Chapitre 27

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Yoan Suzuki claqua la porte de son bureau et longea d'un pas rapide le corridor desservant les locaux du deuxième étage. Enfin déconnecté des tâches administratives qu'il effectuait depuis six heures d'affilée, il respira profondément et entrepris de faire le point dans son esprit. Il avait conscience que son poste au sein des services secrets du NSIS sur le territoire japonais le prédisposait à affronter tôt ou tard l'éventualité d'une crise provoquée par le décès d'un agent. Toutefois, bien qu'il s'y soit préparé mentalement, la réalité lui semblait bien plus éprouvante qu'il ne l'avait imaginé.

La formation d'un agent de terrain, qui plus est d'un chef d'équipe, s'avérait très couteuse en matière de ressources et d'investissements. La perte d’un Leader major à haut potentiel, en plein cursus, si près de grade senior et sur qui reposait tant d’espoirs revêtait pour le NSIS le même caractère tragique que la perte d’un enfant par ses parents. Outre la grosse perte que représentait un cas de ce genre, Yoan aurait pu craindre les répercussions politiques de l'évènement si celui-ci était survenu dans le cadre d'une mission commanditée par le QG. Ou devoir disculper le NSIS auprès de la famille du Leader, s’il en avait possédé une. En dépit de tous les désavantages suscités par cet évènement tragique, Yoan s'estimait encore heureux de n’être en présence d’aucun de ces cas de figure. La perspective d'être confronté aux pontes du gouvernement afin de remettre en cause la responsabilité du Bureau - et donc la sienne - dans ce décès n'aurait été guère réjouissante.

Yoan arriva devant la salle de contrôle et glissa sa carte dans le lecteur, sans résultat. Constatant avec étonnement que le système de verrouillage électronique était en panne, il poussa néanmoins la lourde porte blindée qui le séparait de l’intérieur.

Une quinzaine d'ingénieurs et d'agents seniors, dont trois membres du Comité d'Enquête, étaient installés de part et d'autre de la pièce. Celle-ci était éclairée par la seule lumière bleue des écrans muraux, des ordinateurs et des signaux lumineux émis par les machines qui occupaient les tables et plus de la moitié des parois de la salle. Yoan enjamba les câbles de multiples épaisseurs qui couraient au sol et rejoignit les agents du Comité d’Enquête dans un compartiment au fond de la salle.

— Vous avez pu le joindre ? demanda-t-il.
— C'est lui qui a rappelé, répondit l'un des ingénieurs en lui tendant un téléphone sans fil. Il refuse l’appel vidéo mais accepte de vous parler.

Yoan saisit le combiné et le porta à son oreille.

— Monsieur Willis...
— Salut dirlo ! répondit une voix enjouée. Ça fait plaisir de vous entendre. Vous tenez bien le coup sans moi ?
— On ne peut pas dire que vous soyez la personne la plus joignable, Carron, continua Yoan, imperturbable. Pouvez-vous me dire où vous êtes en ce moment ?

Carron ricana.

— En Angleterre, évidemment ! Je suis d’humeur à faire un peu de tourisme dans la région. Mais si vous avez si hâte que ça de me savoir chez moi, je reprends l'avion pour Aberdeen demain.
— Content pour vous. Si je vous ai fait appeler, c'est parce que nous devons parler sérieusement.
— Bon écoutez, vos collabos n'arrêtent pas de me harceler depuis l'incident du piratage, fit Carron avec ennui. Je vous ai pourtant déjà expliqué mes raisons. Vous n'avez plus à garder des informations sur moi puisque je ne travaille plus pour vous. Je sais que vous pourriez être tenté de vous en servir mais je tenais à effacer le maximum de traces de ma collaboration avec le Bureau, vie privée oblige.
— Rien ne vous obligeais à un tel acte. Vous n’avez tout à coup plus confiance en la capacité du NSIS à garder vos informations personnelles secrètes ? Voilà qui est étrange. A moins que cette manœuvre ne vise en fait qu’à assurer vos arrières au cas où vous seriez un jour aux prises avec la justice. Ce qui m'amène à douter de votre bonne foi. Il semble plus probable que vous ayez réalisé ce piratage dans le seul but de vous rendre invisible de nos services dans l’hypothèse où vous seriez recherché pour répondre de je ne sais quel délit. Les raisons qui vous ont motivé à nous quitter ne sont toujours pas claires. Et après ce piratage, je suis en bon droit de me questionner sur ce que vous avez décidé de faire de si inavouable dans votre nouvelle vie.

High Spies - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant