Au milieu de la nuit

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Mais au milieu de la nuit qui précédait justement le jour de la Sainte Anna, tandis que Joakim devait dormir tranquillement, il se retrouva soudainement réveillé en sursaut. Un vent impossible soufflait dans sa chambre ! Il agitait ses rideaux, secouait ses plantes d'intérieur comme une tempête !

Il se redressa assis dans son lit.

Un fracassement de trompettes se mit alors à lui sonner dans les oreilles, il pressa ses mains dessus mais ça n'y fit rien. L'air chaud qui le violentait s'emplit d'un parfum mélangé d'iode et de minéral, en même temps un goût étrange lui vint en bouche, changeant sans cesse, du sucré à l'aigre au salé à l'acide...

Il se jeta sur sa lampe de chevet, l'alluma.

Tout était normal. Les trompettes, le vent, les odeurs, les goûts : plus rien.

Qu'est-ce que c'était que ça ?!!

Joakim était secoué, il avait l'impression qu'il venait tout juste d'échapper à la noyade. Il attendit un peu qu'il se passât quelque chose, haletant, n'osant plus bouger. Il avait chaud et froid à la fois, sa bouche était devenue pâteuse et un bourdonnement sourd persistait dans ses tympans.

Au bout d'un moment, comme sa chambre demeurait bizarrement normale, il se leva, toujours déboussolé. Il descendit au rez-de-chaussée, chancelant, il alla se servir un grand verre d'eau dans la cuisine. Son chat vint se frotter contre ses jambes en miaulant.

– Tu as vu ça aussi, Hanternoz ?

Hanternoz ne répondit rien, il retourna plutôt s'étendre sur le canapé en donnant l'air de ne pas s'intéresser à la question. Joakim but son verre d'eau d'une traite, la main tremblante.

Ni sa mère ni sa sœur ne descendaient.

C'était comme si rien ne s'était passé.

Il remonta se coucher, il se mit au lit, il éteignit sa lampe. Qu'il ralluma tout de suite : une lumière bleutée émergeait du tiroir de sa table de chevet. Il l'ouvrit d'un coup : à travers la bouteille de verre, le caillou avait l'air d'émettre de faibles radiations verdâtres, comme s'il avait été fluorescent. Joakim voulut attraper la bouteille mais elle était brûlante, il la relâcha immédiatement.

« OUILLE »

...

Sauf qu'en y regardant à nouveau, la pierre n'était qu'une pierre, qui n'émettait aucune lumière bleue et n'émettait aucune lumière verte.

Pendant une seconde, Joakim crut pouvoir en déduire qu'il était en train de perdre l'esprit. Il posa un doigt prudent sur le verre : il était aussi froid qu'il était censé l'être.

Il claqua le tiroir brutalement, éteignit sa lampe à nouveau et se laissa retomber dans son lit. Il resta immobile à fixer le plafond les yeux grands ouverts. Et il fut absolument incapable de les refermer jusqu'au petit matin.

Finalement, la pénombre de sa chambre s'éclaircit peu à peu, et quand les aiguilles de son réveil indiquèrent 09:00, il se tira de son lit et descendit à la cuisine d'un pas lourd. Ce qui s'était passé dans la nuit n'était qu'un rêve, évidemment. En revanche, il n'avait jamais fait un rêve aussi réaliste. Il retrouva sa sœur et sa mère, chacune assise devant son petit déjeuner.

– Mais c'est pour ça que l'Association se bat !, disait Lizig, déjà bien remontée à cette heure du matin. A cause de la politique de la Grande Nation, on n'est plus libre de rien faire !

– Il ne faut pas exagérer, répondait sa mère. La Grande Nation n'est pas si terrible, il y a bien pire ailleurs. Et pour ce qui est de l'Association, ce n'est qu'une bande de criminels : j'espère que tu ne traînes pas avec eux.

Joakim se remplit un verre de lait ribot et un bol de céréales aux algues, il s'installa à table avec elles et il commença à manger.

Dès la première bouchée, il trouva que ses céréales avaient un goût bizarre. Enfin, pas vraiment bizarre, mais, disons, inhabituel. Il avait l'impression qu'il n'en avait plus mangé des comme ça depuis des années.

En y jetant un œil, il s'aperçut que la tête du personnage normalement dessiné dans le fond de son bol en émergeait. Ça aussi, c'était inhabituel. Avec son costume brodé et son chapeau mal mis, le dessin flottait sur le bord de la porcelaine comme s'il avait été en train de se baigner dedans. Il tira la langue à Joakim assez méchamment, puis il plongea dans les flocons, qui remuèrent un peu sous son mouvement.

– TU AS FAIS QUOI ?!

Joakim sursauta – sa mère venait de laisser tomber sa cuillère dans son assiette. Elle toisait Lizig d'un regard de feu, le visage cramoisi.

Le Pouvoir des ArtistesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant