Le Pouvoir des Artistes

Le trésor de Bilz de Kerouez

Quelques heures plus tard, la nuit était tombée et Joakim attendait Patsy sur cette même place, à quelques pas de ce même puits.

Il faisait noir, l'ombre remplissait le recoin où il se dissimulait, le cachant aux lueurs des réverbères. En plus de ça, un brouillard imbibait l'endroit. Joakim avait l'impression de se trouver à l'intérieur d'un nuage. Il observait de loin la silhouette d'Ezekiel Bilz Roz Bud de Kerouez, qui remuait un peu sur place à cause de la proximité du Granit.

Patsy ne tarda pas.

– Je suis tellement heureuse !, dit-elle en arrivant.

– Ça allait faire longtemps que je ne t'avais pas entendu dire ça.

– Parce que c'est quand même stressant, toutes ces histoires de monde menacé de destruction.

Joakim jeta un œil à sa montre.

– On pensera à ça plus tard. Tu n'as pas eu de problème avec les patrouilles ?

– Non. J'ai eu de la chance.

– Je suis venu en avance pour vérifier qu'on ne risquait rien. La Maison Proconsulaire était fermée depuis un moment, mais il y avait des Brassards qui patrouillaient quand je suis arrivé. Ils repassent tous les quarts d'heure environ. Ils viennent de repartir, il va falloir faire vite.

Après avoir jeté un dernier coup d'œil autour d'eux – « Allons-y » –, ils sortirent de leur recoin et filèrent vers le puits. Ici, ils s'assirent par terre, Joakim retira le sac qu'il avait sur le dos pour en sortir une longue corde à nœuds enroulée et des feuilles de papier pliées en deux. Pendant ce temps-là, Patsy sortait du sien deux bouteilles en plastique...

– Tu as pensé au scotch ?

... et un rouleau de scotch. Joakim se releva pour aller nouer la corde autour d'un arbre tout proche du puits, pendant que Patsy soulevait la lourde planche de bois qui en recouvrait l'entrée. Joakim jeta vite l'extrémité libre de la corde au fond du trou, puis il aida son amie à déposer la planche par terre.

Patsy attrapa alors une des feuilles que Joakim avait apportées et elle la déplia prudemment. Au centre du papier, des dessins de flammes jaunes et rouges s'agitèrent aussitôt en projetant leurs lumières autour d'eux. Aussi vite qu'elle put, elle scotcha le dessin sur une des bouteilles en plastique. Elle fit de même avec l'autre.

– Dépêche-toi, la pressait Joakim en les jetant dans le puits au fur et à mesure.

Elles tombaient en heurtant le fond avec un son creux. Joakim jeta un œil dans le trou : il n'en voyait pas le bout, seulement des teintes jaunes et des ombres qui dansaient sur les parois.

– Tu crois que le butin est toujours là ?, douta-t-il une seconde. Bilz a eu largement le temps de le dépenser...

– On verra bien, fit Patsy en haussant les épaules. Pousse-toi.

Elle glissa ses cheveux sous son manteau puis elle monta sur le rebord du puits, à l'endroit où la corde plongeait dedans. Joakim la regarda se retourner, s'accroupir pour agripper la corde des deux mains. Puis commencer à descendre lentement à reculons. Il se pencha à nouveau par-dessus bord pour l'observer, il cogna au passage contre leurs sacs à dos posés au pied du puits. Il les ramassa et alla les cacher sous l'arbre autour duquel il avait accroché la corde.

Finalement, il resta là en attendant que Patsy eût fini sa descente.

Il se mit à sonder la place. Elle était toujours vide et silencieuse. Il se sentait des fourmillements étranges dans le ventre. C'était vraiment en train d'arriver. Ils y étaient enfin arrivés.