Chapitre 57

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Lorsqu’il fut à une trentaine de kilomètres du QG, Allen se permit enfin de se détendre un peu. Il avait usé de toutes ses ressources pour essayer de semer ses poursuivants : brouilleurs de caméras, projecteurs holographiques pour changer visuellement la couleur, l’apparence et les plaques du véhicule, le tout couplé à des techniques d’échappatoire en cas de course-poursuite et cela avait fonctionné. Du moins, pour le moment. L’ironie voulait qu’il se soit servi précisément des méthodes enseignées par le Bureau pour lui échapper. Il se félicita d’avoir été attentif pendant les cours de techniques d'exfiltration.

Mais à présent, Allen appréhendait la suite du programme. Il fit émerger son véhicule du tunnel qu’il venait de traverser, prenant soin d’avancer au même rythme qu’une semi-remorque qui le dissimulait de l’angle de vue d’une caméra routière.

Après une vingtaine de kilomètres d’autoroute, il déboucha sur une route de campagne bordée de hautes herbes et peu fréquentée, autant par les véhicules que par des passants.

Le Hacker observa Erimo d’un regard en biais. Celui-ci avait été étrangement calme et silencieux pendant tout le trajet. Mais Allen savait que ce n’était pas dû qu’à l’angoisse de la situation. Il lui semblait évident que l’analyste, incapable de voir à travers sa capuche, soit en ce moment même en train d’essayer de se faire une idée de l’itinéraire qu’il avait emprunté jusque-là. La tâche lui demandait forcément une certaine concentration. Si Allen s’était senti moins nerveux, il aurait souri à ce constat. Mais il n’avait pas l’intention de rendre la tâche facile à son otage, un otage qui pouvait aider activement le QG à le retrouver dès qu’il en aurait l’occasion. Car même s’il aurait voulu que le Bureau trouve la cachette actuelle de Davy, il savait que cela signifierait aussi qu’il soit arrêté en tant que fugitif. Il prit alors autant de virages qu’il le sentait nécessaire pour désorienter Erimo, tout en gardant en vue son unique repère et point d’arrivée : l’antenne radio qui se dressait sur le toit d’une propriété aux murs gris et aux tuiles noires, à proximité d'un étang dont il pouvait déjà percevoir le miroitement.

Allen arrêta le véhicule près d’une rangée d’arbres, dont les troncs le dissimulaient à moitié des observateurs potentiels. Il se tourna ensuite vers Erimo, toujours silencieux.

« C’est le moment de se dire au revoir », se dit-il en tirant son couteau de sa gaine.

Il trancha les attaches autobloquantes qui enserraient les poignets de son otage et ôta la capuche de sa tête. Erimo battit des paupières, l’air désorienté, avant de lui adresser un regard interrogateur.

― Tu peux t’en aller, dit Allen. Tu ne devais me servir qu’à échapper au Bureau, alors ton rôle est terminé.

Erimo hocha la tête. Il enleva sa ceinture de sécurité et ouvrit la portière du véhicule.

― Je te remercie, dit-il en se massant les poignets. Et pour l’autre ?
― Je le relâcherais plus tard, à un endroit que j’aurai choisi. Toi, tu ferais mieux de trouver un moyen de rentrer au plus vite au QG.
― Comment ça, tu le laisse partir ? fit tout à coup une voix railleuse.

Allen tourna vers la route un regard atterré. Une voiture ralentit et s’arrêta à leur niveau. Il comportait deux occupants, de parfaites racailles à l’allure peu amène. Celui du siège passager, qui avait interpelé Allen, avait le crâne rasé, des lunettes de soleil et portait une cigarette aux lèvres.

― C’est une chouette coïncidence qu’on se croise ici. Je vous ai bien regardés, depuis que tu as pris le tournant, affirma l’homme en pointant un doigt vers Allen. Tu vas faire rasseoir le gamin et continuer à rouler jusqu’à la maison. Et pas d’embrouille, surtout. Davy sera sûrement ravi de faire sa connaissance.

High Spies - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant