III - Les Voix

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Puits de pétrole de l'Autorité Hellasius,

Bordure ouest du Conglomérat.


« Putain... se lamenta Yara.

— Ne jurez pas, ce n'est pas convenable dans la bouche d'une Voix », la taquina Valmond.

Après une énième journée ici, Yara et Valmond se prélassaient dans leur tente. Pour veiller à la sécurité des Voix d'Yliss et de Valor, le bataillon leur ayant servi d'escorte avait établi un campement de fortune tout autour d'eux. En plus de la garnison habituellement établie ici, jamais les puits de pétrole n'avaient vu autant de militaires stationnés alentour. Dispersée sur plus d'une centaine d'hectares, une forêt de centaines de derricks surplombait les vastes champs pétrolifères. Des myriades d'ouvriers assujettis à Hellasius s'affairaient autour des installations. À lui seul, un derrick extrayait pas moins de dix mille litres du précieux liquide noir chaque jour, soit près de soixante barils !

Depuis plusieurs mois, les Sept s'étaient montrés particulièrement insistants sur la question du pétrole. En soi, les puits de Hellasius étaient beaucoup plus proches de Kalsura que ne l'étaient les mines d'Yliss ; néanmoins, la proximité avec l'Ananta avait facilité l'aménagement de l'exploitation minière, alors que le terrain escarpé à l'ouest des fermes de Wurjag compliquait toute possibilité de connexion avec la capitale. Jusqu'à maintenant.

L'ancien système de transport par voie maritime se faisait trop archaïque : les convois amenaient la cargaison jusqu'aux navires-citernes, qui descendaient ensuite la rivière vers l'est, jusqu'à l'Ananta. Il fallait une nouvelle fois décharger et acheminer le tout jusqu'à Kalsura... Et recommencer chaque jour. Sans surprise donc, les projets d'infrastructures se multipliaient autour de cette zone à l'enjeu stratégique capital. En plus du chemin de fer suggéré par Xaroth, Hellasius avait insisté pour enfouir un oléoduc dans le sol. Creuser une tranchée et y installer une canalisation sur près d'une centaine de kilomètres... Yara l'admettait volontiers : sur ce point au moins, L'Extracteur voyait grand.

Yara s'assurait du maintien de la cadence fixée par l'Aréopage. Comme Hellasius et Yliss avaient renforcé leur partenariat, Yara s'était souvent retrouvée catapultée en dehors de Kalsura pour des affaires communes aux deux Autorités. Quant à Valmond, il se trouvait ici en sa qualité de représentant du Primat. Bien que Valor n'entretienne aucun rapport privilégié avec Hellasius, il était libre d'envoyer sa Voix où bon lui semblait.

Ne décolérant pas, Yara agitait sa cape avec agacement.

« Voilà déjà trois semaines que nous sommes plantés là, à contempler les derricks de ce bouffon d'Hellasius, grommela-t-elle. Je n'en peux plus... Qu'il les gère lui-même, ses mochetés ! Sa Voix Hartley n'est même pas là ! J'en ai marre de me coltiner tout son travail.

— Au moins sommes-nous ensemble, sourit Valmond.

— Je préfèrerais passer du temps dans la ville. Les thermes me manquent, se morfondit Yara.

— Mais à Kalsura, nos maîtres respectifs n'accepteraient pas un seul instant notre petite affaire, avança Valmond. Elle est tout à fait contraire à leurs intérêts. »

Si Yara aimait buller pendant ses jours de repos, elle détestait le faire au boulot ; or elle s'était rarement sentie aussi inutile qu'ici. Les ouvriers s'agitant autour des puits de pétrole se couchaient chaque soir avec la satisfaction du labeur accompli ; les soldats étaient quant à eux entraînés pour rester en alerte des jours entiers. Néanmoins, voilà plus de vingt jours qu'elle supervisait les performances de l'extraction de pétrole, sans rien apporter de plus. Les talentueux ingénieurs de l'Autorité Hellasius avaient déjà parfaitement optimisé l'exploitation.

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