaun. Un lutin. Un elfe. Enfin, une de ces petites créatures qui adorent l'or ! Il a trouvé le butin au fond de la mer, et il l'a ramené ici !
Il faut dire qu'Elgud nourrissait une véritable passion pour les légendes de korrigans, encore plus que pour les autres.
– Les korrigans n'existent pas, fit Joakim. On te le dit tout le temps. Allez, retournons à la barque avant que...
– Il faut qu'on le trouve, ce petit bonhomme !, le coupa Elgud. Ce serait merveilleux ! Patsy, tu pourrais le charmer avec ta flûte ?
– J'aurais bien aimé mais je ne l'ai pas prise avec moi, dit-elle prudemment.
– Elgud, il n'y a pas de korrigan, répéta Joakim. Sois raisonnable.
– Quand tu étais petit, tu croyais en voir partout.
– Mais j'ai grandi depuis ! Maintenant je sais qu'ils n'existent pas. Ni les îles qui aboient, ni les marins fantômes, ni les fées des eaux, ni les Dieux qui mangent les montagnes. Moi aussi j'aime bien les histoires, mais ce ne sont que des histoires. Le monde est en fait beaucoup plus... ordinaire. Par contre, si tu veux vivre une vie extraordinaire, une vie aussi captivante que dans tes légendes, aide-nous à trouver le trésor de Bilz. Pour de vrai ! C'est le seul moyen.
Et si Elgud n'était pas convaincu, il l'était assez pour eux deux.
Le vieux poète lui sourit gentiment.
– D'accord, fit-il, d'accord. J'ai compris, pas la peine de t'énerver. Je vais chercher ce korrigan tout seul, ne t'en fais pas.
Et il partit comme ça, au hasard, plié en deux, le regard courant dans tous les recoins.
– Petit petit petit...
Joakim le laissa s'éloigner. Il se retourna vers Patsy.
– Je m'y prends mal, fit-il en secouant la tête d'un air embêté. Il faut que je réfléchisse à comment lui faire comprendre qu'il gagnerait à nous aider.
– Il nous aide déjà, dit Patsy. C'est juste qu'il ne s'y prend pas comme il faut. Reste là, je vais le chercher. De toute façon, dès qu'il se sera souvenu qu'il y a des Brassards dans les environs, il voudra s'en aller rapidement.
Elle partit derrière Elgud.
– Avoue quand même que c'est rigolo !, lança-t-elle en s'éloignant.
Patsy, il fallait toujours qu'elle rigole et qu'elle s'amuse de tout. Joakim aurait bien aimé être capable d'en faire autant, mais pas quand il s'agissait du trésor de Bilz.
Lorsqu'elle s'en fut allée à son tour, il resta seul dans le silence retrouvé.
Même en y réfléchissant un peu, à première vue, il n'avait aucune idée de comment cette pièce avait pu se retrouver là. Est-ce que quelqu'un avait pu la perdre, tout simplement ? Ça n'avait pas sens : une poignée d'entre elles suffisait pour s'acheter une maison en bord de mer, et c'était déjà vrai à l'époque de Bilz. Qui ne reviendrait pas fouiller l'île de fond en comble pour la récupérer ?
C'était le solstice d'été, le jour le plus long de l'année : le soleil venait seulement de disparaître, laissant l'horizon immaculé derrière lui. Dans le ciel d'aquarelle, des nuages aux formes délirantes finissaient de rougeoyer, peu à peu engloutis par le gris et le soir. Au loin, le phare de Kazeg s'était allumé. Et un tintement répété émergeait du chant léger de la mer.
Comme un son de clochette timide...
VOUS LISEZ
Le Pouvoir des Artistes
ParanormalRejoignez un groupe d'artistes révolutionnaires au moment où l'art devient magique ! A bientôt vingt ans, Joakim ne croit plus aux légendes de son île Celte : en vérité, le monde est beaucoup plus ordinaire que ça. Sa seule chance de vivre une vie...