IV - Ledtas

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Ledtas pénétra à l'intérieur de la Forteresse de Valor et fut ébahi par l'étalage de richesse perlant littéralement des murs. Les Sept et leurs Voix baignaient dans un tel luxe... Ils vivaient dans un âge doré et éternel. Comment une telle abondance était-elle possible, étant donné l'effroyable misère qui régnait dans la ville basse ? La réalité dépassait de loin l'imagination des récits que les Conglomérés en faisaient. Jamais Ledtas n'avait pensé franchir la porte d'entrée de la Forteresse et découvrir pareil spectacle... Encore moins en tant que prisonnier !

Après une succession de marches, Ledtas devina l'entrée de l'Aréopage.

L'Aréopage, le siège politique de Kalsura, le cœur de la cité.

L'Aréopage, où visions du Conglomérat et débats idéologiques fusent de toutes parts.

L'Aréopage, le lieu dans lequel se tiennent les conseils entre les puissants et où les Sept Autorités et leurs Voix règnent sans partage.

Les Chérubins le précédèrent dans les escaliers. Un bref instant, Ledtas pensa qu'il allait être conduit dans la prestigieuse salle. Il se représentait déjà, les menottes aux mains et un boulet de forçat attaché au pied, à la merci du regard inquisiteur des Sept ! Il serait condamné pour sa diffamation et sitôt expédié dans les oubliettes les plus obscures de la Forteresse !

Cependant, les Chérubins obliquèrent vers d'autres escaliers latéraux et poursuivirent leur ascension. S'échinant à suivre la cadence rythmée de leurs pas, Ledtas finit par être essoufflé. Jamais il n'avait gravi autant de marches d'une seule traite. Il osa un regard dans le vide en contrebas et fut étourdi par un soudain vertige. Au bout d'une éternité, lui et son intimidante escorte arrivèrent au dernier étage. Ils pénétrèrent dans un vaste hall que les baies vitrées inondaient de lumière. Disposés en sept rangées, quatorze autres Chérubins étaient postés de part et d'autre du couloir. Leur regard était fixe, comme braqué à l'horizon. Aucun ne posa les yeux sur lui, ne serait-ce qu'un bref instant.

À l'autre extrémité du hall se tenait une imposante porte en bois de chêne, elle-même protégée par deux Chérubins, main à l'épée. Elle était munie de charnières en fer et surmontée d'une grille vert-de-gris. Ledtas reconnut la couleur caractéristique du métal : du tantium, à l'état pur ! Une fortune.

L'un des Chérubins l'escortant se détacha du groupe et leva la main vers sa tempe en guise de salut. Aussitôt, l'un des deux gardes se positionna devant la porte et frappa de son poing à quatre reprises, chaque coup espacé par une pause solennelle. Les deux gardes ouvrirent la lourde porte avec déférence et pénétrèrent de l'autre côté. Une main énergétique le poussa dans son dos et le fit avancer dans la pièce à son tour. Se retournant, Ledtas constata que la milice était déjà en train de repartir en sens inverse dans le hall.

Avec un silence toujours cérémonieux, l'un des deux Chérubins lui fit signe d'avancer. À ses pieds, un éclatant marbre blanc s'accordait à merveille avec le marbre rose constituant les dizaines de piliers de la pièce. Dans les renfoncements, un splendide granit bleuté parsemé de veines noires revêtait les parois les plus éclairées. Enfin, de l'or massif ornait les cadres des fenêtres, en plus d'imprégner la pièce toute entière. Ledtas ignorait son caratage, mais cela importait peu, tant la seule contemplation de cet or brillant et de cette opulence à l'état pur aurait laissé pantois n'importe qui. Les dorures envahissaient le mobilier et les ornements de la fastueuse bibliothèque.

L'or s'intégrait aussi sur une impressionnante armure cérémonielle ; celle-là même que portait l'homme assis derrière son bureau au fond de la pièce, et qui était en train de rédiger des notes avec une plume d'oie au magnifique empennage blanc. Bien du temps s'était écoulé depuis ses dernières allocutions publiques, pourtant Ledtas n'eut aucun mal à reconnaître son visage. Comment l'oublier ? À la fin du conflit helkari, ses hologrammes apparaissaient à chaque rue de Kalsura. La trentaine, cheveux blonds, un front déjà marqué de deux traits verticaux soulignant son attitude sévère. Il s'agissait de l'éminent Valor.

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