Lancer des bouteilles à la mer

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Joakim et Elgud le rejoignirent, passant devant Biddy, occupée à travailler de l'argile. Brewal leur passa chacun cinq ou six petites bouteilles, autant qu'ils pouvaient en porter. Puis, il prit pour lui-même celles qui restaient, et il sortit, Joakim et Elgud le suivirent dehors. Ils se dirigèrent ensemble vers la berge un peu plus loin devant l'atelier.

Brewal boitait d'un pas lourd.

– Rourke est encore au pub, Biddy fabrique des oiseaux, je sais pas où est Shona et ça fait deux jours que j'ai pas vu Mikael.

Il se retourna vers Joakim, le regard sombre.

– J'ai cru comprendre que ta sœur n'y était pas pour rien !

– Ce n'est pas ma faute. Ma mère aussi me le reproche. Elle arrive même à m'en vouloir parce qu'elle risque de ne pas être là pour fêter mon anniversaire.

– C'est quand, ton anniversaire ?

– Aujourd'hui.

Brewal lui jeta un nouveau coup d'œil et grogna quelque chose.

– Joyeux anniversaire, fit Elgud en lui offrant son plus beau damier de sourire.

Ils rattrapèrent rapidement un sentier qui serpentait le long de la rive. Ils longèrent des carcasses de bateaux à moitié enfouies dans le sable. Les petites bouteilles dans leurs bras s'entrechoquaient avec un bruit de grelot, sans y penser Joakim s'était mis à fredonner le refrain des marins dans le livre. Il repensait à leurs bras chargés comme les siens, aux caisses qu'ils transportaient. Il repensait à la lettre B gravée dessus et il repensait au butin de Bilz...

– Où en êtes-vous dans la recherche de l'Inneal ?, dit Elgud. Brewal, tu disais avoir une idée, il me semble ?

Brewal grogna.

– Ça s'est pas vraiment passé comme j'espérais...

Ils marchèrent encore un peu sans un mot de plus.

– C'est-à-dire ?

Brewal grogna encore.

– Avec Rourke, chacun de notre côté, on a été interroger les fleuristes de Plouanna. Savoir s'ils avaient des retours de clients à propos de plantes brûlées. C'était ça l'idée. L'un d'eux m'a dit que oui, quelqu'un était revenu le voir pour se plaindre. Un bouquet qu'il venait de lui acheter, pourri en quelques secondes sous ses yeux.

Leur chemin croisa quelques arbres, leurs feuilles jaunes et sèches tapissaient le sol et bruissaient sous leurs pieds comme du papier qu'on froisse.

– J'ai pris l'adresse, continuait Brewal, j'allais m'y rendre quand j'ai croisé Rourke. Il avait eu la même info de son côté... Sauf que pour lui, c'était pas la même personne, et les deux endroits étaient à deux extrémités de la ville. Bizarre. Mais on s'est dit, après tout, on n'est pas sûr d'à quoi ressemble vraiment l'Inneal. D'après la description de la brochure du musée, c'est une espèce de toupie. D'accord. Mais cette toupie, c'est peut-être qu'un morceau parmi plein d'autres. Peut-être que l'Inneal est démonté et qu'il y en a des bouts un peu partout en ville. Ou peut-être que c'est que la partie visible de quelque chose de beaucoup plus grand enterré sous nos pieds, qui aurait émergé à ces deux adresses différentes.

Ils quittèrent le sentier et descendirent sur un bout de rocher noir couvert d'algues et de crustacés. Au-dessus d'eux, le soleil avait changé le ciel en argent. Le temps avait l'air étrangement suspendu à quelque chose.

Brewal déposa ses bouteilles sur le récif, Joakim et Elgud l'imitèrent.

– On a été chez ces gens et on a fini par comprendre. En fait, ils avaient tous visité le musée. Ils en étaient revenus avec une brochure : c'était elles qui fanaient leurs plantes.

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