Chapitre 3 - Un malheureux contretemps

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I - FELDAN

Le lendemain, depuis le quai de la station, Feldan guettait au loin l'éventuelle arrivée d'un train. Hélas, aucun convoi n'achemina de nouvelles recrues jusqu'aux mines d'Yliss. Par ailleurs, depuis la mise en place du chemin de fer, plus aucune caravane n'empruntait cette route. Décontenancé et ses options limitées, Feldan n'avait eu d'autre choix que d'attendre. Dans sa position, attendre revenait à s'éreinter à la tâche dans le tunnel, une nouvelle journée...

Le surlendemain, la chance lui sourit car il aperçut au loin la fumée noire d'une locomotive. Le commis de gare lui lança des regards suspicieux et ne se laissa pas facilement convaincre, croyant voir en lui un déserteur. Heureusement, Feldan disposait d'un atout imparable. Avant de partir, les Chérubins lui avaient transmis un laissez-passer, signé du sceau de l'Autorité Yliss. Il put donc monter dans le wagon vide et rentrer à Kalsura.

Une fois arrivé à la capitale aux alentours de midi, il se dirigea vers l'élévateur N° 12. Ce monte-charges avait la particularité de marquer un arrêt intermédiaire vers les deux cents mètres de hauteur. En cet endroit, plusieurs porosités criblaient le roc. Telles des fourmis, des centaines de mineurs conglomérés s'affairaient dans les profondeurs de l'imposant plateau. C'était en cet endroit qu'Yliss, alors jeune entrepreneure, avait repéré pour la première fois du tantium. Grâce aux élévateurs existants, elle avait exploité le minerai et l'avait revendu à prix d'or à Zerdkan, qui en avait eu grand besoin pour construire de nouveaux monte-charges. Yliss avait ainsi généré les prémices de sa richesse, manquant de peu de faire perdre à Zerdkan sa place à l'Aréopage.

Contremaître différent, labeur identique ; Feldan n'était pas dépaysé par son travail, en tout point semblable au précédent. Au moins son nouvel emploi se trouvait-il à Kalsura et lui permettrait de dormir chez ses parents, le soir. Par ailleurs, les infâmes trajets d'été dans les wagons bondés ne seraient plus qu'un mauvais souvenir... Cela dit, les équipements étaient beaucoup moins modernes que dans les mines d'Yliss. En place des tunneliers ouvrant de nouvelles voies tels des vers géants, un travailleur désigné ouvrier du rocher perçait le roc au pic et à la barre à mine. Lorsque la roche devenait trop dure, un boutefeu venait l'assister, c'est-à-dire une personne spécialisée aux tirs de mine avec la dynamite.

Alors que Feldan était en train de tirer un wagonnet chargé de minerai, l'ouvrier à ses côtés ne cessait de s'arrêter, laissant échapper de sa bouche une toux sèche et odieuse. Exposé à longueur de journée aux particules de silice en suspension dans l'air, des nodules finissaient par se former dans ses poumons, au point de provoquer des difficultés respiratoires. La silicose, le fléau des mineurs... ! L'ouvrier aurait bientôt besoin d'une bouteille d'oxygène pour se déplacer. À cause de cette maladie mortelle, jamais il n'écoulerait de vieux jours paisibles. Feldan jeta un œil au galibot, un enfant mineur qui les assistait dans la manœuvre des wagonnets. Il avait quoi, quatorze, quinze ans ? Impossible de survivre toute une vie dans un endroit pareil... Son désespoir augmenta. Lui aussi finirait avec les poumons pourris s'il s'éternisait ici. Hélas, il n'avait toujours trouvé aucun autre débouché à Kalsura.


Au cours de la semaine qui suivit, Feldan mena une correspondance épistolaire régulière avec Nala. Son amie se réjouit à la nouvelle de sa mutation ; en revanche, elle le gronda avec virulence lorsqu'elle apprit qu'il avait risqué sa vie pour tenter de sauver l'Autorité Yliss. Sur une note mystérieuse à la fin de sa dernière lettre, Nala lui proposa de la rejoindre aux fermes de Wurjag pour son jour de congé. Feldan se conforma à ses souhaits.

En ce dimanche ensoleillé, il quitta la capitale et découvrit les champs et les batteries d'élevage une fois arrivé à destination. Quand elle l'aperçut au loin, Nala se précipita vers lui, un sourire éclatant aux lèvres. Elle plaça ses bras autour de son cou et l'enlaça très fort. Qu'il était bon d'enfin se retrouver ! Feldan comptait bien profiter de chaque instant de cette journée. L'humeur taquine, Nala lui cacha les yeux avec ses mains et l'invita à avancer.

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