Chapitre 5,5

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Depuis le quai des navires de plaisance, Luna gardait les jumelles rivées sur la trajectoire du Moonlight. Brian attendait derrière elle, le regard tourné dans la même direction. Ils s'inquiétaient du sort de leurs camarades, apparemment toujours à bord du ferry qui venait de disparaitre de leur champ de vision. Brian consulta nerveusement sa montre. L'idée d'appeler le QG et d'informer leurs contrôleurs de la situation se faisait de plus en plus pressante, même si cela signifiait admettre son incapacité à gérer la situation en tant que Leader.

― Je me demande bien ce qu'ils fabriquent, dit Luna en se retournant vers lui. Tu as essayé de les joindre aussi ?
― Impossible. Ils sont hors de portée des ondes depuis un moment.
Luna baissa ses jumelles et écarta quelques mèches rousses plaquées par le vent sur son visage.
― Ce n’est pas normal, ça va faire une demi-heure qu'ils ont trouvé notre objectif, s’inquiéta-t-elle. Ils auraient déjà dû être là. Tu crois qu'on devrait appeler la permanence ?

Brian y songeait sérieusement. Ses coéquipiers avaient peut-être rencontré un empêchement de taille. Il n’en était pas certain, mais il lui avait semblé entendre comme de lointains coups de feu. Et son sens de l’ouïe, plus accru que la normale, le trompait rarement. Il angoissait à l’idée que ses coéquipiers étaient peut-être en danger. Et s’il avait commis une erreur en permettant à Yoey de monter à bord ?

― On a plus vraiment le choix, décida-t-il. Si on tarde trop longtemps et qu'ils disparaissent des radars, même le Bureau pourrait avoir du mal à les retrouver.

Il sortit son téléphone portable et composa un numero.

― Attend un peu, l’arrêta Luna. Je vois quelque chose.

Elle réajusta le zoom avant des jumelles et regarda attentivement un point sombre sur la surface.

― C'est bien eux ! confirma-t-elle. Et on dirait qu'ils ont réussi à mettre la main sur un canot à moteur.

Quelques minutes plus tard, le hors-bord transportant les trois agents et leur protégé accosta au quai. Brian et Luna les aidèrent à se hisser sur la plateforme de bois. Yoey y arriva difficilement, grimaçant de douleur, et se coucha sur le flanc gauche.

― Les enfoirés...
― Je sais que ça ne va pas très fort mais surveille ton langage, le recadra Mayumi en se hissant sur le quai à son tour.
― J’aimerais bien t’y voir. Ça fait un mal de chien, pesta-t-il, sous le regard interrogateur de Brian et Luna.
― Luna, vérifie sous son gilet s’il est blessé, indiqua Mayumi.
― Qu’est-ce qu’il a ? demanda-t-elle en s’abaissant au niveau de son coéquipier.
― Il s’est pris une balle en nous couvrant.
― Quoi ? s’écria Brian sur un ton paniqué.

La Secouriste souleva le T-shirt de Yoey et commença à défaire le velcro du gilet pare-balles qui lui recouvrait le haut de son corps. Conçu en fibres de titane, cet équipement était destiné à empêcher la pénétration des balles et des armes blanches. A quelques exceptions près en fonction de la puissance de l’arme ou de la distance de tir. Le gilet ouvert, Luna découvrit le dos de Yoey et remarqua immédiatement une grosse ecchymose sur le flanc droit. Elle se pencha pour l’observer de plus près.

― Le gilet a fait son travail, c’est déjà ça, lâcha-t-elle, détendant aussitôt l’atmosphère. Par contre, je crois que tu es quitte pour une côte fêlée. Tu as mal autre part ? Des difficultés à respirer ?
― Non et non, répondit le Défenseur tandis que Luna vérifiait le blanc de ses yeux et les extrémités de ses doigts, à la recherche des signes éventuels d’une hémorragie interne.

Elle sortit un baume cicatrisant de son sac, en appliqua une couche par-dessus la blessure en massant légèrement puis referma le gilet.

― Ça devrait faire l’affaire le temps qu’on soit rentrés.
― Merci.
― Vous arrivez de justesse, informa Brian. Encore un peu et j’alertais le QG pour rien.
― Pardon de vous avoir inquiétés, dit Lucas en se hissant sur la plateforme. Comme vous vous en doutez, on a eu quelques complications.
― Dépêchons-nous de quitter cet endroit, dit Yoey en titubant vers la terre ferme. Si les types du ferry ont pu prévenir des complices et qu'ils les envoient ici, ils peuvent toujours récupérer la cible, nous en bonus.

Ils rejoignirent la sortie du terminal d'un pas rapide. Autour d'eux, le port s'animait peu à peu. Des ouvriers de plus en plus nombreux reprenaient leurs activités.

Dès que le groupe atteignit la route, le van qui les avait conduits à destination s'arrêta à leur niveau et ouvrit ses portières. Mayumi s'installa à l'arrière, posa Roka sur ses genoux et boucla sa ceinture, bientôt imitée par ses coéquipiers. Yoey s'installa sur le siège passager avant et le véhicule repris aussitôt la route. Leur conducteur, un trentenaire vêtu d'un uniforme bleu marine, affichait un sourire nerveux.

― Bienvenue à bord les enfants ! fit-t-il sur un ton presque enjoué. Quelque chose à signaler ? Personne n'a rien qui demande qu'on s'arrête à l'hôpital le plus proche ? Y-a-t-il des tueurs armés jusqu'aux dents à nos trousses ? Si le port doit exploser d'une seconde à l'autre, j'aimerais autant le savoir.
― On voit que vous avez l'habitude du terrain, sourit Lucas, amusé par la paranoïa du chauffeur.
— Quand on transporte des agents, il faut littéralement s'attendre à tout. Surtout lorsqu'ils arrivent en courant, et j'en sais quelque chose, dit-il en s'épongeant le front d'un mouchoir blanc. Si ce n'est pas classé secret défense, dites-moi au moins qui est ce garçon ?
— Un écolier tout à fait ordinaire que nous devons mettre en lieu sûr, répondit Mayumi en posant la nuque du garçon contre son épaule. Et nous ne sommes pas suivis. Pour l'instant, en tout cas.
― Le petit m’a l’air épuisé par les évènements, remarqua Lucas en voyant le garçon somnoler.
― Il vient de vivre une expérience traumatisante, le pauvre, sourit Luna en écartant une mèche de cheveux du front de Roka. C'est plutôt bon signe s'il s'en remet déjà, non ?
— J'ai hâte de rentrer pour reprendre mes rêves là où je les ai quittés, bailla Yoey en croisant les bras sur son torse. Après un passage à l’infirmerie, c’est évident.
— Reste tout de même vigilant, lui rappela Brian. Une mission n'est véritablement terminée que lorsqu'on a regagné l'enceinte du Bureau et qu'on a rendu notre rapport. D'ici là, nous ne sommes pas vraiment à l'abri. Absolument n'importe quoi peut encore arriver.
— Je sais, soupira le Défenseur.
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High Spies - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant