Chapitre 16

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Brian, Lucas et Yoey gravirent les dernières marches de l'escalier interminable conduisant au dojo d’entrainement, un peu essoufflés par l'effort fourni. De style traditionnel japonais, le large bâtiment vieux d'un siècle et demi et entièrement rénové dégageait une aura majestueuse et authentique.

Leurs sacs de sport sur l'épaule, les garçons traversèrent le jardin zen de l'entrée puis longèrent le corridor central en direction des vestiaires.

― Au fait, ça a été, le cours de stratégie ? demanda Brian.
Ils passèrent devant l'une des cloisons en papier d'où s'échappaient des bruits de lutte ponctués de cris d'attaque.
― C'était génial, comme d'habitude, s’enthousiasma Lucas. On s'amuse autant qu'on fait carburer ses méninges. On a eu droit à un petit cas pratique sur l'élaboration d'un plan de secours en cas de modification des paramètres initiaux d'une mission de sauvetage. Hakuya-sensei nous a même raconté une anecdote marrante de l'une de ses missions lorsqu’il était major.
― J'avais oublié à quel point ses cours étaient géniaux. J'ai hâte de suivre le prochain. Son défi de jeu de shogi* et d’échecs tient toujours ?
― Oui évidemment, soupira Lucas. Il est toujours invaincu, si tu veux savoir. La dernière fois que j'ai tenté ma chance, il m'a eu en seulement trois coups.
― Ce n'est pas demain la veille qu'on pourra espérer obtenir cinq points gratuits supplémentaires à l'un de ses contrôles, sourit Brian.

Le groupe franchit la porte du vestiaire des garçons. Il y flottait un mélange d'odeurs de pieds, de transpiration et de produits de nettoyage. Les bancs étaient jonchés de vêtements en désordre.

― On dirait que d'autres nous ont déjà précédés, dit Lucas en posant son sac.
― Ils auraient pu mieux ranger leurs fringues, intervint Yoey d'un ton maussade en écartant quelques affaires pour se ménager une place. Nous sommes encore en retard pour les répétitions. Ça ne fait pas très sérieux.
― J'ai voulu donner un coup de main pour aider à transporter du matériel au gymnase pour le test d'équipements de cet après-midi, s'expliqua Lucas. En parlant de ça, ils doivent être en pleine démonstration.
― Dommage que je ne puisse pas y être, ça fait vraiment longtemps que je n'y ai pas assisté, dit Brian. Et quels gadgets ils présentent, cette fois ?
― Le drone « hirondelle », des libellules espionnes munies de caméras, des mini-projecteurs pouvant créer des illusions hyper réalistes et notre fameuse smartwatch, un modèle multifonctions créé en partenariat avec G-Shock. D'ailleurs elle sera très bientôt mise en service.
― Cool, je suis impatient de faire joujou avec, dit Yoey en ôtant son T-shirt, dévoilant ses abdominaux parfaitement dessinés.

Lucas commença à défaire ses lacets.

― Ah j’oubliais, comment s'est passé cette matinée à la piscine ?
― Pitié, ne m'en parle pas, geignit Yoey.
― Tu as fait de gros progrès, pourtant, le charria Brian. D'accord, la méthode était un peu extrême mais elle commence déjà à fonctionner.
― J'aurais adoré voir ça, ricana Lucas. À tes yeux rougis par le chlore et ton humeur d'ours mal léché, ça se voit que tu en as bavé.
― Quand je pense que j'aurai droit à trois ou quatre autres séances de ce goût là avant la fin des vacances, grinça le Défenseur.
― Si tu te comporte comme il faut dès le prochain cours, tu en finiras peut-être plus tôt que prévu.
― Au fait Brian, quand est-ce que nous partons rendre visite aux Myoga ? demanda Lucas. Vous n'avez pas oublié, j'espère.
― Non, les filles m'en ont touché un mot ce matin. Disons après-demain, proposa Brian en attachant la ceinture noire de son kimono. Le temps de demander une permission et de les prévenir de notre arrivée. Les chefs d'équipe ont un entrainement spécial demain, donnée par d'anciens Leaders. Notre prédécesseur y sera peut-être. Je ne peux pas manquer ça.

Il remarqua que ses camarades le dévisageaient avec insistance.

― Qu'est-ce qu'il y a ? Je me suis habillé de travers ?
― J'en suis toujours à mes baskets et toi tu t'es encore changé à une vitesse folle, expliqua Yoey.
― C'est incroyable, on ne t’a même pas vu faire.
― Oui, et alors ? répliqua Brian, vaguement embarrassé. Il n'y a vraiment pas de quoi s'étonner.
― Détends-toi, c'est quoi cette expression ? fit Yoey avec un sourire taquin. Tu ne nous cacherais pas quelque chose ?
― Permets moi de te dire que tu vois des cachotteries partout, ça devient puéril. Bon allez, je vous devance.
― C'est ça, à tout à l'heure.
― Pense à ménager tes adversaires, Yoey, plaisanta Brian. N'oublie pas qu'il y a des novices dans le lot. Evite de passer toute ta rage sur eux, d'accord ?
― Il faudrait que je sois au meilleur de ma forme pour ça. Par contre, si Wei a le malheur de suivre la même séance que moi, je tacherais de l’envoyer aux urgences.
― Qu'est-ce qu'il t'a fait de si terrible ? demanda Lucas.
― Qu'il passe toute la matinée à se payer ma poire passe encore. Mais retarder le minuteur à deux reprises pour fausser la durée de ma plongée, c'était clairement abusé.

***

Kurt Weber referma la porte de sa chambre, se délesta de son sac de cours sur son lit et s’assit devant son bureau avec un soupir fatigué. Son regard erra un moment dans le ciel étoilé visible à travers la fenêtre de sa chambre. Encore une journée bien remplie. Pas suffisamment toutefois pour lui faire oublier ses préoccupations.

Depuis qu’il avait passé un marché avec Daisuke et Tanuki, il se demandait en permanence s’il avait fait le bon choix. Et si le senior avait voulu endormir ses soupçons en faisant passer ses agissements pour de simples actions clandestines ? Et si c’était lui, le traitre du Bureau et que Tanuki n’était qu’un agent sous ses ordres ?

Depuis leur dernière discussion, il avait acquis la certitude que Daisuke possédait une face cachée et potentiellement très sombre. Il ne parvenait pas à déterminer ce que c’était, mais il le soupçonnait fortement d’avoir l’habitude de poser des actions dans le dos du NSIS. Et si son instructeur n’avait aucun scrupule à espionner un ennemi à l’insu du Bureau, qui sait quelles autres libertés contraires au règlement il s’accordait ? Aux yeux de Kurt, cela faisait de l'instructeur un suspect de premier ordre.

Il décida qu’il devait en avoir le cœur net. Il alluma son portable et lança le numéro d’appel de son ancien Hacker. Même s’il n’était plus au NSIS, Carron restait son ami et pouvait l’aider à faire quelque chose. Son correspondant décrocha à la troisième sonnerie.

― Oui, j'écoute ? fit son correspondant sur un ton désinvolte, comme réveillé en plein sommeil.
― Ravi de t'endendre, Carron.
― Ah, c’est toi Kurt. Ça fait plaisir aussi, salut.
― Je ne te réveille pas, j’espère.
― Tu espères mal, mais t'occupe. Tout se passe bien depuis mon départ ? Le Bureau vous a attribué un autre Hacker ?
― On peut dire ça, dit Kurt en pensant à Tatsuya. Mais c’est plutôt provisoire et je ne vais pas m’en plaindre. À vrai dire, je crois que personne ne s’est encore fait à l’idée de te remplacer pour de bon.
― Je vous manque à ce point-là ? rigola Carron. Désolé, mais il va falloir tourner la page. Je suis sûr que vous trouverez bientôt un bon Hacker pour me remplacer.
― C’est vrai. Mais pour le moment, il y a quand même un service que je ne peux demander qu’à toi.
― Tout ce que tu veux, chef. En souvenir du bon vieux temps.
― J’ai besoin que tu fasses des recherches sur un agent senior de notre Bureau.
― Ça, ça risque d’être compliqué d’où je suis. Tu sais que les dossiers du personnel ne peuvent être consultés qu’à partir du serveur du QG.
― Oui, mais je parle surtout de toutes les informations liées à sa vie en dehors du QG. Ce qu’il faisait avant d’être recruté, quelles sont ses habitudes maintenant, est-ce qu'il a déjà fait des trucs illégaux et qui il fréquente, tu vois le genre.
― Okay, ça pourrait le faire. Qui est la cible ?
― Daisuke Hakuya, notre instructeur en stratégie.

Un silence s’installa à l’autre bout du fil.

― Carron ? Il y a un problème ?
― Non, non, c’est juste que… je suis un peu surpris. Qu’est-ce qui s’est passé avec lui ? De quoi tu le soupçonnes exactement ?
― Je préfère ne pas en parler pour le moment. Pas avant d’être sûr. Je sais que vous étiez proches et qu’il a été ton mentor pendant un certain temps, mais j’ai vraiment besoin de ton aide.

Carron sembla s’accorder un temps de réflexion.

― Ça marche, je verrai ce que je peux faire. J’avoue que connaitre sa vie en dehors du QG m’intrigue aussi, alors ça devrait être intéressant.
― Parfait. Je compte sur toi, Carron.
― Je te préviens dès que je tiens quelque chose, promis.
― Alors à bientôt. Et envoie-nous des cartes postales avec des photos de toi en jupe traditionnelle, qu’on rigole un peu.
― Ça s’appelle un kilt, inculte, rigola le Hacker. Si tu oses encore te moquer, je piraterais tous tes appareils à distance et je ferai de ta vie numérique un enfer.
― Okay, je n’ai rien dit, ricana Kurt. Allez à plus, il se fait tard par ici.
― À très bientôt et passe le bonjour à l’équipe de ma part.

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High Spies - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant