Chapitre 46

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S'il se fiait à la température et la luminosité du hangar, on était en milieu de matinée. Lucas ajusta ses lunettes sur son nez et porta son regard aussi loin qu’il le pouvait au-delà de sa cage, l'oreille tendue. À cette heure, une bonne partie des canailles qui le surveillaient étaient partis déjeuner. Depuis quelques temps, ses geôliers avaient un peu relâché leur surveillance. Ils se disaient sans doute qu'il ne pourrait de toute façon rien tenter pour sortir de cette cage et qu’il n’avait aucun intérêt à le faire étant donné la promesse de libération de leur employeur. Ils avaient tort : il refusait d’attendre sagement sa libération. De plus, la nuit ayant été de bon conseil, il savait désormais exactement quel plan d’évasion mettre en œuvre. Un plan qui figurait parmi les plus efficaces enseignés aux cours de Stratégie, et qui en plus s’avérait parfaitement adapté à la circonstance.

Lucas extirpa un trombone déplié dissimulé contre l’une des tiges de ses lunettes et entreprit une nouvelle fois de crocheter à l'aveugle le cadenas qui fermait sa cage. Il avait eu le loisir d'observer de loin la clé qui servait à l'ouvrir et s'était évertué à en reproduire les aspérités du mieux qu'il le pouvait. Après plusieurs tentatives, il avait apporté suffisamment de corrections à sa clé de fortune pour réussir son coup. Cette tentative serait la bonne, il en était certain.

Avec une intense concentration, il introduisit le bout de métal dans la serrure et étudia les rouages intérieurs qui lui avaient résisté jusque-là. Lentement, il positionna sa clé improvisée au cœur du mécanisme et manœuvra délicatement, attendant le déclic presque imperceptible qui lui indiquerait qu'il pouvait ouvrir le cadenas. Quelques minutes plus tard, alors que ses mains s'engourdissaient et que ses doigts commençaient à se faire moites, la serrure lui céda enfin.

Et bingo ! jubila-t-il intérieurement, le cœur battant, en ôtant le cadenas de la porte de la cage.

Ses gonds en métal produisirent un grincement sonore. Lucas attrapa fermement le battant pour le maintenir, une grimace aux lèvres, espérant vivement que personne ne l'avait entendu. Si ses geôliers arrivaient à estimer le moment précis de son évasion de la cage, en l'occurrence un moment trop récent, son plan pouvait tomber à l'eau. Mais les murmures lointains de leurs conversations, qui lui parvenaient par l'écho, semblaient aussi naturels qu'une minute plus tôt. La voie était libre. Ou presque.

Lucas se glissa doucement en dehors de la cage, évoluant sur la pointe des pieds. Il s'étira de tout son long pour revigorer ses membres engourdis. Puis il jeta un regard prudent au-delà de la cloison en bois qui lui cachait la vue jusque-là. L'étendue du hangar lui apparut alors. Ses parois de métal couleur rouille formaient un espace couvert qui s'étendait sur une trentaine de mètres carrés. Deux chariots motorisés hors d'usage attendaient dans un coin, à côté d'un entassement de palettes en bois. Une vague odeur de moisissure et de renfermé flottait dans l'air. Un espace d'occupation avait été aménagé près de l'entrée : de vieux canapés où trainaient des vêtements tachés de sueur, un antique poste de télévision à antenne et une table basse désordonnée occupaient une moquette jonchée de déchets épars, où se mêlaient emballages alimentaires, bouteilles de bière et mégots de cigarette.

Charmant tableau, se dit Lucas en considérant les lieux avec dégout.
Il s'éloigna du côté opposé à la porte d'entrée, d'où émanaient les bruits de conversation de ses surveillants. Puis, tout en prenant soin de ne pas laisser de traces derrière lui, il se mit en quête de la meilleure cachette disponible. Le vaste espace du hangar et ses parois découvertes n'en offrait pas énormément. Les palettes constituaient une option trop évidente. Quant aux toilettes, ce n'était même pas la peine d'y penser. Restaient les chariots de transport.
Ils étaient suffisamment éloignés de l'espace du hangar le plus fréquenté. De plus, le toit de chacun, de deux mètres et demi de hauteur, était assez élevé pour lui permettre de ne pas se faire repérer s'il restait allongé. Il s'aventura donc dans la cabine du premier chariot. Ensuite, s'aidant d'un appui sur le siège conducteur, il se hissa sur le toit de la machine. Ses bras et son torse se couvrirent d'une épaisse couche de poussière au contact de la surface plane du véhicule.

High Spies - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant