Lucas traversa le salon obscur sur la pointe des pieds et alla ouvrir à Yoey, qui l’attendait devant la porte de l’appartement.
— Je viens chercher mon kit de déverrouillage perso et j’y retourne, dit ce dernier en franchissant le seuil. C’était vraiment bête de ne pas l’avoir emporté dès le début. On comptait trop sur la carte d'accès de Brian, mais elle n'a servi à rien au final.
— Fais moins de bruit ou tu vas alerter les filles, chuchota Lucas.
— Désolé, murmura-t-il. Il y a du nouveau ?
— Quelqu’un s’est encore pointé dans la salle de contrôle, répondit Lucas en regagnant le couloir, suivi du Défenseur.
— Qui ça ?
Ils retournèrent dans la chambre du Hacker.
— Je n’arrive pas à voir son visage. Il a une capuche et il porte un masque chirurgical, comme s’il était enrhumé. Mais ça m’a tout l’air d’un autre agent qui a eu la même idée que nous.
— Lui aussi cherche à avoir des détails sur l’enquête ?
— Ce qui est sûr, c’est qu’il s’intéresse au contenu du coffre-fort situé au-dessus des bureaux du Comité d’Enquête. Je me demande ce qu’il contient, je ne suis pas arrivé à voir ce qu’il a piqué.
Lucas s’installa devant l’ordinateur portable resté ouvert sur son bureau. Les images en direct de la salle où se trouvait Brian occupaient tout l’écran. L’intrus qu’il peinait à identifier se tenait à présent en face de Brian. Lucas remis son casque sur ses oreilles, réactiva le micro de l’oreillette et écouta leur échange.
— … tu m’as fait peur, fit la voix soulagée de Brian.
— J’étais sûr qu’il y avait quelqu’un, répondit l’inconnu sur un ton blasé, la voix enrouée. Quelqu’un qui m’as vu farfouiller dans le coffre du Comité, qui pouvait me balancer ou me faire chanter à tout moment, et que je n’avais pas encore identifié. Je n’allais pas te laisser partir alors que tu avais cet avantage sur moi.
Sa voix sembla familière à Lucas, mais il chercha vainement à y associer un visage.
— Eh bien, c’est réglé, nous sommes quittes et dans le même bateau, fit Brian en signe de reddition. Au fait, qu’est-ce que tu faisais là ?
— Tu étais là en premier, tu me réponds avant.
Le Leader poussa un soupir.
— C’est une longue histoire.
— Alors, en résumé ?
— Je veux découvrir pourquoi Kurt a été éliminé et qui l’a fait. Je ne supporte pas qu’on nous cache la vérité et j’ai besoin des rapports de l’enquête préliminaire pour mener mes propres recherches. Et puisque c’est le Comité d’Enquête qui les a…
Lucas se sentit soulagé que Brian n’ait pas révélé son implication, ni celle de Yoey. Même si l’inconnu le demandait par simple curiosité, il ne tenait pas à ce que leur intérêt pour l’affaire s’ébruite au risque de remonter aux oreilles de la direction. Un vague sentiment de culpabilité l’envahit en réalisant qu’il obligeait leur chef d’équipe à s’exposer plus qu’il ne le devrait. En fin de compte, c’était Brian qui prenait tous les risques.
— L’affaire Weber, vraiment ? Tu as un intérêt personnel à vouloir t’impliquer là-dedans, je suppose ?
— On peut dire ça, oui. Et toi, qu’est-ce que tu es venu faire ?
— Tu n’en as vraiment aucune idée ?
— Je ne te demanderais pas, sinon.
L’adolescent sembla s’accorder quelques secondes de réflexion.
— Ce sera peut-être difficile à croire. Tout ce que je peux te dire, c’est que j’ai parié avec mon équipe au sujet du contrôle de cet après-midi et que je devais absolument jeter un œil aux corrigés contenus dans ce coffre.
— Tu peux bien attendre la sortie des notes, non ?
— Il serait trop tard.
— Trop tard pour quoi ?
— Désolé, mais je ne peux vraiment pas t’en dire plus, coupa l’inconnu. Les raisons qui m’ont emmené ici ont déjà l’air plus graves que les tiennes et je n’ai aucune envie de m’enfoncer.
L’inconnu retint un éternuement.
— En parlant de ça, on ne devrait pas s’éterniser. Tu viens ?
— J’ai un petit détail à régler avant, dit l’autre en migrant vers le fond de la salle. Tu peux me devancer, si tu veux.
Lucas ôta son casque et étouffa un long bâillement. L’horloge de l’ordinateur indiquait minuit moins le quart. Il avait prévu de s’entrainer le lendemain dès la première heure et aurait dû être couché depuis trois heures. Il décida d’aller au lit. La situation semblait sous contrôle et Brian ne tarderait pas à les rejoindre avec les dossiers du Comité copiés sur la clé. Il n’était plus nécessaire de surveiller ses arrières.
Lucas leva la tête et vit Yoey qui attendait dans l’encadrement de la porte.
— Tu n’as plus à aller lui ouvrir. Le type de tout à l’heure a fini par le trouver. Ils vont quitter les lieux ensemble.
— Je me le disais aussi. J’imagine bien que tu n’as pas remis ton casque pour l’entendre se plaindre d’avoir été à nouveau enfermé.
Lucas bailla de nouveau.
— On en a terminé, Suzuki, annonça-t-il. Je te remercie pour ton assistance. Je te revaudrai ça.
— On trouvera bien un moyen de s’arranger, sourit Yoey avec malice. Je te préviens, si le Comité découvre tout ça et te demande si j’ai été de la partie, je dormais comme tous les autres, ok ?
— Évidemment, sourit Lucas. Allez, on a assez veillé comme ça. J’ai laissé la porte ouverte pour que Brian puisse rentrer. Tu peux aller dormir, pour de vrai.
— C’est ça, à demain, dit-il avant de s’éloigner.
Lucas fut sur le point de quitter la vidéo-surveillance et d’éteindre son PC lorsqu’un mouvement sur les images attira son attention. Il remit son casque et observa Brian et son interlocuteur d’un œil intrigué.
— Calme-toi, ce n’est pas ce que tu crois, hésita l’inconnu.
— Cet appareil fait partie des équipements à usage règlementé que l’agence réserve exclusivement à nos missions, fit Brian sur un ton de reproche.
— Je sais…
— Alors, comment est-ce que tu l’as eu ? Tu prétends t’en servir pour une banale consultation de dossiers mais je sais exactement à quoi il sert.
Perplexe, Lucas agrandit l’image autour de l’appareil que l’inconnu avait en main. A première vue, on aurait dit un simple ordinateur miniaturisé. Mais son design particulier, aux couleurs bleu marine et argenté du NSIS, ne trompait pas. Il s’agissait d'un équipement relativement récent, spécialement conçu pour s’introduire dans les systèmes les plus sécurisés et y mener plusieurs types d’actions de l’ordre du piratage informatique ou encore du décodage d’un coffre-fort semi-électronique. Lucas avait eu l’occasion d’apprendre son fonctionnement lors d’une formation. Dans tous les cas, le fait que cet équipement se retrouve entre les mains d’un agent, qui venait sans aucun doute de l’utiliser dans la salle de contrôle, ne pouvait signifier rien de bon.
— Pourquoi tu vas aussi loin pour un simple pari ? demanda Brian, qui commençait sérieusement à douter de la bonne foi de son camarade. Je ne suis pas stupide, tu sais. Ce coffre est logé dans le compartiment utilisé par le Comité d’Enquête. Et s’il est ici, c’est parce que la salle de contrôle a souvent été plus sécurisée que les autres pour stocker des éléments sensibles. Les corrigés du dernier contrôle ont leur place dans la salle des instructeurs, pas ici. Les seules choses qui pourraient logiquement être gardées à cet endroit sont les pièces à conviction des affaires qui doivent être élucidées par notre Bureau.
— Ne sois pas ridicule, se défendit l’adolescent sur un ton peu assuré. J’étais vraiment venu chercher les corrigés du contrôle. Je ne vois pas pourquoi je m’intéresserais à des pièces à convictions, j’ignorais même qu’elles étaient gardées ici.
— Je te comprends, soupira Brian, lassé de débattre. A ta place, je n’avouerais pas si facilement non plus. Tu risques d’énormes ennuis si on découvre que tu as détourné cet équipement pour un usage personnel. Je ne te demanderai pas la pièce à conviction que tu viens de voler ni pourquoi tu l’as fait, mais je crois que le Comité ne mettra pas longtemps à signaler sa disparition. Et dans ce cas…
L’intrus éclata d’un rire nerveux.
