En franchissant la porte de la maison, Joakim entendit Lizig et Elgud qui parlaient à l'étage.
– Refais-le !, s'enthousiasmait sa sœur.
Joakim retira ses chaussures à la hâte.
– Ce n'est pas une bonne idée de le faire trop souvent, répondait Elgud. Ça va finir par ne plus marcher. Je vais en faire un autre.
Leurs voix tombaient du plafond, à moitié étouffées. Joakim fonça vers l'escalier, gardant son gros manteau et son bonnet.
– Non, refait celui-là ! Et on arrête si on voit que l'effet s'atténue. Allez, encore une fois !
Il monta les marches quatre à quatre.
– Bon, d'accord...
Et il poussa la porte de la chambre de Lizig sans prendre le temps de frapper.
Mais il s'immobilisa sur le seuil.
Elgud commençait à réciter, au-delà de la porte il n'y avait plus de chambre. Seulement le mobilier posé bizarrement au milieu d'une plaine infinie brûlée par le soleil. Lizig et Elgud étaient assis sur le lit, sa sœur ne le vit pas apparaître, Elgud n'y fit pas attention. Les herbes jaunes autour d'eux étaient en train de se courber en formant des entrelacs qui se propageaient partout à la fois.
« Dans un bleu de bleuet, un paquet de fumée
Se traîne à travers l'air d'un grand désert d'acier.
Il s'en va, lentement, tache sombre et diaphane,
Comme des éléphants traversent la savane. »
Au loin, des nuages qui ressemblaient justement à un troupeau de pachydermes parcouraient l'étendue. D'autres nuages au-dessus, ceux-là vifs de couleurs, s'étiraient vers l'horizon.
« Derrière mousse un tas de gros cotons de cendre.
Devant, ils ont le dos pourpre et le ventre d'ambre.
Et ils se tiennent tous tournés vers un feu d'or
Dans un champ d'hibiscus que le soir fait éclore. »
La nuit commençait à imbiber le ciel, le bleu clair devenait rose. Joakim remonta son bonnet sur son front. Il sentait la douce chaleur du soir le baigner. Une odeur de fleur sauvage lui remplissait les narines.
« Il y a de la cérémonie dans ce ciel.
La nuit y tombe comme en nuée de sauterelles :
De vastes indigos dévorant l'herbe rousse.
Les couleurs semblent rendre hommage à leur soleil
Par des joyaux lapis et des cuivres vermeils,
Tandis que s'éteignent ces lumières de brousse. »
Et puis, Elgud ayant terminé de dire son poème, les lumières autour d'eux se dissipèrent et la chambre reparut. Joakim titubait, un peu pris de vertige. Sa sœur se remettait lentement.
– Joakim !, fit-elle en le découvrant dans la chambre. Tu as vu ça ? Je suis sûre qu'on peut s'en servir pour libérer Mikael ! Ça pourrait faire diversion le temps qu'on passe par le puits de la Maison Proconsulaire.
– Par le puits ?
– Oui, il est sec depuis toujours, je suis sûre qu'on peut rentrer par là !
Joakim secoua la tête.
– On a plus urgent.
Et il jeta le message de Brewal dans les mains d'Elgud. Celui-ci le lut rapidement.
– Le parc d'Ynys. Oui, oui, bien sûr. Je m'en occupe, je te l'ai déjà dit.
– Oui, tu me l'as déjà dit. Est-ce que tu as appris quelque chose ?
– Non, pas encore. Je n'ai pas eu le temps d'y aller. Mais ça ne saurait tarder.
– Vraiment ? Ce sera bon quand Brewal reviendra ?
– Sûrement, oui... Probablement. Enfin, peut-être, je veux dire, j'imagine, on ne sait jamais.
– Tu ne t'en occupe pas du tout, pas vrai ?
Elgud retira son béret, haussa les épaules, se gratta la tête, remit son béret.
– Je vais y aller. Je t'ai dit que j'irai, j'irai. Dès que je serai prêt, j'irai.
Joakim le scruta une seconde.
Et puis il s'en retourna, résolu.
– C'est bon. J'y vais tout seul. Par contre, finie l'inspiration pour toi.
Il alla dans sa chambre, ramassa le Granit dans le tiroir de sa table de nuit. Elgud le suivait.
– Mais puisque je te dis que je vais y aller ! En plus Brewal t'a ordonné de faire ce que je dis. Et il t'a dit de faire attention au Granit, tu ne dois pas sortir avec !
Joakim l'esquiva pour ressortir de sa chambre et il descendit l'escalier.
– Je ne vais pas attendre que tu te décides, pendant que le Proconsul nous jette en prison les uns après les autres ou que Soverinn trouve l'Inneal et détruit le monde avec.
Il parlait encore quand il atteignit les dernières marches, sans se soucier qu'on l'écoutât ou non.
Il sortit de la maisonet il fila droit vers le parc.
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Le Pouvoir des Artistes
ParanormalRejoignez un groupe d'artistes révolutionnaires au moment où l'art devient magique ! A bientôt vingt ans, Joakim ne croit plus aux légendes de son île Celte : en vérité, le monde est beaucoup plus ordinaire que ça. Sa seule chance de vivre une vie...