Chapitre 18

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Le repas se déroula dans une ambiance conviviale. L'équipe 3 et les Myoga se racontèrent leur année scolaire en dégustant la palette de mets appétissants aux ingrédients typiquement japonais dressés devant eux. Les cousins dînèrent séparément, dans leurs appartements.

― C'était trop bon, apprécia Luna en se tamponnant les lèvres d'une serviette. Je veux la recette de ce tempura de crevettes.
― Votre cuisine est toujours aussi irrésistible, soupira Yoey en enfournant sa dernière bouchée de mappo tofu.
― Ce qui est sûr, c'est qu'elle pourrait rivaliser avec celle de notre cantine.
― Tout le mérite revient à nos nouvelles cuisinières, répondit Ayame. Notre auberge attire de plus en plus de visiteurs grâce à elles.
― Tout va bien dans la région depuis notre dernier passage ? demanda Brian. Il y a quelques nouveautés ?
― Il y a toujours autant de touristes pendant les vacances d'été et les plages sont surpeuplées en ces périodes, répondit Senichi. Mais c'est bon pour les affaires. Sans compter que les commerces et attractions se multiplient.
― Un nouveau temple shinto a été inauguré il y a trois mois, informa sa sœur. On pourrait y aller demain si vous voulez.
― Ce serait parfait. On comptait justement faire un tour au village demain.
― À ce propos, vous resterez un peu plus longtemps que la dernière fois ?
― On aurait adoré, mais nous devons repartir après-demain soir, dit Brian avec regret.
― Tant pis, on fera avec, dit Senichi en haussant les épaules. C'est déjà une aubaine que vous ayez pu venir nous voir.

La porte s'entrouvrit de nouveau sur l'une des domestiques.

― Ça y est, le bain est prêt.
― Merci, on en profitera tout à l'heure. Vous voulez nous devancer, les filles ?
― On veut bien vous laisser la priorité, dit Lucas.
― On ne va pas se faire prier, dans ce cas, sourit Mayumi.
― Depuis le temps que je n'ai plus profité d'un onsen* digne de ce nom, fit Britney.
― J'y vais avec vous si ça ne vous dérange pas, demanda Ayame.
― Ça va de soi, voyons ! ricana Mayumi. On est entre filles. Bonne nuit, les garçons. On ne se reverra peut-être pas avant demain.
― Dormez bien.

Puis elles disparurent dans le couloir. Yoey s'étira en étouffant un bâillement.

― Si mon estomac n'avait pas atteint ses limites, je crois que je me resservirais.
― Ça vous dirais un peu de vin pour faire descendre tout ça ?
― C'est gentil mais on ne voudrait pas abuser, hésita Brian.
― Allez, j'insiste, sourit Senichi. J'ai un excellent vin de pêche et aussi un peu de sake*. J'attendais une occasion comme celle-ci pour l'ouvrir.
― J'en prendrai juste un petit peu alors.
― D'ailleurs, les filles auraient dû participer à la dégustation. J'enverrai une bouteille à leur chambre tout à l'heure.

Il ouvrit la petite armoire qui reposait sur le parquet dans un coin de la pièce, en sortit deux bouteilles et un plateau à verre, posa le tout au milieu de la table puis servit les boissons dans de petits verres à alcool.

― J'en prendrai juste par curiosité, dit Yoey. Je ne tiens pas du tout l'alcool, c'est vraiment dommage.
― Ça, on le sait, grimaça Brian d'un air dubitatif. Personne ne veut avoir à supporter tes délires lorsque tu es bourré.
― Juste un petit verre, insista Yoey. Et puis, je sais quand m'arrêter.
― Tu avais surtout juré en vomissant tes tripes de ne plus jamais boire une goutte d'alcool, ricana Lucas.
Ils finirent la bouteille de saké en se racontant quelques anecdotes, s'esclaffant à plusieurs reprises sans raison particulière. Vingt minutes plus tard, Brian finit rapidement son verre et regarda l'heure à son poignet.
― Excusez-moi, mais je dois vous laisser, dit-il.
― Déjà ? s'étonna Senichi. Mais on s'amuse bien ! Tu ne veux pas un verre de plus ?
― Merci, mais j'ai quelque chose à faire avant le coucher. On se reverra au moment du bain.

Il sortit dans le couloir. Yoey le regarda d'abord partir en haussant un sourcil, intrigué. Puis il esquissa un sourire diabolique.

― À propos, on devrait se préparer à y aller, nous aussi, proposa-t-il en se resservant du vin de pêche. Les bains ne sont pas mixtes après tout.
― Vas-y mollo avec la boisson, prévint son coéquipier.
― Ne fais pas ton rabat-joie. Alors, on y va ou pas ?
― Pourquoi tu as hâte de te baigner tout à coup ? demanda Lucas en lui jetant un regard suspect. Je ne suis pas contre l'idée d'y aller plus tôt mais...
― Allez, quoi ! Il se fait tard et les filles doivent avoir presque terminé.
― Bon, si tu y tiens, approuva Senichi. Allons-y. Si l'un de vous veut bien faire un détour par votre chambre pour prévenir Brian qu'on le devance...

