Chapitre 5 - Cette insatisfaction en vous

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I - NALA

Cela faisait bientôt dix jours que Nala avait déménagé aux Champs de Xaroth. Elle n'avait eu aucun mal à se faire recruter avec son diplôme. En prenant connaissance de sa mention, son contremaître s'était même étonné de sa présence dans cette ville retirée. Évidemment, ce dernier ignorait qu'elle avait eu besoin de fuir jusqu'ici dans le but de protéger First.

Le premier dimanche suivant son arrivée, Nala avait terminé son installation dans son nouveau chez elle. Elle avait passé ses premiers jours de travail derrière un bureau, alternant surveillance de flux de production et optimisation d'approvisionnement en matières premières ; des tâches sans surprises et plutôt ennuyeuses, mais qui au moins ne l'anéantissaient pas autant que son premier emploi dans les fermes de Wurjag.

Nala ne cessait de penser à Feldan, qui lui manquait énormément. Hélas, depuis qu'elle habitait aux Champs de Xaroth, ils étaient trop loin pour se voir le temps d'un dimanche... En train, le trajet avait beau être plus court que jusqu'aux mines d'Yliss, elle ne pouvait monter dans un wagon avec un cheval, tandis qu'un ticket aller-retour revenait trop cher pour Feldan. Nala avait un moment songé à prendre en charge le déplacement de son ami, mais sa situation financière n'était guère plus reluisante. Les traitements pour soigner First et améliorer son état coûtaient si cher ! Manque de temps, manque d'argent... Elle n'avait pas d'autre choix que de mettre des sous de côté et de se stabiliser davantage avant de songer à de nouvelles retrouvailles.

Ce n'est qu'un malheureux contretemps de quelques semaines, se rappelait-elle en boucle, à regret.

Nala occupait l'essentiel de ses soirées à se morfondre. Elle écrivait à Feldan de longs pavés, faisant en sorte que leur séparation forcée fût aussi supportable que possible. Elle lui détailla longuement son long périple à pied avec First, dans lequel elle confiait sa joie d'avoir mis le poulain hors de danger en l'amenant aux Champs de Xaroth. Cependant, à mesure que les jours passaient et que la routine s'installait, sa correspondance épistolaire avait tendance à se résumer à un simple :

« Je vais bien, j'espère que toi aussi. Je t'embrasse. Nala. »



Si elle ne pouvait retrouver Feldan, Nala ne comptait pas pourrir aux Champs de Xaroth. À l'arrivée du deuxième dimanche, le neuf septembre, elle ne tenait plus en place et se réveilla à quatre heures et demie du matin. Déjà prête sur les coups de cinq heures, elle se rendit dans l'écurie dans laquelle elle avait réussi à loger First, et l'emmena avec elle sur la route du nord. Après avoir veillé sur le poulain chaque jour, il se portait de mieux en mieux et pouvait désormais trotter sans peine. Elle avait si hâte de le monter ! Cependant, il était encore trop tôt, First était jeune et manquait encore de vigueur.

À mesure qu'ils marchaient, les vallons s'aplanissaient ; au bout de six heures, le fleuve s'élargit au niveau de son estuaire... en cet endroit, la terre fit place à la mer ! L'embrun marin titilla ses narines alors qu'elle contemplait l'eau scintillante devant elle. Nala se réjouit de retrouver les côtes qu'elle n'avait plus visitées depuis le commencement de ses études. Elle avait pensé garder en mémoire les impressionnants rouleaux s'écrasant contre les falaises ; pourtant, elle redécouvrit ces sensations comme s'il s'agissait de la première fois. Bercée par ce spectacle mélodieux, elle se laissa happer par l'immensité devant elle.

Aussi grand le Conglomérat fût-il, il s'arrêtait ici, impuissant face aux lois de la nature. Quand bien même Kalsura s'était emparée de ces côtes à l'issue de sa dernière guerre contre Helkar, ses tentacules ne s'étendaient pas au-delà des étendues bleutées. Certes, un fortin dressé à l'extrémité de la baie protégeait désormais le petit port en contrebas et les pêcheurs pouvaient aller s'aventurer dans les lagons ; mais s'ils se risquaient plus loin, ils devraient se frotter à la thalassocratie helkarie et à ses nombreuses flottes sécurisant ses voies de commerce maritimes.

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