VI - Nala

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L'armée conglomérée avait ordonné l'évacuation des Champs de Xaroth. Les circonstances ayant appelé L'Ancien à la capitale, il n'avait pas été ici pour invalider l'ordre ; résultat, des milliers de réfugiés fuyaient vers le sud. Avançant en carriole, en roulotte ou à la seule force de leurs jambes, ils se dirigeaient vers le refuge tout relatif de Kalsura. D'autres encore tiraient leurs vélos, chargés de leurs effets les plus nécessaires. Jamais la cité ne s'était autant rapprochée du destin inéluctable présagé par tous. Elle s'était vidée de ses derniers habitants et ressemblait désormais à une véritable ville fantôme. Seules quelques centaines d'ouvriers restaient encore sur le site pour faire tourner les usines de guerre et pour terminer de produire trois Fiertés de Xaroth supplémentaires...

Cependant, Nala ne comptait pas parmi les fuyards. En vertu du récent état d'urgence, elle allait être mobilisée... directement sur le champ de bataille ! Son contremaître le lui avait annoncé en début d'après-midi et ne lui avait octroyé qu'une quinzaine de minutes pour se préparer. Cette nouvelle avait été des plus déplaisantes, mais Nala n'avait pas souhaité gaspiller un instant à la contester. « J'arrive tout de suite ! » avait-elle répondu à son supérieur avant de partir d'un sprint foudroyant jusqu'à son domicile. En une seule traite, elle était arrivée jusqu'à sa chambre pour y récupérer provisions, gourdes et manteau chaud.

Sans décélérer, Nala avait viré dans la direction des écuries. Hors de question que je laisse First ici, avait-elle tranché. Elle ignorait la tournure que prendrait le conflit, ni même si elle retrouverait seulement cette ville dans un état similaire. Les Champs de Xaroth seraient-ils réduits à un champ de ruines ? Les habitants reviendraient-ils à terme, ou la cité serait-elle abandonnée pour l'éternité ? Dans tous les cas, le poulain ne devait pas rester seul ici. Une nouvelle fois, elle devait l'emmener et le mettre à l'abri, même si cela impliquait de le rapprocher du front ; au moins, là-bas, l'armée conglomérée les protègerait tous les deux.

First avait été ravi de voir apparaître sa maîtresse. Il avait repris du poil de la bête depuis qu'il avait quitté les fermes de Wurjag. Si sa vie n'était désormais plus en danger, le frêle poulain avait toujours besoin d'un exercice régulier. Ça tombait à pic... Pour habituer First au port d'une charge, Nala avait entreposé l'ensemble de ses affaires sur son dos, avant de saisir les rênes et de faire trotter le jeune cheval à côté d'elle.

Avec deux minutes de retard, elle revint devant sa manufacture sous le regard sévère de son supérieur, qui avait été à deux doigts de la signaler comme déserteuse. Un rassemblement d'une centaine de personnes se tenait là. Techniciens, ouvriers et ingénieurs se confondaient pour apporter leur concours à l'effort de guerre, autour de six véhicules tout-terrain qui faisaient tourner leur moteur à l'arrêt. Parmi les mobilisés, les seniors s'installèrent à l'arrière. Comme il n'y avait pas assez de place pour tout le monde, Nala se proposa de suivre le convoi à pied en compagnie des plus jeunes. De toute manière, il n'existait aucune route dégagée vers l'ouest, ce qui obligerait bientôt les passagers en voiture à quitter le confort relatif des sièges et à rejoindre l'armée en empruntant des sentiers pédestres. Les moteurs des jeeps rugirent en soulevant un tourbillon de poussière ; une fois ce dernier dispersé, le convoi détalait déjà au loin, à une allure proche du triple galop.

En compagnie des autres mobilisés, Nala traversa à son tour le pont dressé sur l'Ananta. Comme escompté, la route disparut rapidement au profit de vastes plaines emplies d'herbe sauvage. Après plusieurs heures, trois Fiertés de Xaroth, toutes chaudes sorties des usines, dépassèrent son groupe dans un boucan assourdissant avant de se porter vers leur objectif, par-delà l'horizon.

Le sol se fit de plus en plus escarpé à mesure que Nala et les autres civils s'éloignaient du lit du fleuve. Là où les véhicules auraient dû être bloqués par la dense forêt, elle vit à la place des empreintes de chenilles sur la terre ainsi que plusieurs arbres coupés, dont le tronc jaillissait de chaque côté du mince détroit. Les Fiertés de Xaroth avaient réussi à se frayer un passage dans la montagne ! De fait, les véhicules motorisés du convoi avaient suivi le sillage des chars d'assaut et n'avaient pas eu besoin de décharger les hommes à leur bord. Le groupe de Nala dépassa d'autres convois, ceux-là tractés par des chevaux ou des bœufs et se mouvant avec lenteur. Leurs chargements débordaient de nouveaux obus aux dimensions titanesques ; les obus des Fiertés de Xaroth !

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