— Tu es plutôt mal placé pour me faire la leçon, tu ne crois pas ? D’après ce que tu viens de m’avouer, tu pourrais tout aussi bien être venu ici pour la même raison. Tu es venu dans cette pièce justement parce que tu es intéressé par une enquête du Comité. Il est vrai que tes raisons ont l’air un peu plus innocentes comme ça, mais rien ne prouve que tu dises la vérité. A vrai dire, tu es tout aussi suspect que moi dans cette histoire. Et au cas où tu aurais la mauvaise idée de me dénoncer, ce sera ta parole contre la mienne.
— Peut-être, fit Brian d’un ton égal. Je prends quand même la peine de te rappeler que ce n’est pas moi qui ait apporté ici un équipement destiné au piratage de haut niveau et qui n’a rien à faire entre les mains d’un agent en dehors des missions. Et je crois que personne n’avait encore poussé l’audace jusqu’à cambrioler le coffre-fort du Comité. Au vu des circonstances, tu es de loin le plus suspect de nous deux. Et je crois que Yoan n’aura aucun mal à vérifier nos versions, si tu veux savoir.
Sur ce, Brian lança un regard vers les caméras dissimulées aux quatre coins de la pièce et adressa un clin d’œil discret à Lucas. Ces enregistrements auraient dû être supprimés par le Hacker pour effacer son intervention dans la salle, mais l’intrusion suspecte de leur camarade les obligeait à présent à en garder une copie au cas où.
L’inconnu ne répondit rien. Quant à Lucas, cette conversation l’avait réveillé. Aucun doute qu’ils venaient de prendre un agent en flagrant délit de piratage. Mieux encore, il s’intéressait aux pièces à conviction contenues dans le coffre du Comité d’Enquête. Lucas estima qu’il tenait quelque chose d’important, même s’il ignorait pour l’instant si cela était en rapport avec l’enquête en cours.
— D’accord, concéda l’intrus. Tu as raison, je ne suis pas là pour les résultats du contrôle.
— C’est un bon début, acquiesça Brian. Et j’ai la nette impression que ce n’est pas la première fois que tu viens ici.
— Tu vas vraiment me balancer ?
Lucas se posait également la question. Ce qu’ils venaient de découvrir semblait trop important pour être dissimulé à leurs supérieurs. Mais le révéler reviendrait aussi à admettre qu’au moins Brian et lui avaient accédé aux dossiers de l’enquête en cours. En plus de leur valoir un blâme et des sanctions plus ou moins sévères, ces aveux détruiraient définitivement leurs chances de poursuivre l’enquête de leur côté.
— Je devrais, répondit Brian. Mais j’avoue que l’idée ne me réjouis pas plus que toi. Si je dois expliquer comment je l’ai su, je devrais me dénoncer aussi.
— Alors ne t’embête pas, tenta l’inconnu avec un brin d’espoir. Laisse tomber, personne n’en saura rien.
Le Leader sembla réfléchir quelques secondes.
— Non, impossible de laisser passer ça, résolut Brian. Crois-moi, ils le découvriraient d’une manière ou d’une autre. Et quand ça arrivera, les conséquences seront encore plus pénibles pour nous deux.
Il hésita avant de poursuivre.
— En plus, je t’avoue que je ne suis pas très fier d’être venu ici. Imagine un peu l’exemple que je donne aux miens en tant que Leader.
L’inconnu observa un nouveau silence. Il se mit à tourner en rond dans la pièce, l’air accablé.
— C’est si terrible que ça ? finit par lui demander Brian.
L’adolescent s’assit sur un siège et prit sa tête entre ses mains.
— J’ai déjà reçu deux avertissements pour avoir détourné des équipements réservés aux missions à mon propre avantage. Cette fois, je vais me faire sérieusement remonter, c’est sûr.
Compatissant, Brian fit quelques pas dans sa direction.
— Je suis désolé. J’aurai préféré n’avoir été au courant de rien. Mais là, maintenant, je ne peux plus agir comme s’il ne s’était rien passé, tu comprends ?
— Ça va, ne t'en fais pas, fit l'autre, essayant de se montrer positif. Tu as peut-être raison, ça vaut mieux. En plus, c’est de ma faute, tout ça. Ça m’apprendra à jouer les fouineurs.
Il émit un petit rire, auquel Brian répondit par un sourire.
— Commence par remettre à sa place ce que tu as pris dans le coffre. On ferait mieux de rentrer se coucher. Mon programme de demain est assez chargé, comme d’habitude, soupira-t-il en lui tournant le dos.
— Tu as raison, Barker. On a assez trainé ici…
Alors l’inconnu attrapa un clavier sur le bureau derrière lui puis, d’un large mouvement circulaire, l’abattit sur la nuque de Brian. Le fracas produit par l’impact fit sursauter Lucas, qui mit quelques secondes à réaliser la tournure que prenaient les évènements. Brian s’effondra au sol, inconscient. Son agresseur s’agenouilla auprès de lui, fouilla ses poches et trouva la clé qui renfermait la copie du dossier de l’enquête sur Kurt.
— Désolé vieux, mais je risque bien plus que d’être viré si tu vas raconter ce que tu sais, fit-il d'une voix fébrile, comme affolé par ses propres agissements. Bon sang, regarde un peu ce que tu m’obliges à faire ! Je déteste les fayots de ton espèce.
Il introduisit la clé dans le port USB de l’ordinateur miniaturisé et commença à en copier le contenu.
— Voyons-voir où en est notre cher Comité par rapport au cas Weber…, murmura-t-il en scrutant l’écran d’un regard dément.
— Brian…, appela Lucas d’un ton nerveux à travers l’oreillette, hébété par la scène qui se déroulait sous ses yeux. Brian, tu m’entends ?
L’inconnu, qui semblait avoir entendu le murmure s’échappant de l’oreillette, stoppa net sa manœuvre. Il tendit sa main vers l’oreille de Brian et en ramena l’objet en l’observant avec curiosité. Il fixa tour à tour les caméras de surveillance de la salle, comme s’il les remarquait pour la première fois, puis son regard retourna vers l’oreillette qu’il plaça derrière son oreille droite.
— Parce qu’en plus, il n’était pas tout seul, ricana-t-il. Je sens qu’on va s’amuser.
Un frisson parcourut l’échine de Lucas. Le ton de l’agresseur avait radicalement changé. Comme celui de quelqu’un qui n’avait plus rien à perdre, il était désormais chargé d’une froide détermination et d’un soupçon de folie.
— Que… qu’est-ce que tu viens de faire, tu as perdu la tête ? bredouilla le Hacker.
— Hmm... Lucas, j’ai vu juste ? maugréa l’inconnu sur un ton désinvolte. Ouais, qui d’autre. Bon, dis-moi, est-ce que quelqu’un d’autre est dans la même pièce que toi ou sait ce que tu es en train de faire ?
Encore sous le choc, Lucas observait sans répondre l’agresseur récupérer le clavier laissé de côté. L’impact avait été si violent que plusieurs touches manquaient sur le panneau.
— Hey, tu as perdu ta langue ? le rabroua l’inconnu sur un ton sec et impatient. Ça ne va pas le faire, je n’ai pas beaucoup de temps. Très bien, autant que les choses soient claires entre nous dès le début. Tu peux me voir d’où tu es, pas vrai ?
D’un coup sec, l’agresseur arracha le câble du clavier, l’enroula autour du cou de Brian puis exerça une brusque traction.
— Non ! s’écria Lucas. C’est bon, arrête, je suis tout seul. Tout le monde est couché depuis longtemps, il n’y a personne avec moi.
— Tu vois, quand tu veux, fit-il en relâchant sa prise. Maintenant, écoute-moi bien. Si tu tiens à revoir ton chef d’équipe en un seul morceau et à t’épargner sa mort sur la conscience, tu vas faire exactement ce que je te dis. Quelle heure est-il de ton côté ?
Pris de sueurs froides, Lucas regarda la montre à son poignet.
— Minuit treize.
— Dans un quart d’heure, je veux que tu sois dehors, de l’autre côté de l’enceinte, côté nord. Tu attendras à l’arrêt de bus qui est à l'entrée du petit bois. Tu me suis ?
— Tu veux que je quitte le périmètre du QG en pleine nuit ? s’indigna Lucas, incrédule. Toutes les issues sont gardées et je n’ai pas d’autorisation de sortie à présenter aux contrôleurs.
— Débrouilles-toi, répondit froidement son interlocuteur. Tu viendras seul et tu prendras ton ordinateur avec toi. Surtout, gardes l’écoute, je veux pouvoir te joindre n’importe quand. Et préviens-moi dès que tu seras sur place.
— Attends, je ne sais même pas qui tu es. Comment je suis censé te reconnaitre une fois dehors ?
— Ne t’en fais pas pour ça, tu le sauras une fois sur place.
— Ce que tu fais est ridicule, s’irrita Lucas, sentant la colère l’envahir. Tu ne pourras pas t’en tirer comme ça, tu le sais.
L’agresseur émit un ricanement lugubre.
— Je ne crois pas que tu sois en position de me menacer, Shaffer. Arrives en retard au rendez-vous et je tuerai ton chef d’équipe. Si tu laisses un message ou un indice derrière-toi ou si un autre que toi apprends par hasard ce qui se passe, pareil, il sera mort à cause de toi. Pigé ?
Lucas hocha nerveusement la tête. Ses idées partaient dans tous les sens. Tout allait trop vite pour qu’il puisse analyser la situation avec calme. Il avait le sentiment de vivre un cauchemar.
— C’est compris, lâcha-t-il, la mort dans l’âme. Je serai là.
— Génial. Alors magne-toi, l’heure tourne.
— Je t’en prie, ne fais pas de bêtise, tenta Lucas en prenant son sac à dos dans le placard. Je suis sûr que tout peut encore s’arranger.
— Je l’espère pour vous. En ce qui me concerne, les dés sont déjà jetés. Si je dois tomber d’une manière quelconque, vous serez entrainés avec moi.
Sur ces mots, son interlocuteur coupa la communication. Lucas abaissa l’écran de son ordinateur et le glissa dans son sac à dos. Il prit aussi son téléphone, enfila un par-dessus et sortit dans le couloir.
En dépit des avertissements de l’agresseur, l’idée d’aller seul à la rencontre de l’ennemi sans que personne ne soit averti lui paraissait suicidaire. Il se présenta devant la porte de Yoey, leva ses jointures à quelques centimètres pour y frapper puis renonça finalement. Connaissant le tempérament impulsif de son coéquipier, il ne pouvait lui révéler que quelqu’un, probablement le pirate du QG, se servait de Brian pour les faire chanter. Yoey refuserait catégoriquement de marcher dans son jeu, retournerait sur les lieux et chercherait à se confronter à celui qui avait osé s’en prendre à leur Leader. En plus de compliquer davantage une situation déjà délicate, cette option ne garantirait pas pour autant que tout rentre dans l’ordre.
Equipé de son sac à dos, Lucas se précipita hors de l’appartement et prit l’ascenseur pour le rez-de-chaussée. Il pénétra dans le hall d’entrée de la Résidence et en franchit les portes vitrées, débouchant sous le ciel nocturne, où soufflait une brise glaciale. Tandis qu’il parcourait au pas de course la centaine de mètres qui le séparait du portail sécurisé du QG, mille réflexions lui trottaient dans la tête.
Si l’agresseur était lié d’une manière ou d’une autre à la mort de Kurt, cela expliquerait sa réaction face à Brian et à lui-même. De toute évidence, son secret menaçait d’être découvert et il souhaitait les réduire tous les deux au silence. Le rendez-vous qu’il lui avait donné en menaçant de s’en prendre au Leader n’était qu’un moyen de garder le contrôle et de faire d’une pierre deux coups. Dans ces conditions, espérer que Brian et lui s’en sortent sains et saufs semblait parfaitement naïf. Et si l’agresseur était prêt à aller aussi loin qu’avec Kurt pour parvenir à ses fins, il ne pouvait qu’imaginer à quel point ils étaient dans le pétrin.
A cet instant, Lucas commença une fois de plus à s’en vouloir d’avoir été à l’origine de cette situation. Il était tellement obsédé par l’idée de résoudre une enquête et d’impressionner le Comité qu’il avait royalement ignoré les risques potentiels. Au point où il en était, même à supposer que tout rentre dans l’ordre et que l’affaire soit résolue, il ne pouvait pas espérer entrer dans les faveurs du Comité et aurait largement mérité le blâme qui ne manquerait pas d’en découler.
En approchant des agents de sécurité postés devant la grille, Lucas se surprit à penser que ce scénario lui convenait parfaitement, du moment que son erreur pouvait encore être réparée et qu’ils s’en sortaient indemne.
— Bonsoir, dit-il en s’adressant à l’officier de service avec toute la conviction dont il était capable. Excusez-moi, c’est pour une urgence. Ma mère vient d’appeler, je dois la rejoindre à l’hôpital.
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High Spies - Tome 1
ActionDès la fin de sa dernière année de collège, Brian Barker, 15 ans, retrouve ses amis et coéquipiers au sein du QG Principal de Yokohama, sa ville d'accueil au pays du soleil levant. Désireux de devenir un Leader plus accompli et d'augmenter ses compé...