IV - Sonia

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« Où en êtes-vous, jeune fille ? demanda l'ingénieure chimiste à ses côtés.

— Ça va, merci, j'ai quasiment terminé, répondit Sonia.

— Très bien, vous me montrerez ça tout à l'heure. Venez, nous sommes convoqués pour un point important.

— D'accord, je vous suis. »

Cela faisait trois jours que Sonia avait démarré son nouvel emploi dans les laboratoires de Wurjag, le cœur de l'empire de L'Empoisonneur. Le technopôle était placé au milieu des centres d'élevage et des cultures industrielles. Absolument tout était flambant neuf ici. En dépit de son vieil âge, l'Autorité Wurjag inventait l'avenir au sein de ces murs. Les ruptures technologiques avaient le potentiel de bonifier la condition des Conglomérés, aussi Sonia espérait-elle exercer un métier empreint de sens, sans faire preuve de naïveté pour autant. Ici, nul ne laissait l'éthique ralentir le progrès. Les chercheurs croyaient en une religion : la technolâtrie.

À cause de l'éloignement avec Kalsura, Sonia ne rentrait chez elle plus que le samedi soir. Au moins cet emploi lui apportait-il une meilleure rémunération que le précédent. D'ici peu, elle pourrait quitter sa colocation et louer un appartement rien que pour elle !

Cet après-midi du treize septembre, Sonia se leva et suivit sa collègue. Elles arrivèrent à un amphithéâtre où, bien loin des habituelles réunions d'équipe en petit comité, l'ensemble du personnel de la division avait été convié. Les deux femmes venaient tout juste de s'asseoir qu'un manageur démarra sans préambule :

« Bonjour. Vous êtes nombreux à avoir entendu les rumeurs des derniers jours. L'Autorité Wurjag vient de nous informer aujourd'hui qu'elles sont fondées. Hélas, le Conglomérat subit en ce moment même une invasion à l'ouest de son territoire. »

Un frisson traversa la foule alors que son sang ne fit qu'un tour. Ça y est, ils allaient enfin recevoir des explications... ! Sonia en trépignait de nervosité. Lors du conflit helkari, au moins, la campagne militaire de Valor s'était opérée sur les terres de l'ennemi. Cette fois-ci, en revanche, la guerre venait à eux...

« Attention, poursuivit le manageur, sa voix supplantant les messes basses grâce à son micro. Nous avons reçu la confirmation parce que nous nous trouvons hors de Kalsura. Vous allez être informés du plan d'évacuation qu'il vous faudra suivre en cas de nécessité. Je crains, hélas, que la menace ne soit sérieuse... »

Le cadre présenta ensuite un plan qui s'étendait des fermes de Wurjag jusqu'à Kalsura.

« Chaque équipe devra emprunter un itinéraire précis, ne déviez en aucun cas du chemin tracé, détailla-t-il longuement. Nous affréterons plusieurs charrettes dont vous pourrez tous bénéficier sans encombre ; quant aux manageurs, des véhicules motorisés seront disponibles pour rejoindre Kalsura dans les plus brefs délais. »

Cette présentation l'ennuyait de plus en plus. Pourquoi diable ne leur donnait-on pas l'identité de l'envahisseur ? Était-ce les Helkaris, oui ou non ? Visiblement, les autres salariés en venaient à la même conclusion qu'elle et les mécontentements se faisaient de plus en plus assourdissants. Fatiguée de cette agitation, Sonia n'aspirait qu'à retourner dans Kalsura. Retrouver sa colocation. Rire avec Ledtas et Leinys. Quitter cet endroit !

« J'ai, hélas, une autre mauvaise nouvelle, poursuivit le manageur d'une voix morte. Comme je vous l'ai évoqué, l'offensive ennemie n'est communiquée qu'aux zones extérieures de Kalsura. À ce stade, il est exclu d'alerter les habitants de la capitale, par crainte de répandre la panique et de mettre à mal la productivité pour l'effort de guerre qui s'annonce. C'est pourquoi j'ai, hélas, le regret de vous annoncer que... que jusqu'à nouvel ordre, tout retour à Kalsura est formellement interdit. »

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