***

Aux yeux de Brian, les bains de l'auberge des Myoga figuraient parmi les meilleurs qu'il n'ait jamais fréquentés. L'eau y était limpide, riche en minéraux et sa température était idéale pour la détente.

Assis sur la dernière marche et immergé jusqu'aux aisselles, une serviette-éponge pliée en compresse posée sur sa tête, Brian inspira profondément, détendit tous les muscles de son corps puis ferma les yeux. Le calme environnant lui semblait presque irréel. Il se sentait parfaitement décontracté, si serein qu'il désirerait presque passer la nuit sur place, à la douce lueur rouge des lanternes.

Il passa cinq minutes dans cette posture, dans un état méditatif, lorsque des bruits de voix familiers le firent émerger de sa somnolence.

― Oh non..., murmura-t-il en se redressant à la hâte.

Lucas, Yoey et Senichi, nus comme des vers, leurs serviettes sur les épaules, sortaient des douches et se dirigeaient vers le bassin. Dépité, Brian dut se faire à l'idée qu'il était trop tard pour déserter les lieux sans les croiser et retourna à sa position initiale.

― Je n'avais jamais remarqué que tes cheveux étaient aussi longs, dit Lucas à Senichi tandis qu'ils approchaient du bassin.
― Je les laisse pousser, fit Senichi en haussant les épaules. Je les préfère comme ça, finalement. Ça fait un peu rager ma sœur mais on a trouvé un compromis. Elle ne dit rien tant que je les garde attachés.
― Avec une longueur pareille, il y aurait de quoi rendre jalouse ma propre mère, sourit Yoey.
― Regardez, on dirait qu'il y a quelqu'un dans le bain, remarqua Lucas.
― Tiens, mais c'est Brian ! Tu es venu, finalement ? lança Yoey sur un ton faussement surpris. Je trouvais bizarre que tu ne sois pas dans notre chambre.

Les garçons s'immergèrent dans le bain jusqu'au torse. Brian les évitait du regard, affreusement gêné d'être nu en leur présence, même si la situation était parfaitement normale pour la circonstance.

― Elle est bonne, pas vrai ? reprit Yoey. Dis quelque chose, chef ! Ça fait combien de temps tu es là ?
― Tu es rouge comme une tomate, observa Senichi. Tu es sûr que ça va ?
― Ça va, ça doit être l'eau du bain, fit-il sur un ton nerveux.
― Je parie que tu es venu ici aussitôt après nous avoir quittés, affirma Yoey d'un ton moralisateur en s'asseyant sur la marche derrière lui. Pourquoi ? Tu voulais épier les filles pendant leur bain ? Allez, avoue.
― Tu vas arrêter de dire n'importe quoi !
― Je crois qu'il a encore surestimé sa capacité à tenir l'alcool, soupira Lucas. Déjà qu'elle était quasiment nulle...
― Oh, arrêtez, puisque je vous dis que je suis parfaitement lucide. Assez pour y voir clair dans le petit jeu de notre Leader, en tout cas.

Il descendit d'une marche supplémentaire, effleurant Brian de ses genoux. Ce dernier sursauta au contact et se raidit.

― Tu... tu pourrais te tenir à distance, s'il-te-plait ? demanda-t-il sur un ton irrité.
― Je crois que j'ai compris le truc, continua Yoey, de plus en plus amusé par la situation. Notre Brian est un grand pudique !
― Tu n'as pas l'habitude des bains publics ? s'etonna Senichi. En tout cas, tu n'as pas l'air dans ton assiette.
― C'est ce qu'il me semble aussi, dit Lucas. Mais comment tu faisais les dernières fois qu'on venait ici ?
― Comme tout à l'heure, fit Yoey. Il se débrouillait toujours pour passer seul avant ou après nous.

Le Défenseur lui adressa une tape sur l'épaule.

― Tu es démasqué, mon grand, annonça-t-il en secouant la tête. Finis les bains en solo. Si je dois remédier à ma phobie des profondeurs, il n'y pas de raisons que tu n'en fasses pas autant pour ta pudeur exagérée.
― Détends-toi, il n'y a aucune honte à avoir, rassura Senichi. On est entre nous.
― Il rougit encore, fit remarquer Lucas. Ça t'embarrasse à ce point ? C'est vrai que c'est gênant au début, mais tu es au Japon depuis dix ans. Tu devrais déjà t'être habitué à te retrouver à poil dans les bains traditionnels.
― De toute manière, tu n'as rien à cacher qu'on ne connaisse déjà, gloussa Yoey.
― Yoey, la ferme, siffla Brian entre ses dents.
― Oh, relax, fit Yoey d'une voix lascive. Pourquoi t'es aussi tendu ? Ou alors... Attends, tu es sûr d'être un mec ? Fais voir un peu, dit-il en risquant un coup d'œil au niveau de son entrejambe.

Brian lui asséna un coup de coude dans l'abdomen.

― Mais t'es malade, ma parole ! s'emporta-t-il. Bravo, tu as gagné, je m'en vais.

Il se leva en se couvrant pudiquement de sa serviette, sortit du bassin et prit la fuite, sous les éclats de rire de Yoey.
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*Onsen: Bains traditionnels japonais

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High Spies - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant