La méthode tombe à l'eau

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Joakim était assis à son bureau, une feuille sous les yeux, un crayon à la main, la bouteille avec le Granit dedans posée devant lui.

Il observait le dessin qu'il venait de terminer : un soleil semblable à celui de Patsy, ce soir-là à l'atelier. Pour changer un peu, il ajouta une mer dessous, et entre les deux des oiseaux.

Il y jeta un nouveau coup d'œil.

En gros, le soleil générait de la lumière, les traits de la mer ondulaient, les V qui représentaient les oiseaux se pliaient et se dépliaient.

Il fit la moue.

Comme ça faisait désormais partie du rituel, il posa son crayon, releva le menton et il fixa son œuvre comme Patsy avait fixé la sienne. Après trente secondes de concentration, comme d'habitude, rien ne se passa, trente secondes de plus et toujours rien si ce n'est que l'ennui s'installa, trente secondes d'ennui et il se dit que tout ça manquait de couleur. C'était peut-être juste ça le problème.

Il chercha brièvement autour de lui, et puis il alla frapper à la porte de sa sœur, il ouvrit.

– Hhhéééé !!, hurla Lizig.

Joakim fit un bond.

Elle était assise sur son lit, un livre à la main.

– Je t'ai déjà dit de ne pas faire irruption comme ça dans ma chambre !

– Qu'est-ce qui t'est arrivée ? Tu es toute bronzée !

– Ah bon ?

Elle attrapa un miroir posé en désordre sur sa table de chevet.

– Ah oui.

Sa peau était aussi brunie que si elle venait de passer deux bonnes semaines au soleil.

– Ça doit être le livre, j'imagine, dit-elle en jetant un œil sur la couverture.

Celle-ci représentait un coucher de soleil devant lequel deux silhouettes s'enlaçaient sous le titre en lettres roses : « Amours aux Caraïbes ».

– Bon, qu'est-ce que tu veux ?, demanda-t-elle aussi sec.

– J'ai besoin des crayons de couleur. Tu les as mis où ?

– Je ne les ai pas.

– Tu t'en servais l'autre fois pour tes affiches.

– Je ne vois pas de quoi tu parles. Et de toute façon même si je savais où ils sont, je ne te le dirais pas.

– Tu m'en veux encore à cause de cette histoire ?

– Je t'ai couvert auprès de maman en disant que tu avais dormi chez Patsy : tu pourrais au moins me dire où tu étais vraiment.

– Je te l'ai déjà dit : j'ai passé la nuit à la planque de l'Association.

– Tu mens !

– Bon, laisse tomber.

Joakim alla trouver sa mère pour lui demander de faire pression sur sa sœur. Comme elle eut la naïveté de croire que Lizig ne savait peut-être vraiment pas où se trouvaient les crayons de couleur, il bougonna, et comme il bougonna elle l'invita, s'il n'était pas content, à prendre de l'argent dans son portefeuille et à se rendre en ville pour en acheter des nouveaux.

Donc Joakim emprunta l'argent à contre cœur, et il partit aussi vite que possible pour ne pas laisser à sa mère l'occasion de lui demander de faire d'autres emplettes au passage.

– Tu devrais sortir moins, dit-elle seulement avant qu'il franchît la porte. Ce n'est pas prudent de passer autant de temps dehors avec ce qui se passe.

Le Pouvoir des ArtistesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant