Rencontre inopportune

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Joakim passa quand même devant. Patsy et Elgud le suivirent à travers la petite plage où ils venaient de s'échouer, en direction d'un chemin cahoteux dessiné à travers les fougères et les bruyères.

Peu à peu, le soleil devenait gros et orange comme un rocher couvert de lichen. Joakim se retournait par moment vers son vieil ami : il cheminait avec entrain, l'air toujours aussi content.

– Elgud, je t'avoue que tu m'inquiètes un peu : j'ai l'impression que tu n'as compris qu'on n'est pas venu ici pour chercher les aventures.

– Qu'est-ce que tu racontes ? Et votre trésor légendaire, alors ? Ce serait quand même formidable si on le trouvait sur cette île !

– Mais le butin de Bilz de Kerouez n'est pas une légende.

– Bien sûr que si !, fit Elgud.

Il reprit son emphase.

– La légende du voleur Bilz de Kerouez, intrépide et rusé comme un marsouin, qui a coulé avec sa fortune en essayant de fuir les autorités !

– Ce que je veux dire, c'est que c'est vraiment arrivé. Il y a des livres d'Histoire qui en parlent et tout un tas d'archives sur le sujet. Et pour ce qui est de trouver le trésor, ce ne sera pas pour aujourd'hui : il est au fond de la mer, puisque Bilz a coulé avec.

– Ah oui, fit Elgud en hochant la tête. Evidemment.

Il hésita une seconde.

– Alors pourquoi on est là, déjà ?

Tandis que leur chemin continuait de zigzaguer à travers l'île, Joakim se mit une nouvelle fois à lui expliquer la méthode qu'il avait mise au point pour retrouver l'emplacement de l'épave de Bilz, en insistant bien sur combien elle serait forcément efficace s'ils l'appliquaient rigoureusement.

Premièrement, il avait analysé les emplacements des pièces d'or qui avaient été retrouvées sur les côtes de l'île de Kembac. C'était d'autant plus facile que, comme il jugeait souvent utile de le rappeler, c'était lui qui en avait découvert la plupart.

Deuxièmement, il avait étudié les courants, les marées et les fonds marins des environs.

Troisièmement, grâce à ces informations, il avait déterminé plusieurs zones où l'épave était susceptible de se trouver.

Il ne leur restait plus – quatrièmement – qu'à confirmer l'une de ces hypothèses : selon celle qui serait correcte, ils découvriraient de nouvelles pièces à certains points précis de certaines îles de l'archipel du Traor. Après ça, il ne lui faudrait pas plus de quelques jours pour terminer ses calculs et en déduire, enfin, la localisation du butin de Bilz...

– Pour être honnête, l'interrompit Elgud, tout ça m'a l'air un peu ennuyeux. Je sais que si quelqu'un peut mettre la main sur le butin de Bilz, c'est bien toi. Mais pourquoi tu t'embêtes avec toutes ces études et ces analyses ? Tu ne dis pas tout le temps que tu veux vivre une vie exceptionnelle ? Comment tu dis, déjà ? « Vivre au maximum » ?

– Si, et c'est justement pour ça que je veux trouver ce trésor, répondit Joakim. Et c'est pour trouver ce trésor que je dois faire ces études et ces analyses, comme tu dis.

– D'accord, mais à la place, pourquoi on ne demanderait pas plutôt de l'aide à des marins fantômes ?

Joakim essaya de deviner s'il était sérieux ou s'il plaisantait. C'était impossible à dire.

– Les marins fantômes n'existent pas, fit-il au cas où.

– Pourtant on dit qu'il y en a des centaines par ici, prisonniers des flots depuis qu'ils ont fait naufrage. Ils savent forcément quelque chose !

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